Après intervention de la Cour de cassation, la cour d’appel de Paris confirme son arrêt de 2022 condamnant Speed Rabbit Pizza à verser 30 000 € à Domino’s Pizza pour atteinte au secret des affaires.

En question : le fait de savoir si Speed Rabbit a – ou non – porté atteinte au secret des affaires afin de prouver que Domino’s a accordé, notamment, des délais de paiement illicites à ses franchisés. Une stratégie de conquête du marché qui a entraîné, selon le franchiseur plaignant, la quasi-destruction de son réseau.
Peu après l’arrêt mitigé de la cour d’appel de Versailles du 10 septembre 2025 sur le même sujet dans un litige semblable, la cour d’appel de Paris vient, le 8 octobre, de rendre une décision entièrement défavorable à Speed Rabbit Pizza.
En 2022, après dix années de procédures, la cour d’appel de Paris condamne Speed Rabbit Pizza et un ex-franchisé pour atteinte au secret des affaires
Dans le cadre d’une procédure déclenchée en 2012 par un ex-franchisé Speed Rabbit (depuis 1999) soutenu par son franchiseur, les magistrats parisiens s’étaient prononcés sur le sujet dans un arrêt du 23 novembre 2022 *.
Les juges avaient, en particulier, condamné Speed Rabbit et son franchisé à verser 30 000 € en réparation du préjudice moral subi selon eux par Domino’s pour cause de non-respect du secret de ses affaires.
Une décision remise en question par la Cour de cassation qui, par un arrêt du 5 juin 2024, a renvoyé le dossier devant la cour d’appel de Paris.
La décision est cassée en 2024 : le droit à la preuve des plaignants ne doit-il pas dans ce litige primer sur le secret des affaires ?
La plus haute juridiction française estimait en effet que les magistrats d’appel auraient dû, avant de se prononcer, chercher à savoir, « si la pièce produite (par Speed Rabbit) était (ou non) indispensable pour prouver les faits allégués de concurrence déloyale » et si « l’atteinte portée (…) au secret des affaires de la société Domino’s Pizza n’était pas strictement proportionnée à l’objectif poursuivi. »
Comme elle l’a précisé, il est en effet possible dans un procès civil – à ces conditions – qu’une pièce produite en violation du secret des affaires soit quand même examinée par les juges au nom du droit à la preuve des plaignants
La cour d’appel de Paris confirme d’abord le non-respect du secret des affaires de Domino’s par Speed Rabbit

La cour confirme sa décision de 2022.
Les magistrats parisiens considèrent d’abord que la pièce litigieuse était bien « protégée par le secret des affaires ». Ils réaffirment également que la production de ce document devant la justice était « illicite ».
Les magistrats parisiens estiment ensuite que la pièce produite ne présentait aucun des caractères qui auraient pu la justifier
La cour considère ensuite que « la pièce couverte par le secret des affaires ne présente (…) pas un caractère indispensable pour prouver les faits allégués. »
Selon elle, en effet, le guide Domino’s de 2018 « ne fait à aucun moment référence à la question des délais de paiement ».
De même, pour la cour d’appel de Paris, « le caractère strictement proportionné de l’atteinte portée (au secret des affaires) n’est pas démontré ».
Entre autres parce que la pièce produite « n’entretient qu’un lien très ténu avec les faits de concurrence déloyale (dénoncés) ». Et que « seuls deux paragraphes insérés dans ce guide de 23 pages produites dans leur totalité, présentent, selon (les plaignants), la caractéristique d’être indispensables à l’exercice de leur droit à la preuve. »
L’atteinte de Speed Rabbit Pizza au secret des affaires de Domino’s Pizza n’est donc, selon la cour d’appel de Paris, pas justifiée.
Comme en 2022, la cour condamne Speed Rabbit Pizza et son ex-franchisé à verser 30 000 € à Domino’s Pizza en compensation du préjudice moral subi
Estimant que les plaignants avaient en conséquence « obtenu un avantage concurrentiel indu grâce à la pièce litigieuse », Domino’s Pizza leur réclamait 250 000 € de dommages et intérêts.
La cour ne suit pas l’enseigne sur ce terrain. Pour elle, « Domino’s Pizza ne produit toujours aucun élément permettant de chiffrer son préjudice relativement aux conséquences économiques négatives de l’atteinte au secret des affaires et les bénéfices réalisés par Speed Rabbit Pizza et ses franchisés ».
« Aucun dommages-intérêts ne peut donc lui être alloué à ce titre. »
En revanche, « s’agissant du préjudice moral, la cour dispose d’éléments suffisants lui permettant d’évaluer à (…) 30 000 € le montant de la somme à verser à Domino’s Pizza en réparation du dommage causé à cet égard. »
Après avoir satisfait à la demande d’examen complémentaire de la Cour de cassation, la cour d’appel de Paris renouvelle donc la conclusion de sa décision de 2022.
Bien entendu, Speed Rabbit peut à nouveau se pourvoir en cassation, comme il l’a fait contre l’arrêt du 10 septembre 2025 de la cour d’appel de Versailles.
