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      Et maintenant, à quoi peuvent s’attendre les ex-franchisés Carrefour passés chez U ? - Brève du 24 novembre 2025

      Brève
      24 novembre 2025

      Approuvés par la cour d’appel de Caen en 2022, désapprouvés en cassation en 2024 et par la cour d’appel de Rouen en 2025, les ex-franchisés Carrefour Contact de Normandie seront-ils empêchés de continuer leur chemin ?

      Cour de cassation juridique franchiseLe couple de franchisés Carrefour Contact désapprouvé le 23 octobre 2025 par la cour d’appel de Rouen pour être passé chez U contre l’avis du franchiseur va-t-il pouvoir continuer son activité ?

      A la source du litige, les statuts de la société ex-franchisée dont une filiale de Carrefour dispose de 26 % des parts.

      Ces statuts prévoient, comme dans tous les cas de franchise participative chez Carrefour, d’une part qu’il n’est pas possible à la société, vu son objet social, de changer d’enseigne en dehors du groupe (article 2) et d’autre part (article 15) que les gérants n’ont pas le pouvoir de changer d’enseigne (même à l’intérieur du groupe), sauf à obtenir la majorité des 3/4, soit 75 %, ce qu’ils ne peuvent pas faire sans l’accord du franchiseur, puisqu’ils ne disposent eux-mêmes que de 74 %.

      La Cour de cassation et à sa suite la cour d’appel de Rouen ont, dans ce litige, donné raison au franchiseur, qui s’oppose depuis le début au départ de ses ex-franchisés.

      Les magistrats ont estimé que la filiale du groupe Carrefour présente au capital de la société franchisée avait simplement exercé ses droits d’associée et n’avait pas commis d’« abus de minorité » en votant contre la volonté des franchisés de sortir du réseau. Sous-entendu, elle n’aurait donc pas pris une position contraire à l’intérêt général de la société.

      Selon l’avocat des franchisés, toute la question maintenant est de savoir quel est « l’intérêt général » de la société ex-franchisée…

      Des décisions de justice que les ex-franchisés continuent de contester d’autant plus que, depuis 2022, la situation de la société ex-franchisée a évolué.

      La cour d’appel de Caen a en effet nommé alors un mandataire ad hoc qui a voté, lors d’une Assemblée générale extraordinaire, à la place de la filiale de Carrefour, la modification de l’objet social de la société ex-franchisée. Objet social qui porte désormais sur la seule exploitation d’un supermarché sans indication d’enseigne.

      Même si la filiale de Carrefour est toujours au capital, ce qui crée d’ailleurs une situation singulière.

      Que peut-il se passer maintenant ?

      Est-il envisageable que les ex-franchisés, qui connaissent depuis plusieurs exercices le succès avec une marque-enseigne concurrente affiliée à la coopérative U, soient contraints par décision de justice de signer de nouveaux contrats de franchise et d’approvisionnement avec les filiales du groupe Carrefour ? C’est juridiquement une des possibilités.

      Logo du groupe CarrefourEst-il de même envisageable – autre solution judiciaire  – que leur société soit dissoute à la demande de l’associé minoritaire si l’objet social exclusif Carrefour n’est pas rétabli ? Une dissolution qui permettrait à la filiale du groupe de récupérer le fonds de commerce que les ex-franchisés ont fait fructifier, puisque les statuts prévoient une telle attribution préférentielle.

      La première hypothèse aurait à l’évidence « des effets déplorables sur l’image et le fonctionnement de la société » s’indigne Maître Franck Thill, associé du cabinet TLA, conseil des ex-franchisés engagés dans ce litige. En outre, cela enchaînerait les exploitants à Carrefour « pour la durée totale de la société fixée à 99 ans, ce qui n’existe dans aucun autre réseau en France ».

      La seconde hypothèse serait « particulièrement choquante » puisque « les majoritaires, ceux qui travaillent tous les jours dans le fonds de commerce qu’ils ont créé et développé (seraient ainsi) expropriés ».  

      Et les deux seraient bien sûr « contraires à l’intérêt général de la société ». Un intérêt général que, selon l’avocat, « la cour d’appel de Rouen n’a pas suffisamment pris en compte » dans sa décision.

       « Le refus d’un associé minoritaire de modifier l’objet social peut être contraire à l’intérêt général de la société. » Cour de cassation, arrêt du 13 mars 2024

      Or « comme l’a souligné la Cour de cassation elle-même dans son arrêt du 13 mars 2024 », poursuit le praticien du droit, « le refus d’un associé minoritaire de modifier l’objet social peut être contraire à l’intérêt général de la société. »

      Et précisément, maintenant que la société ex-franchisée « a retrouvé sous enseigne U une parfaite rentabilité avec une amélioration exceptionnelle de ses chiffres d’affaires et résultats », comment qualifier l’attitude de l’associé minoritaire qui voudrait revenir en arrière ?  Alors qu’il « devrait plutôt ne voir que des avantages à être l’associé d’une société qui dégage des bénéfices et fonctionne parfaitement bien, ce qui n’était pas le cas sous enseigne Carrefour » ?

      Ne défendrait-il pas ses seuls intérêts égoïstes, contraires à l’intérêt général de la société ?

      Que décidera la justice si elle est, comme c’est probable, à nouveau consultée par l’une ou l’autre partie ? Où situera-t-elle l’intérêt général de la société dont les ex-franchisés sont les associés majoritaires ? La laissera-t-elle continuer son chemin, respectant ainsi « le principe majeur en franchise de l’indépendance des franchisés » ? Ou approuvera-t-elle l’une ou l’autre demande du groupe franchiseur lui permettant de reprendre des parts de marché et en prime de faire un exemple ?

      Les ex-franchisés qui ont, selon eux, régulièrement mis fin à leurs contrats, s’estiment en tout cas dans leur bon droit et envisagent de se pourvoir à nouveau en cassation.