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      Un franchisé peut-il rompre son contrat s’il s’estime placé devant un cas de force majeure ? - Brève du 2 décembre 2021

      Brève
      2 décembre 2021

      Victime de nombreux vols et d’un chiffre d’affaires en baisse régulière sur plusieurs années, un franchisé s’estimant devant un cas de force majeure résilie son contrat avant son terme. Il est sanctionné par la cour d’appel de Montpellier pour résiliation fautive.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Montpellier a sanctionné par un arrêt du 26 octobre 2021 un franchisé qui avait résilié son contrat avant son terme. Sans motif valable selon les juges et sans respecter le délai de préavis d’un an prévu par le contrat lui-même.

      Dans ce litige, un premier contrat de franchise est signé en février 2005 pour 7 ans. Renouvelé par tacite reconduction pour la même durée, il doit normalement s’achever en 2019. Mais fin septembre 2016, le franchisé prévient officiellement son franchiseur qu’il mettra fin à son activité commerciale  deux mois plus tard. Motif : une «continuelle baisse de son chiffre d’affaires, entraînant celle des marges, qui ne suffisent plus pour continuer (…) sereinement.»

      Entre-temps, au mois de mars 2012, le franchiseur avait proposé à son partenaire un contrat modifié que celui-ci a refusé car il comportait une réduction de son territoire exclusif jointe à une augmentation de ses redevances. Un accroc dans les relations entre les deux parties qui a peut-être joué un rôle dans leur mésentente ultérieure.

      Quoi qu’il en soit, saisi par le franchiseur – qui reproche à son partenaire de ne pas avoir respecté le préavis de rupture d’un an fixé par le contrat –  le tribunal de commerce de Perpignan condamne fin 2018 le franchisé pour résiliation anticipée et non justifiée du contrat.

      Pour le franchisé, la situation de son magasin le plaçait devant un cas de force majeure

      Le franchisé fait appel. Pour lui, le contexte d’exploitation du magasin – situé dans un quartier socialement défavorisé où ont lieu de nombreux vols – constitue un cas de force majeure. Il réunit selon lui les conditions d’une « cause étrangère » qui l’a délié de l’obligation de respecter le préavis d’un an. (Il rappelle qu’il a porté plainte pour vol dans son magasin en 2006, 2008, 2012, 2014, 2015 et 2016.)

      Il accuse par ailleurs son franchiseur de s’être désintéressé de lui et de ne pas lui avoir apporté l’assistance nécessaire « en refusant toute adaptation du concept à sa situation particulière » (comme des facilités de paiement à ses clients.) Et, alors que son chiffre d’affaires ne cessait de baisser depuis 2013, il lui reproche de n’avoir formulé « aucune recommandation sérieuse » en réponse  à ses nombreuses demandes d’aide.

      Pas de force majeure selon les juges car les difficultés d’exploitation étaient prévisibles

      Les magistrats de Montpellier n’adoptent pas ses arguments. Pour eux, « le contexte d’exploitation du magasin, certes difficile, ne caractérise pas un cas de force majeure » car il n’était (en 2012 lors du renouvellement du contrat) ni imprévisible ni impossible à éviter. En effet, le franchisé « qui a choisi ce lieu s’y est maintenu malgré les nombreux articles de presse parus depuis 2009 et même après que la zone a été classée en zone de sécurité prioritaire en 2013 puis en quartier prioritaire en 2015. »

      Fighting over contract

      Pour la cour d’appel, le franchisé « ne peut donc pas prétendre avoir été délié de son obligation de préavis » d’un an d’autant qu’il n’a pas mis en avant ces difficultés dans ses premiers courriers de rupture adressés à son franchiseur (de novembre et décembre 2016). Il y a certes fait allusion dans un autre écrit de fin novembre 2016, mais c’était un courrier adressé à ses collègues franchisés… Ce qui ne compte pas aux yeux des juges.

      Les juges estiment aussi que le franchiseur a respecté son obligation d’assistance

      Par ailleurs, « aucune violation de l’obligation d’assistance permanente pesant sur le franchiseur » n’est démontrée, estime la cour d’appel. Une application mobile permettant des paiements différés ayant notamment été acceptée par d’autres franchisés du réseau qui semblaient en être satisfaits contrairement au plaignant, relève encore la cour.

      Le « désintérêt supposé du franchiseur (après 2012) n’est pas davantage établi », tranchent encore les magistrats « à la lecture des rapports de visite et d’action établis chaque année » par l’équipe de la tête de réseau. En particulier, le franchisé « ne démontre pas » selon la cour que les recommandations du franchiseur étaient « irréalistes ». Qu’il s’agisse « d’installer des boites vides en vitrine » pour stocker la marchandise uniquement dans le magasin ou de « rendre la visibilité des rayons optimale depuis la caisse », préconisation que le franchisé « ne démontre pas avoir suivie ».  Pas plus qu’il n’a suivi nombre de consignes en matière de stratégie commerciale, rappelées par le franchiseur à chaque visite après 2012, toujours selon ses rapports, dont le franchisé conteste le caractère non-contradictoire.

      Le franchisé est condamné pour résiliation fautive de son contrat

      En conclusion, le franchisé « ne rapporte aucune violation » par le franchiseur « de ses obligations, susceptible de justifier une résiliation du contrat de franchise (à ses torts)». Et, dans la mesure où le franchisé a quitté le réseau sans respecter le délai contractuel de préavis, sa résiliation du contrat est « fautive ».

      Le franchisé est condamné à verser plus de 10 000 € de redevances, sur la base des 1 026 € du forfait mensuel prévu au contrat multiplié par les dix mois du préavis non effectués. Plus 12 322 €  d’indemnité de résiliation en compensation du préjudice subi par le franchiseur – la date de réouverture d’un nouveau point de vente sur le territoire abandonné n’étant pas encore connue au moment de la décision de justice -. Cette seconde somme correspond à 12 mois de redevances conformément aux dispositions prévues au contrat.

      La cour écarte en revanche les demandes d’indemnité formulées par le franchiseur pour compenser selon lui la « désorganisation du réseau » causée par le franchisé. De même, les juges refusent de considérer comme un dénigrement le courrier de fin novembre adressé par le franchisé à ses collègues. La cour écarte enfin l’accusation formulée par le franchiseur de maintien par le franchisé des signes distinctifs du réseau sur son magasin : le procès-verbal d’huissier sur le sujet n’indiquant, début janvier 2017, que le maintien d’une affiche au nom de l’enseigne « dont ni l’emplacement ni la dimension ne peuvent caractériser une atteinte à l’image de marque » du réseau.

      Référence de la décision :

      Cour d’appel de Montpellier, 26 octobre 2021, n° 19/02199

      Lire aussi sur le sujet :

      L’article de Maître Stéphane Destours, avocat à la cour, dans le numéro de novembre de la Lettre de la distribution