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      Procédure de sauvegarde et franchise participative : un franchiseur débouté - Brève du 7 avril 2022

      Brève
      7 avril 2022

      Un franchiseur présent au capital des sociétés d’un franchisé s’opposait à sa demande d’ouverture d’une procédure de sauvegarde. Il estimait pour diverses raisons qu’elle était frauduleuse. Il est débouté.

      Entraide entre franchisés au sein du réseauLa cour d’appel de Lyon vient d’intervenir dans un litige où il est question de franchise participative et de procédure de sauvegarde.

      Dans cette affaire, un franchisé exploite plusieurs supérettes en franchise à travers des sociétés coiffées par une holding. Celle-ci lui appartient entièrement, tandis que les sociétés franchisées accueillent à leur capital le franchiseur – via deux filiales – à hauteur de 26 % (minorité de blocage). Les contrats de franchise et d’approvisionnement sont signés entre 2013 et 2019.

      En question : des difficultés du franchisé et son projet de passer à la concurrence

      Le 25 septembre 2020, lors des assemblées générales des sociétés franchisées, les filiales du franchiseur s’opposent au basculement des supérettes sous une enseigne concurrente proposé par le franchisé.

      Le 9 décembre, le tribunal de commerce de Lyon prononce l’ouverture d’une procédure de sauvegarde pour les sociétés franchisées (à leur demande) et nomme un administrateur et un mandataire judiciaires.

      Dès le 21 décembre, les deux filiales du franchiseur « forment tierce opposition » à l’encontre de cette décision. Pour elles, la procédure de sauvegarde a été sollicitée par le franchisé « avec l’objectif manifeste de frauder (leurs) droits ».

      Selon le franchiseur, il y a eu fraude car il n’y avait pas de « difficultés insurmontables »

      Déboutées en première instance en février 2021, les filiales du franchiseur font appel.

      Selon elles, la fraude est caractérisée car les sociétés franchisées « présentent d’excellents résultats financiers et ne rencontrent pas de difficultés insurmontables ».

      Au contraire même, puisque deux d’entre elles en particulier ont « consenti des avances conséquentes (à la holding du franchisé) en fin d’exercice 2020 ». Des « flux financiers » qui n’ont pas été mentionnés lors de la demande de sauvegarde.

      De même, le franchisé a omis d’informer les juges « du stade avancé des discussions » en cours avec une enseigne concurrente.

      Bref, selon le franchiseur, cette demande d’ouverture d’une procédure de sauvegarde n’avait qu’un but : contourner son opposition au basculement de l’enseigne et in fine résilier les contrats de franchise et d’approvisionnement en cours.

      Pour la cour, ni les flux de trésorerie ni les recherches de solution vers une autre enseigne n’étaient frauduleux

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLes magistrats de Lyon ne suivent pas cette argumentation. Ils relèvent d’abord que « le juge n’a pas le pouvoir de contrôler la motivation (du demandeur de la sauvegarde…) dès lors que celui-ci justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter ».

      Ensuite, dans cette affaire, « les flux de trésorerie des sociétés franchisées vers leur holding ne permettent pas de retenir (qu’elles) ont provoqué elles-mêmes (leurs) difficultés financières (insurmontables) alors même que (les filiales du franchiseur) ont validé ces transferts en approuvant les comptes annuels de cette holding lors des assemblées générales annuelles ».

      Par ailleurs, la cour ne considère pas comme frauduleux le fait, pour les sociétés franchisées, « d’avoir entrepris des recherches auprès d’autres partenaires commerciaux potentiels dans la perspective de restructurer leurs fonds de commerce eu égard aux difficultés qu’elles supportaient ».

      Selon les sociétés franchisées, approuvées par la cour, les difficultés étaient bien réelles

      Pour les deux sociétés franchisées plus particulièrement mises en cause, « leur santé financière n’était qu’apparente, relève l’arrêt, compte tenu de l’importance de leur endettement ». Elles font également état de difficultés économiques « dues à leurs relations avec leur franchiseur ».

      Selon le franchisé, ses sociétés « n’avaient aucune autonomie ni marge de manœuvre tant pour l’achat des marchandises que pour leur revente ». Elles étaient « tenues de se soumettre au modèle économique » du franchiseur « sauf à être sanctionnées financièrement en perdant leurs droits aux ristournes de fin d’année ».  En conséquence, « elles ne pouvaient pas générer des marges suffisantes ni augmenter leur chiffre d’affaires : les prix de revente à la clientèle qui leur étaient dictés étant tout à la fois trop proches des prix de vente pratiqués par la centrale d’achat (du franchiseur) et trop élevés par rapport à ceux de la concurrence ».

      Aux yeux des magistrats de Lyon, les deux filiales du franchiseur « n’opposent pas d’éléments de preuve contraire établissant que ces difficultés (auraient été) fictives ou imputables à des fautes (des sociétés franchisées) ».

      En tant qu’associées des sociétés franchisées, les filiales du franchiseur ont intérêt à la procédure de sauvegarde selon la cour.

      Enfin, pour convaincre la cour qu’il y a eu fraude, les filiales du franchiseur mettent en avant « les atteintes (du franchisé) au partenariat mis en place avec le franchiseur depuis 15 ans », « le basculement de l’enseigne chez un concurrent » et font valoir que le franchisé « aurait pu continuer le dialogue initié (…) pour parvenir à une solution consensuelle ».

      Mais pour la cour, tous ces arguments « traduisent leur volonté de stigmatiser les attaques contre les intérêts du groupe franchiseur et non pas à l’encontre de leur situation personnelle d’associées des sociétés (franchisées) ».

      La cour rappelle en outre que, selon l’article L. 620-1 du code de commerce, la procédure de sauvegarde est « destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ». Donc, « globalement à rétablir la situation de la société et consécutivement conforter leurs intérêts d’associées ».

      La cour écarte la tierce opposition des filiales du franchiseur à la procédure de sauvegarde

      En conclusion, la cour d’appel confirme le jugement du tribunal de commerce de Lyon. Les filiales du franchiseur sont déboutées de leur demande de tierce opposition.

      La partie n’est évidemment pas terminée. Elle ira sans nul doute en cassation. Reste à savoir aussi sur quoi pourra déboucher la procédure de sauvegarde. Le changement d’enseigne (qui n’est pas prononcé par le jugement contesté) sera-t-il possible ?

      En tout cas, le franchisé a marqué un point important dans ce litige où, une fois de plus, la franchise participative a bien montré les contraintes qu’elle représente pour les franchisés.

      >Référence de la décision :

      Cour d’appel de Lyon, 3e chambre A, arrêt du 3 février 2022, n° 21/01403

      >A lire aussi sur le sujet :

      L’analyse de Yasmina Idani, chargée d’enseignements, dans la « Lettre de la Distribution » de mars 2022, indiquant que « la franchise participative (du groupe franchiseur) se voit « menacée par le droit des entreprises en difficultés ».