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      Avis : l’assistance financière du franchiseur en période de crise

      Tribune publiée le 19 février 2021 par Rémi DE BALMANN
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      Jusqu’où l’assistance financière du franchiseur peut-elle en période de crise sanitaire et comment la tête de réseau doit-elle aider ses membres ? L’auteur, avocat et coordinateur du Collège des Experts de la FFF, répond à la lumière de la jurisprudence.

      Par Rémi de Balmann, Avocat associé, D, M & D

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      Dans le contexte d’une pandémie mondiale et d’un arrêt brutal et quasi-total de toute activité économique, le réflexe naturel – par-delà le souci de rester en vie – est de « tenir » financièrement. Les franchisés n’échappent pas à la règle et après en avoir appelé aux aides publiques et aux facilités bancaires, ils pourraient être tentés de se tourner vers leurs franchiseurs et de solliciter leur appui.

      Mais alors qu’ils sont eux-mêmes confrontés à leurs propres difficultés, que peuvent et que doivent faire les franchiseurs face aux difficultés financières de leurs franchisés ?

      Beaucoup de franchiseurs ont reporté les prélèvements des redevances voire temporairement suspendu leur facturation.

      C’est déjà aller très loin dans l’assistance lorsqu’on sait que la mise à disposition du savoir-faire et de l’enseigne a pour contrepartie le règlement régulier de redevances d’exploitation.

      Dans son célèbre ouvrage sur « Les contrats de franchisage » (Litec, 2e édition, 2007), Monsieur le Professeur Philippe Le Tourneau écrit que l’une des obligations du franchisé est de « payer » (« En contrepartie des avantages que lui procure le contrat, le franchisé est tenu de payer un prix. Celui-ci peut se décomposer en deux redevances que nous avons dénommées, il y a plus d’un quart de siècle, redevance initiale forfaitaire et redevance périodique proportionnelle »).

      Renoncer aux redevances périodiques voire même en différer le recouvrement représente déjà un très gros effort.

      Faudrait-il que les franchiseurs aillent plus loin ?

      Un ouvrage aussi sérieux que le Lamy Droit Economique avance à cet égard l’idée que « l’intérêt commun qui préside à l’exécution du contrat de franchise implique de la part du franchiseur une attitude active destinée à favoriser le redressement de l’entreprise franchisée » (Lamy Droit Economique 2020, Les contrats de franchise, page 1686). Et de souligner que « la cour d’appel de Paris a estimé en 2014 qu’un franchiseur engageait sa responsabilité « en refusant d’aider son cocontractant à sortir de l’impasse économique » » (C.A. Paris, 19 mars 2014, n° 12/12046) ».

      Rien n’oblige cependant les franchiseurs à aider financièrement leurs franchisés, alors au surplus qu’ils subissent tout autant sinon plus la crise.

      Ainsi qu’il en a été jugé, « un franchiseur n’a pas vocation à supporter les risques financiers inhérents à l’activité du fonds de commerce du franchisé » et il n’existe notamment nulle obligation pour le franchiseur de prendre une participation dans le capital de la société franchisée (C.A. Toulouse, 14 oct. 2015, n° 13-00325).

      Et la Cour de Cassation a approuvé une cour d’appel qui avait notamment jugé que « le franchisé est un entrepreneur indépendant qui assume et porte la responsabilité de ses résultats d’exploitation, financiers, et commerciaux, l’obligation du franchiseur ne s’étendant pas à la prise en charge des pertes du franchisé (…) » (Cass. com, 7 janv. 2014, pourvoi n° 12-17154).

      Mais il n’est pas interdit aux franchiseurs qui le peuvent de faire volontairement ce que ni la loi, ni la jurisprudence ne les obligent à faire.

      Qu’un franchiseur – dans le contexte exceptionnel d’aujourd’hui – consente des prêts à tel ou tel franchisé ne saurait tomber sous le coup de la loi. Dès lors, que ceux qui le peuvent le fassent sans que ceux qui ne le peuvent pas y voient un quelconque soutien abusif ou une pratique déloyale.