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      Rachat du réseau : les franchisés peuvent-ils être indemnisés s’il n’est plus développé ? - Brève du 6 décembre 2022

      Brève
      6 décembre 2022

      Des franchisés estiment que leur réseau a été délibérément démantelé à l’issue de son rachat et réclament des indemnités. Pour eux, la cession est fautive et les deux franchiseurs – cédant comme repreneur – doivent être condamnés. La cour d’appel de Paris ne leur donne pas satisfaction.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Paris a tranché, le 12 octobre 2022, un litige soulevé par des franchisés s’estimant lésés lors de la vente de leur réseau par leur franchiseur.

      Dans cette affaire, un contrat d’enseigne est conclu en 2000 et renouvelé en 2011. Les franchisés ont signé en même temps une charte de confiance avec le groupe franchiseur qui développe plusieurs enseignes. Une charte qui leur ouvre des perspectives d’évolution de carrière dans le groupe en contrepartie d’un engagement à participer à son fonctionnement.

      En 2018, leur réseau connaît des difficultés importantes. Au point que la filiale du groupe qui développe l’enseigne annonce en décembre à ses membres, en réponse à leur demande, la mise en place d’un « plan de redressement » à cinq ans. Un plan dans le cadre duquel les franchisés sont invités à participer à diverses « réunions de redynamisation ».

      Le 4 juillet 2019, un document interne adressé à tous les membres du réseau fait le bilan des actions entreprises. Les résultats sont qualifiés « d’encourageants » et la direction se félicite des évolutions du concept. Elle projette aussi d’ajouter la reprise l’année suivante d’une variante de ce même concept.

      Mais, quelques jours plus tard, le 22 juillet 2019, lors d’une réunion convoquée pour la circonstance, le groupe annonce que le réseau est cédé à un autre franchiseur. Une vente qui sera effective au 30 septembre 2019.

      Après son rachat, le réseau a perdu en deux ans 45 unités sur 78

      Pour les franchisés, l’annonce de cette cession a été tardive et déloyale à leur égard. Pour eux il est évident que, le 4 juillet, lorsque le franchiseur leur parle de résultats encourageants et d’avenir, il est en réalité déjà entré en pourparlers avec le repreneur.

      Ils lui reprochent également de n’avoir proposé un protocole de sortie qu’à une partie seulement des membres du réseau.

      Enfin, ils l’accusent, ainsi que le repreneur, d’avoir délibérément procédé au démantèlement du réseau, qui a perdu 45 unités sur 78 entre le dernier trimestre 2019 et le 30 septembre 2021.

      Pour eux, le repreneur n’a jamais eu comme projet de relancer le réseau mais simplement de récupérer des emplacements et des partenaires pour le développement de sa propre enseigne.

      Pour les franchisés, la cession de leur réseau est donc « fautive ». Les responsabilités des deux franchiseurs, cédant comme repreneur, doivent être engagées et les préjudices subis doivent être indemnisés, notamment la perte des avantages liés à l’appartenance au groupe vendeur en termes d’évolution de carrière (à travers l’exploitation de points de vente plus importants sous d’autres enseignes du groupe).

      Pour la cour d’appel, la cession n’est pas fautive…

      Franchise JuridiqueSaisie, la cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 4) estime pour sa part que la cession n’est pas fautive et que, ni le groupe franchiseur cédant, ni le repreneur n’ont commis de faute dans le cadre de ce rachat de réseau.

      Les magistrats relèvent que les membres du réseau racheté ont eu, en septembre 2019, le choix entre deux options :

      -soit la poursuite de leur contrat jusqu’à son terme avec leur franchiseur et sous leur enseigne en conservant les avantages liés à l’appartenance au groupe franchiseur.

      -soit la transformation de leur établissement avec passage sous l’enseigne du repreneur. Dans ce cas, les franchisés pouvaient bénéficier d’un « accompagnement financier sous la forme d’une subvention d’exploitation », ainsi que de « l’exonération du droit d’entrée différé de 65 000 € » qu’ils auraient eu à payer en cas de sortie selon les termes de leur contrat initial.

      …Ni le cédant, ni le repreneur n’ont commis de faute concernant le rachat du réseau

      Il n’y a donc, selon la cour, pas de faute à reprocher au franchiseur vendeur, dont la filiale a continué à gérer ce qui est resté du réseau sans que les franchisés concernés s’en plaignent.

      On ne peut « pas davantage lui reprocher » d’avoir conclu des accords amiables avec certains de ses membres, ajoute la cour. Ou d’avoir privé les franchisés de leurs perspectives de carrière dans son groupe dans la mesure où ceux-ci ont eu le choix d’y rester ou non.

      Enfin, « il n’est pas prouvé » aux yeux de la cour que la fonte du réseau soit due à sa vente, « étant donné les difficultés qu’il connaissait ».

      La cour d’appel considère encore que l’on ne peut pas reprocher au franchiseur repreneur d’avoir « laissé mourir le réseau ». Ce n’était pas à lui de l’animer et de le gérer et « il n’est pas prouvé » qu’il ait entravé l’action de la filiale du franchiseur vendeur dans l’exercice de cette mission.

      Le franchiseur cédant est toutefois condamné pour « déloyauté » lors de l’annonce de la cession

      La cour reconnaît toutefois une faute du groupe franchiseur cédant à l’égard des membres du réseau cédé. En raison du « contexte particulier » dans lequel a eu lieu cette cession. Alors qu’il était lié à eux en effet, par la charte de son groupe « mettant en avant le lien de confiance devant exister au sein du réseau », le fait pour le franchiseur de « laisser croire aux adhérents une situation optimiste » pour leur enseigne, alors même que la cession était imminente, « caractérise », selon la cour, « une déloyauté fautive ».

      En compensation du préjudice moral subi ainsi par les deux franchisés personnes physiques, la cour condamne le franchiseur cédant à leur verser 15 000 € de dommages et intérêts chacun. Loin cependant des centaines de milliers d’euros qu’ils avaient réclamés pour eux et pour leur société.

      >Référence de la décision

      -Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, 12 octobre 2022 n° 20/15570