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      Franchisés : attention aux engagements portant sur un chiffre d’affaires minimum à réaliser ! - Brève du 25 juillet 2025

      Brève
      25 juillet 2025

      Un franchisé voit son contrat résilié parce qu’il n’a pas atteint le chiffre d’affaires minimum prévu de 30 000 € annuels. Il assigne son ex-franchiseur en justice car pour lui, c’est l’absence de savoir-faire réel et d’assistance ainsi que des redevances excessives qui sont la cause de son échec. Il est débouté et même sanctionné.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Dijon a rendu, le 22 mai 2025, un arrêt radical à l’encontre d’un franchisé tenu par une clause de chiffre d’affaires minimum à réaliser.

      Dans ce litige, le contrat de franchise de 5 ans est signé fin 2016 et commence effectivement en septembre 2017.

      Le franchiseur (qui a démarré la franchise en 2014) accorde à son franchisé une exclusivité sur un département en contrepartie d’un droit d’entrée de 36 000 € et de redevances de 15 % HT du chiffre d’affaires mensuel avec un minimum garanti de 700 € HT chaque mois.

      Le franchisé doit également s’acquitter d’une commission de 20 % HT de son CA mensuel au titre de prestations techniques du franchiseur, celui-ci laissant donc à son franchisé comme il le déclare « une marge de 65 % » sur le CA qu’il réalisera.

      Suite à la communication par l’enseigne du DIP (Document d’information précontractuel), le futur exploitant fait réaliser un prévisionnel faisant apparaître un potentiel de 75 000 € de CA la première année et de 100 000 la seconde.

      Le contrat prévoit également que si le franchisé ne réalise pas un chiffre d’affaires annuel au minimum de 30 000 €, le franchiseur se réserve le droit de revenir sur l’exclusivité accordée et même de résilier le contrat de franchise sans préavis ni indemnités.

      Le contrat du franchisé est résilié pour ne pas avoir atteint le chiffre d’affaires minimum prévu

      Le démarrage de l’activité apparaissant plus difficile qu’espéré, les relations se tendent entre les parties.

      Début novembre 2018, estimant que le site internet du franchisé ne se conforme pas à plusieurs règles fondamentales de son réseau, le franchiseur adresse à son partenaire une mise en demeure de régulariser, qui ne reçoit pas de réponse et n’a pas d’effet.

      De son côté, le franchisé avec six autres de ses confrères sollicite une réunion avec le franchiseur sur le mauvais fonctionnement du réseau (et même selon eux l’absence d’un véritable réseau).

      Cette rencontre est suivie du déclenchement de plusieurs procédures contre le dirigeant de la franchise.

      Finalement, celui-ci résilie le contrat du franchisé en mars 2019. Motif : il n’a pas réalisé, pour la période de mars 2018 à février 2019, le chiffre d’affaires minimum de 30 000 € HT annuel contractuellement prévu.

      Le franchisé réclame la nullité du contrat pour absence de savoir-faire et vice du consentement

      En mars 2020, le franchisé assigne le franchiseur en justice. Débouté et condamné en mars 2022 par le tribunal de commerce de Dijon, il fait appel.

      Devant la cour, le franchisé renouvelle sa demande de nullité du contrat et de remboursement du droit d’entrée et des redevances versées (soit au total près de 46 000 €).

      Le franchisé invoque à la fois à l’appui de ses demandes l’absence de savoir-faire et un DIP insuffisant ayant vicié son consentement.

      Il ajoute avoir été trompé par le chiffre d’affaires minimum annuel de 30 000 €, ayant considéré que son partenaire lui garantissait ainsi que son concept pouvait dégager un volume d’affaires au moins égal à cette somme.

      Pour la cour d’appel, le savoir-faire du franchiseur est bien réel

      Devenir-Franchise-Chiffres-FranchiseurSur tous ces points, la cour d’appel contredit le franchisé.

      Elle argumente longuement sur la réalité du savoir-faire du franchiseur. Car même « si ses différents éléments exposés dans sa « bible » (…) ne présentent séparément aucune originalité et pouvaient être connus du franchisé », la société du franchiseur « a développé une méthodologie » et sélectionné « les options (…) les plus adaptées à la qualité du résultat (souhaité) ».

      Pour les magistrats de Dijon, « il s’agit bien d’un savoir-faire « secret, substantiel et identifié » ayant permis la réussite de la société (franchiseur)* », dont ils considèrent en outre la marque comme « établie ».

      Pour eux, ce savoir-faire conférait bien aux franchisés « un avantage concurrentiel facilitant le démarrage de leur activité. »

      La cour refuse donc d’annuler le contrat pour cause d’absence du savoir-faire.

      Les magistrats ajoutent qu’en aucun cas, le chiffre d’affaires minimum indiqué au contrat ne pouvait s’interpréter comme un engagement du franchiseur mais était au contraire un dispositif destiné à « caractériser un manquement du franchisé dans son obligation de participer au développement du réseau ».

      Pas davantage de vice du consentement selon les juges

      Les magistrats écartent également tout vice du consentement.

      Pour eux, le DIP contenait des éléments d’information suffisants sur le marché local et ses perspectives de développement, conformément à la loi. Puisqu’il indiquait le nombre potentiel de cibles sur le marché national et local, la liste des concurrents et les évolutions à venir de ce marché « par segments géographiques ».

      « La société (franchisée) ne démontre pas que le document d’information pré-contractuel l’a privée d’éléments déterminants de son consentement, écrit la cour, de sorte que la nullité pour vice du consentement n’est pas encourue ».

      Pour la cour, il n’y a pas non plus de défaut d’assistance et l’argument sur les redevances abusives n’est pas recevable

      Le franchisé dénonçait aussi les « manquements » de la société franchiseur à son obligation d’assistance, en particulier « en termes de formation, d’animation du réseau et d’intervention face aux difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la franchise ».

      De même, il mettait en cause « la facturation d’une rémunération de prestations techniques sans réelle contrepartie et constituant une redevance déguisée d’un montant excessif (l’ayant privé) d’une part raisonnable de ses bénéfices ».

      La cour réduit à néant ces accusations.

      Pour les magistrats, la société franchiseur a mis en ligne entre 2016 et 2021 suffisamment de fiches métiers, argumentaires de vente, messages types, tutoriels. Elle a justifié aussi de modules et de « réunions régionales de formation ».

      En outre, le franchisé en litige « n’apporte pas la preuve d’avoir sollicité de formation, d’aide ou de conseils pendant l’exécution du contrat ». Or, selon la cour, « l’obligation d’assistance ne peut s’envisager que de manière personnalisée, dès lors qu’elle vise à apporter au franchisé une individualisation du savoir -faire (…) »

      Quant au montant des redevances et autres rémunérations, la cour répond  que, selon le code civil, « le contrôle du contenu du contrat (n’est) pas permis sur les clauses de prix. »

      Au lieu d’obtenir 46 000 € d’indemnités, le franchisé écope d’une sanction de 28 700 €

      Les demandes du franchisé quant à la nullité du contrat de franchise et au remboursement de près de 46 000 € sont donc rejetées par la cour d’appel de Dijon.

      Laquelle condamne au contraire le franchisé à régler des factures impayées et surtout à s’acquitter d’une somme de 28 700 €, correspondant au montant minimum de redevances garanti par le contrat (700 € mensuels) multiplié par le nombre de mois restant à courir jusqu’à son terme prévu en août 2022.

      Car, pour les magistrats, même si c’est le franchiseur qui a résilié le contrat, il était dans son droit puisque le franchisé n’avait pas réalisé le chiffre d’affaires minimum auquel il s’était engagé.

      La rupture est donc considérée comme étant du fait du franchisé, et tombant sous le coup de la sanction prévue au contrat en cas de rupture anticipée non justifiée.

      *A noter : la société franchiseur a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde par un jugement de juillet 2019 et a bénéficié d’un plan de sauvegarde en janvier 2021.

      >Référence de la décision :

      -Cour d’appel de Dijon, 2eme chambre civile, 22 mai 2025, n° : 22/00599

      >A lire aussi sur le sujet :

      -L’article de Nicolas Ferrier, professeur à l’université de Montpellier et directeur éditorial de la Lettre de la Distribution dans son numéro de juillet-août intitulé « Appréciation souple du savoir-faire et précision sur l’obligation d’assistance en matière de franchise ».