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      Droit d’entrée : un ticket variable

      Dernière mise à jour le 7 juin 2021

      Quelle est la raison d’être du droit d’entrée ? Faut-il s’inquiéter s’il est très élevé ? Ou au contraire inexistant ? Comment les franchiseurs calculent-ils cette somme requise pour intégrer leur réseau ? Les experts apportent leur éclairage.

      Sur les 466 réseaux ayant répondu à notre enquête de mars 2016, 46 enseignes, dont une dizaine de franchises, ne réclament pas de droit d’entrée. Cela concerne un tiers des chaînes d’habillement. C’est aussi le cas de coiffeurs comme Diloy’s ou Serge Comtesse, de New Baby et Autour de Bébé, ou de Maison & Services. “L’absence de droit d’entrée n’est pas forcément alarmante, estime l’avocate Monique Ben Soussen (cabinet BSM). Dans le prêt-à-porter, on sait que les enseignes pratiquent beaucoup la commission-affiliation et se rémunèrent avec une marge sur les produits. Autre exemple : chez Yves Rocher, il n’y a pas de droit d’entrée, cela ne signifie pas que la marque n’est pas connue ! Demander ou pas un droit d’entrée relève donc plus d’un problème de politique générale de l’enseigne que de rentabilité.”

      Le consultant Frank Berthouloux (Adventi Franchise) a une tout autre approche : “Le fait qu’il n’y ait pas de droit d’entrée peut, bien sûr, être perçu comme une aubaine par le candidat, mais cela doit l’amener à se demander s’il va être accompagné, formé correctement ?” Autrement dit : si le droit d’entrée est nul, cela signifie-t-il que l’accès à la franchise et à son savoir-faire n’a aucune valeur ? Ou que le franchiseur se rémunère d’une autre manière, par des frais d’agencement plus élevés, par exemple ? De son côté, Olga Romulus, expert-comptable chez Fiducial, nuance : “Les enseignes n’incluent pas

      toujours les mêmes éléments dans le droit d’entrée. Comme par exemple la formation qui, parfois, n’est pas comprise. Dans ce cas, on peut avoir un droit d’entrée nul ou très faible et, à côté, un ensemble de services qui sont facturés de manière dissociée.”

      Pour le franchisé, se lancer en étant accompagné représente un coût supplémentaire qui doit lui procurer un avantage concurrentiel. Il faut donc qu’il se penche sur l’ensemble des prestations fournies par l’enseigne en contrepartie du droit d’entrée : le droit d’utilisation de la marque, une exclusivité territoriale, l’acquisition du savoir-faire au travers d’une formation, d’un accompagnement avant, pendant et après l’ouverture, etc.

      “Le droit d’entrée représente le coût de la transmission du savoir-faire mais il intègre également la rémunération des frais que le franchiseur engage pour recruter des partenaires et développer le réseau, l’accompagner, ajoute Franck Berthouloux. Ce n’est pas choquant car l’intérêt du franchisé est que la chaîne se développe et soit connue. L’essentiel est que le franchiseur, si je prends de la marge à tel et tel endroit, soit transparent sur son modèle économique.”

      “Ce que l’on peut conseiller à un candidat, résume Daniel Ballester, responsable franchise et commerce associé au CIC, c’est de se poser la question suivante : que m’apporte la franchise par rapport au fait de me lancer en solo ? Existe-t-il réellement un savoir-faire ? Il faut qu’il se renseigne très précisément sur combien de temps dure la formation ? Comment s’organise l’accompagnement à l’ouverture ?”

      Le montant moyen du droit d’entrée réclamé par les enseignes qui ont répondu à notre enquête s’élève, tous secteurs d’activités confondus, à 15 614 euros. 8 % des réseaux demandent moins de 5 000 euros. A l’opposé, 26 % des enseignes (nombreuses dans la restauration rapide ou à thème mais aussi Wall Street English ou encore Boulangerie Ange et Borea), demandent plus de 20 000 €.

      Par ailleurs, les droits d’entrée sont, en moyenne, plus importants dans les services que dans les activités de commerce. Ce constat est assez logique car, dans une activité de service sérieuse, tout repose sur le savoir-faire et la formation. Lorsque ceux-ci sont élaborés et pertinents, le franchiseur a en général beaucoup investi pour qu’ils puissent apporter une véritable valeur ajoutée. “Par contre, explique Monique Ben Soussen, il existe des réseaux, par exemple dans le coaching, dont la notoriété est assez faible et qui demandent néanmoins des droits d’entrée élevés. Dans ce cas, il faut rester vigilant.”

      Plus qu’à la somme elle-même, il faut s’intéresser à ce qu’elle recouvre. Et les experts conseillent au candidat de demander, au-delà des éléments standards, des détails. Cela comprend-il la formation du personnel, pour quelle durée ou la mise à disposition d’un commercial expérimenté les premières semaines ? “J’ai tendance à considérer qu’en dessous de 10 000 euros, il n’y a pas eu de travail sérieux sur la structure de coûts du franchiseur”, estime Franck Berthouloux.

      A l’inverse, y a-t-il un niveau à partir duquel le droit d’entrée peut paraître trop élevé ? “Lorsqu’il est important, il faut être particulièrement vigilant, ajoute Olga Romulus. Quelle est la notoriété de la marque, le savoir-faire est-il réellement exclusif ? Si cela permet un retour sur investissement, c’est justifié. En revanche, c’est toujours trop cher si cela ne rapporte rien.” Et pour une enseigne qui réclamerait un droit d’entrée très au-dessus de la moyenne de son secteur, comme toujours, il ne faut pas hésiter à poser la question directement : pourquoi êtes-vous beaucoup plus cher que vos concurrents ?

      Dans tous les cas, le droit d’entrée ne doit pas, à lui seul, servir au franchiseur à se rémunérer, ni à financer son expansion. D’autant qu’il arrive nécessairement un moment où le développement se calme. La règle est donc que la rentabilité du franchiseur doit être assise sur l’activité des unités franchisées et non sur leur duplication. Ce qui pourrait conduire à une fuite en avant : une multiplication des ouvertures sans (trop) vérifier la pérennité des points de vente considérés.

      “Il faut rappeler, ajoute Franck Berthouloux, que le franchisé ne doit pas considérer qu’avec le droit d’entrée, il achète une franchise. D’abord parce que cela ne représente en général qu’une faible part de l’enveloppe globale nécessaire (local, agencement, matériel). Mais aussi parce que s’il se focalise là-dessus, il oublie de se poser les questions préliminaires : qu’ai-je envie de faire ? Est-ce que je vais m’épanouir dans cette activité ? Est-ce que je vais être plus à l’aise en attendant le client dans une boutique ou bien en allant le chercher à l’extérieur ?”
      Si certains experts font état de telles pratiques, le phénomène demeure marginal. Tous estiment qu’un franchiseur n’a aucune raison de baisser son droit d’entrée car cela fait partie de son business plan. Avec certains jeunes réseaux, il est toutefois possible d’envisager une négociation, par exemple une réduction de 50 % pour les premiers partenaires. “On peut même comprendre que certains concepts qui se lancent offrent le droit d’entrée à leurs cinq ou dix premiers franchisés car ceux-ci vont devenir les ambassadeurs de la marque et lui permettre de démarrer. Mais cela doit demeurer l’exception”, concède Olga Romulus.

      De l’avis de tous, aucune négociation ne peut être envisagée avec des chaînes bien installées. D’autant que cela se saura – les franchisés parlent entre eux – et pourra créer une situation conflictuelle au sein du réseau. “Le fait même de négocier le droit d’entrée me gêne, poursuit l’expert-comptable, car cela revient à occulter le coût des prestations fournies. Il revient donc au franchiseur d’expliquer à ses partenaires son modèle économique. Dans la pratique, il pourra, en raison de circonstances particulières, faire un geste, comme l’échelonnement du paiement du droit d’entrée, mais c’est autre chose.” Et de citer également ces enseignes qui, voulant donner un coup de pouce à un candidat intéressant, choisissent de faire un geste sur un autre poste, comme le stock par exemple.

      La situation est différente au moment du renouvellement de contrat ou de l’ouverture d’un second point de vente. Les pratiques des réseaux en ce domaine sont diverses, mais la tendance semble de ne pas faire repayer le droit d’entrée. La formation a déjà été acquise et il semble difficile de la facturer à nouveau. En revanche, d’autres prestations peuvent être à la charge du franchisé, notamment une étude de marché local.

      Enfin, il faut attirer l’attention des candidats sur les conditions de règlement du droit d’entrée. La grande majorité des réseaux le font payer lors de la signature du contrat, d’autres lorsque la formation est terminée, en particulier lorsque celle-ci est conséquente et donc assez onéreuse. Un certain nombre de contrats prévoient des possibilités de résiliation, avec éventuellement un remboursement partiel si le local n’est pas trouvé, si la formation n’a pas été validée, ou encore si un prêt bancaire a été refusé.

      Mais ce n’est pas toujours le cas et certains candidats, qui n’ont pas pu concrétiser, se sont retrouvés dans une situation difficile. Et certains réseaux sont connus pour pousser à signer… sous prétexte que d’autres candidats attendent. Il faut donc le répéter : le droit d’entrée ne doit pas être une source de profit pour l’enseigne. “Il vaut mieux signer un contrat de réservation, suggère Monique Ben Soussen. Son coût est généralement plus bas. Et cela permet de bloquer un territoire pour une durée limitée à trois mois, six mois, ce qui laisse le temps de concrétiser… ou non.”