Obtenir un crédit pour se lancer en franchise : un parcours du combattant ? Des solutions existent pour mettre toutes les chances de votre côté et décrocher un financement.
Obtenir un financement en 2024, mission impossible ? C’est la petite musique qui monte dans un monde de la franchise confronté à l’inflation et, surtout, à la hausse des taux d’intérêts, passés de 0 à 4,5 % en un peu plus d’un an. Ce qui a immanquablement entraîné un durcissement des conditions requises pour décrocher un prêt bancaire, et pas seulement pour financer un projet de création ou de reprise d’entreprise en franchise. Un tableau sombre qu’il faut toutefois relativiser, estiment certains experts.
« Je n’ai pas le sentiment de voir plus de refus d’accorder un financement, explique ainsi Olga Romulus, expert-comptable spécialisée en franchise et membre de la direction des relations extérieures du réseau Fiducial. Par contre, pour le porteur de projet, les délais de réponse sont nettement plus longs. C’est-à-dire que pour obtenir un financement, on constate un professionnalisme certain de la plupart des banquiers qui vont demander plus de détails, plus de justificatifs, et challenger le porteur de projet. Cela ne veut pas dire pas qu’au bout, il y aura moins de « oui », mais cela prend plus temps et donc, cela induit un risque pour le créateur, notamment pour celui qui recherche un local. »
« Les taux augmentent, c’est clair, mais ce n’est pas pour ça que les refus augmentent », estime lui aussi Benoît Fougerais, cofondateur et directeur général de Prêt Pro, réseau de courtage en financement spécialisé en franchise. Ce dernier porte en effet un « double regard » sur le sujet : « Beaucoup de franchiseurs viennent vers nous en nous disant que leurs candidats rencontrent des problèmes de financement, reconnaît-il. Mais nous, en tant que spécialistes du financement professionnel, sommes proches des 85 % de taux de transformation, le même depuis plusieurs années. Simplement parce qu’aujourd’hui, un franchiseur ne peut plus laisser son franchisé défendre son projet seul face aux banques. La clé aujourd’hui, c’est que les réseaux aillent chercher des experts en financement professionnel pour accompagner leurs candidats, tout simplement ».
La hausse des taux d’intérêts change le montage financier
La remontée des taux, qui s’ajoute à l’inflation, n’est toutefois pas sans effets. « Ce qui a vraiment changé, c’est que la hausse des taux d’intérêt renchérit le coût du crédit, et donc son poids sur la capacité de remboursement, souligne Olga Romulus. Toute la chaîne de financement et tout le montage financier s’en trouvent modifiés : pour que l’annuité de remboursement soit supportable par rapport au modèle économique, il faut que le concept soit plus rentable, que l’apport personnel soit plus conséquent ou que le prêt soit étalé sur une durée plus longue. »
En ce qui concerne l’apport personnel demandé par les banques pour accorder un financement, exprimé en pourcentage de l’investissement initial, « la règle des 30 % se muscle un peu : aujourd’hui, on est plutôt entre 30 et 35 % qu’entre 25 et 30 % », indique l’expert-comptable. « Le financement demandé à la banque est compris entre 60 et 70 %, confirme Benoît Fougerais. Aujourd’hui, pour une création, il faut prévoir 30 à 35 % d’apport, alors que c’était 25 % il y a quelques années, et 20 à 25 % pour une reprise car dans ce cas, le risque est moins élevé ». Concernant la durée des emprunts, elle est toujours de sept ans pour une création ou une reprise, selon l’expert en financement professionnel. Qui constate que les délais de réponse à une demande de prêt ont « légèrement augmenté », mais de quelques jours seulement : il faut selon lui compter 32 jours pour obtenir un accord « ferme et définitif », après dépôt d’un dossier complet auprès de ses partenaires bancaires.
Mais des solutions existent pour obtenir des financements
Pour mettre toutes les chances de son côté malgré un contexte défavorable et convaincre le banquier de financer son projet, le futur franchisé peut avoir recours à plusieurs stratégies. L’une d’entre elles consiste par exemple à « faire financer moins de choses par l’emprunt, pointe Olga Romulus. C’est-à-dire à aller chercher des solutions que je qualifierai d’agiles, comme par exemple le crédit-bail ». Également appelé leasing, cet outil permet en effet de financer des équipements (matériel, véhicules…) sans faire appel à l’emprunt bancaire. « Mécaniquement, cela va dégonfler l’échéance d’emprunt, et permettre au porteur de projet de moins demander aux banquiers, mais aussi d’avoir moins besoin d’apport, précise l’expert-comptable. C’est une façon d’aller chercher du financement ailleurs, même si le coût du crédit-bail a lui aussi augmenté en 2023, car cela reste un outil financier. » S’associer pour aller chercher du cofinancement, opter pour la location-gérance quand le réseau le propose, miser sur la franchise participative ou encore sur le crowdfunding constituent d’autres solutions « alternatives » pour compléter un financement.
Même son de cloche du côté de Benoît Fougerais : « Aujourd’hui, il est clair que demander 100 % du besoin en financement à une banque, ce n’est plus possible, affirme l’expert en financement professionnel. Les banques veulent partager le risque, c’est-à-dire qu’elles ne veulent pas être les seuls financeurs sur des projets ». C’est pourquoi Prêt Pro met en œuvre « toutes les solutions de financement qui existent sur le marché. A commencer par le prêt d’honneur par exemple, les subventions, les aides diverses et variées que l’on peut trouver aujourd’hui et qui permettent d’augmenter indirectement l’apport personnel, donc de moins demander en banque ». Viennent ensuite les solutions de leasing, de financement participatif, de prêt court terme… « Tout ça, mis bout à bout, fait que le besoin en financement demandé à la banque n’est plus de 100 %, mais peut être de 60 à 70 %, voire un peu moins », conclut ce spécialiste. Qui recommande ainsi aux candidats de solliciter les réseaux nationaux comme France Active, Initiative France et Réseau Entreprendre, mais aussi les Chambres de Commerce et d’Industrie, Mairies, collectivités, préfectures… qui accordent parfois des d’aides telles que des prêts d’honneur à taux zéro au porteur de projet, avec souvent un différé de remboursement de 10 à 12 mois, voire plus.
Secteur d’activité, profil du futur franchisé : les critères des banquiers
Les experts que nous avons sollicités le reconnaissent : il sera plus difficile d’obtenir un crédit si votre projet se positionne sur un secteur d’activité chahuté par la conjoncture, donc considéré comme risqué par les banques. L’habillement, la chaussure, le prêt-à-porter, où les défaillances d’enseignes se sont succédées tout au long de l’année 2023, sont dans ce cas de figure. La restauration, où les investissements requis sont élevés et le souvenir de la crise Covid encore cuisant, serait également vue comme plus incertaine. « C’est pourtant le premier domaine d’activité que l’on finance, sans aucun problème », nuance Benoît Fougerais, reconnaissant toutefois : « De plus en plus d’enseignes du secteur font appel à nous », signe que les porteurs de projet ont besoin d’un accompagnement renforcé pour convaincre les prêteurs.
S’il est encore possible de créer ou reprendre en franchise, dans ces secteurs comme ailleurs, c’est avant tout parce que « la franchise est un modèle qui rassure, comme l’a montré sa bonne résistance face à la crise sanitaire », rappelle Olga Romulus. C’est aussi parce que franchiseurs et banquiers ont tendance à privilégier certains profils de candidats : professionnels déjà en activité, multi-franchisés à la tête de plusieurs affaires, ou encore pluri-franchisés possédant plusieurs points de vente sous des enseignes différentes … « Le banquier aime avoir affaire à quelqu’un qui est un « serial entrepreneur », indépendant isolé ou franchisé, qui a déjà créé, déjà réussi, confirme l’expert-comptable. Mais si ce n’est pas le cas, ce n’est pas perdu pour autant ». Même si les banques apprécient les gens du métier, « la franchise reste un bon outil pour rebondir et changer de vie professionnelle », complète Benoît Fougerais. Ce dernier estime d’ailleurs, au-delà de l’expérience professionnelle du porteur de projet dans l’activité ciblée, que ses qualités de manager revêtent aujourd’hui une grande importance : « Il est devenu compliqué de trouver et de garder des employés, donc ces compétences et d’autres, les fameux « soft skills », sont de plus en plus regardées par nos partenaires bancaires ». Car au-delà des critères financiers, l’adéquation homme-projet reste un élément déterminant.
Les conseils des experts
Pour Benoît Fougerais, les 4 points-clés pour décrocher rapidement des accords bancaires sont : « 1- Se faire accompagner par expert en financement professionnel, idéalement non rémunéré par les banques. 2- Ne pas se limiter à sa banque : idéalement, il faut aller en voir deux, voire trois. 3- Ne pas négliger l’emplacement : aujourd’hui, les banques regardent beaucoup ce sujet. 4- Mettre en avant ses compétences, en particulier ses qualités de manager. »
Pour Olga Romulus, « il faut que le futur franchisé soit pétri de son projet et capable d’en parler avec passion. Il doit avoir de l’audace, mais pas passer pour un doux rêveur : dans son business plan, il doit moduler ses prévisions avec une hypothèse haute, mais aussi un plan B si tout ne se passe pas comme prévu. »