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      Liberté du franchisé après le contrat : la mise au point de la Cour de cassation - Brève du 8 mars 2022

      La cour d’appel de Paris avait condamné un franchiseur pour avoir interdit à un ex-franchisé d’utiliser les couleurs de l’enseigne après la fin de son contrat. Motifs : la clause était sans limite de durée et les couleurs pas assez distinctives. La plus haute juridiction française vient de casser cette décision.

      Franchise JuridiqueLa Cour de cassation a retoqué, le 16 février 2022, un arrêt de la cour d’appel de Paris qui condamnait Hypromat, la société développant la franchise « Éléphant Bleu ».

      Dans son arrêt du 1er juillet 2020, la cour d’appel annulait la clause du contrat obligeant le franchisé à ne plus utiliser les couleurs bleu et blanc de la marque et à faire repeindre son centre de lavage-auto dans les six mois à compter de la cessation du contrat.

      Les magistrats d’appel invoquaient d’abord le fait que la clause n’était pas limitée dans le temps et tombait donc, selon eux, sous le coup de l’article L.341-2 du Code de commerce. Lequel considère comme « non écrite » toute clause « ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un contrat tel le contrat de franchise, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui l’a précédemment souscrite ».

      Un contrat de 2005 ne peut pas tomber sous le coup d’une loi de 2015

      La cour d’appel s’appuyait sur la loi du 6 août 2015, dite « Loi Macron » – à l’origine de l’article du Code de commerce déjà cité -, loi applicable un an après sa promulgation. Le fait que le contrat litigieux soit arrivé à son terme le 19 juin 2008 était pour elle sans importance. Pour la cour d’appel, l’article du Code de commerce devait s’appliquer au litige concerné.

      Reprenant à son compte les arguments de la défense du franchiseur, la Cour de cassation est catégorique : « En statuant ainsi, alors que la loi nouvelle ne peut, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, inexistante en l’espèce, remettre en cause la validité d’une clause contractuelle régie par les dispositions en vigueur à la date où le contrat a été passé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

      En clair : ayant été signé en 2005, le contrat ne peut pas tomber sous le coup d’une loi promulguée en 2015 et entrée en application un an après, soit en 2016.

      L’interdiction de conserver des signes de ralliement de la clientèle ne constitue pas une restriction excessive à la liberté du franchisé

      Pour annuler la clause litigieuse, la cour d’appel de Paris invoquait en 2020 un second argument. Selon elle, les couleurs bleu et blanc de l’enseigne du franchiseur n’étaient pas assez distinctives pour justifier la clause exigeant leur suppression après la fin du contrat.

      Selon l’arrêt, le bleu, symbole de propreté et le blanc, symbole de l’eau, s’associent naturellement à des activités de lavage. Du reste, le franchisé était en mesure de prouver qu’au moins une marque concurrente utilisait ces deux couleurs.

      Pour la cour d’appel, la clause litigieuse « interdisant pour plus d’une année d’utiliser (ce bleu et ce blanc)» était bien  « de nature à restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant ». Elle était donc réputée « non écrite ».

      Devant la Cour de cassation, les avocats du franchiseur ont fait valoir que si la clause interdisait bien au franchisé d’utiliser les signes de ralliement de la clientèle propres à l’enseigne, il n’y avait pas lieu de l’annuler dans la mesure où elle n’interdisait pas au franchisé de poursuivre son activité par l’utilisation d’autres signes.

      Pour la plus haute juridiction française, la cour d’appel « a privé sa décision de base légale ». Les motifs qu’elle invoque pour annuler la clause étant « impropres à établir une atteinte disproportionnée au principe de la liberté d’entreprendre ». En clair, l’interdiction du bleu et du blanc par « Eléphant Bleu » est légitime.

      L’arrêt d’appel est en partie cassé

      Cour de cassation juridique franchiseL’arrêt d’appel du 1er juillet 2020 est donc partiellement cassé. La clause litigieuse n’est plus réputée « non-écrite ». En conséquence, le franchiseur n’a plus à restituer au franchisé les sommes que celui-ci avait été condamné à lui verser par des décisions antérieures (3 000 € et 5 000 €).

      De même, le franchiseur n’a plus à s’acquitter des 800 € auxquels la cour d’appel l’avait condamné à titre de dommages et intérêts pour compenser les « travaux superflus imposés au franchisé » par l’application de la clause.

      La Cour de cassation renvoie l’affaire sur ces points devant la cour d’appel de Paris autrement composée. Le suspens n’est toutefois pas intense : la plus haute juridiction française ayant tenu à publier sa décision au bulletin, signe qu’elle lui accorde une importance particulière. Entre autres pour affirmer que la loi du 6 août 2015 ne saurait s’appliquer aux contrats signés avant sa promulgation en 2016.

      Référence de la décision :

      Cour de cassation, civile, chambre commerciale, 16 février 2022, n° 20-20.429, arrêt publié au bulletin de la Cour