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      Un contrat résilié pour faute du franchiseur en matière d’assistance - Brève du 14 octobre 2020

      Brève
      14 octobre 2020

      La cour d’appel de Paris donne raison à un franchisé d’avoir résilié son contrat avant son terme. En cause : une faute du franchiseur en matière d’assistance et notamment de convention nationale. La cour refuse en revanche d’annuler le contrat.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FrancePar un arrêt du 1er juillet 2020, la cour d’appel de Paris a prononcé la résiliation d’un contrat de franchise aux torts exclusifs d’un franchiseur. En question : la non-application d’une clause en matière d’assistance du franchisé.

      Dans ce litige, le contrat est signé en juillet 2012. Mais en décembre 2014, l’activité n’étant pas au rendez-vous, le franchisé le résilie puis assigne son franchiseur en justice. Il réclame la nullité du contrat pour « vice du consentement, absence de cause et erreur substantielle sur la rentabilité du projet ». Il demande que le franchiseur soit condamné à lui payer près de 120 000 € au titre des sommes versées et des pertes subies par sa société et 50 000 € de dommages et intérêts afin de compenser l’absence de rémunération qu’il estime avoir subie.

      Le franchisé tente d’obtenir la nullité du contrat

      Débouté en première instance, le franchisé fait appel. Pour lui, le DIP délivré par le franchiseur avant la signature de son contrat était, entre autres, mensonger quant à l’état et aux perspectives du secteur d’activité, particulièrement affecté par des réformes successives dans les années qui ont précédé son recrutement. Il ne faisait pas mention de la baisse générale du chiffre d’affaires de 15 %, pourtant reconnue en 2011 par le patron de l’enseigne lui-même dans une interview accordée à un grand quotidien, ni de la hausse de la TVA passée de 5,5 à 7 % en 2012. Il y a donc eu selon le plaignant vice du consentement.

      Par ailleurs, le franchisé conteste la réalité du savoir-faire et de sa transmission, le manuel opératoire de la chaîne se contentant selon lui de « résumer le secteur d’activité ». D’où l’affirmation d’une nullité du contrat pour absence de cause.

      Enfin, le franchisé estime que son attention « aurait dû être attirée sur le caractère irréalisable des prévisionnels dont le franchiseur (avait eu) nécessairement connaissance lors des différentes étapes de son recrutement. » Plaidant donc l’erreur qu’il a été amené à faire sur la rentabilité de son projet.

      DIP, savoir-faire, prévisionnels : pas de problème selon la cour

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      Sur ces trois points, la cour d’appel de Paris confirme la décision du tribunal de commerce qui, en septembre 2018, avait débouté le franchisé.

      Pour les magistrats, il n’y a pas lieu d’annuler le contrat. D’abord parce qu’à leurs yeux, « le franchisé ne démontre pas que les informations erronées (du DIP) ont vicié son consentement alors qu’il (a) lui-même estimé favorables les perspectives du marché, ainsi qu’il résulte de son dossier de candidature adressé (au franchiseur) en avril 2012 ».

      Concernant le savoir-faire, les juges notent qu’il existe bien, puisqu’il est « défini à l’article 4 du contrat » et qu’il a été « transmis par la remise au franchisé du manuel d’exploitation ainsi que par une formation initiale et continue ». Ils ajoutent que si le savoir-faire doit être « secret », « ce caractère secret n’implique pas une originalité absolue et c’est l’ensemble des informations, méthodes, procédés constituant le savoir-faire, pris globalement, qui doit revêtir une certaine originalité. » Ce qui, selon eux est le cas ici.

      Quant à la question de la rentabilité, les magistrats relèvent que « le franchiseur n’est pas tenu de remettre au candidat des comptes d’exploitation prévisionnels, alors qu’il appartient (à celui-ci de) réaliser une étude d’implantation précise lui permettant d’apprécier les risques de l’affaire, avant de contracter ». Ils ajoutent qu’en l’occurrence le franchiseur « n’a pas réalisé les comptes prévisionnels, ne les a pas non plus validés et s’est contenté d’orienter le candidat à la franchise vers un cabinet indépendant. »

      Le franchiseur n’a pas organisé la bonne convention nationale

      En revanche, la cour accorde au franchisé la résiliation aux torts exclusifs du franchiseur qu’il réclamait, au cas où la nullité du contrat lui serait refusée.

      Certes, les magistrats écartent grief – invoqué par le plaignant – du changement de l’équipe dirigeante lors d’une modification de l’actionnariat. Le contrat prévoyait en effet que ce type d’opération serait sans conséquence sur ses conditions et sa validité. Une autre clause précisant en outre que le franchisé acceptait par avance ce type d’évolution de la structure du franchiseur.

      Mais les juges considèrent que le franchiseur « n’a pas assuré l’animation du réseau ainsi qu’il lui incombait » En effet, s’il a organisé en juillet 2014 une réunion nationale « regroupant les directeurs de succursales, les licenciés et franchisé », il n’a pas permis ce que prévoyait l’article 13 de son contrat, à savoir une convention du réseau réunissant l’ensemble des franchisés (et uniquement eux avec les équipes du franchiseur) afin d’assurer leur cohésion. « Aucune cohésion entre les différents franchisés n’a pu être assurée puisqu’il n’en restait plus qu’un ». Le plaignant étant le dernier. Et par ailleurs le seul à avoir refusé de passer au statut de licence de marque, une conversion il est vrai proposée au réseau quelques mois seulement après son recrutement.

      Selon les juges, très pointilleux sur la question, « le manquement à cette obligation est suffisamment grave pour justifier la résiliation unilatérale du contrat à l’initiative du franchisé aux torts du franchiseur. »

      Le prix de la « faute contractuelle »

      En conséquence, le franchisé n’est pas condamné à verser au franchiseur une somme d’environ 30 000 € en réparation du préjudice lié à la rupture anticipée de son contrat.

      Cependant, les magistrats ne lui accordent pas non plus la somme de 120 000 € qu’il réclamait. Pour eux, « ni les pertes d’exploitation, ni les charges financières sur les emprunts contractés pour lancer l’activité ne peuvent être retenues, (le franchisé) n’établissant pas que ces sommes seraient imputables aux fautes contractuelles (du franchiseur). » Le franchiseur devra seulement rembourser 13 533 € correspondant à la fraction « restant à amortir de la redevance initiale forfaitaire (droit d’entrée) et de la formation initiale ».

      La cour n’accorde pas davantage au franchisé les 50 000 € de dommages et intérêts qu’il souhaitait à titre personnel, puisqu’il n’a pas, à leur avis, « justifié de l’existence de son préjudice moral ».

      Référence de la décision :

      Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, 1er juillet 2020, n° 18/21325

      Lire aussi sur le sujet :

      L’article de Maître Stéphane Destours dans le numéro de Septembre de la Lettre de la distribution