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      Se lancer en franchise : comment convaincre son banquier ?

      Dernière mise à jour le 7 juin 2021

      Si le banquier est souvent rassuré par un projet de création en franchise plutôt qu’en solo, cela ne l’empêche pas de se montrer très exigeant quant à la qualité du dossier et du futur franchisé.

      Pour tout porteur de projet, en création ou en reprise, la demande de financement auprès d’un établissement bancaire constitue une étape clé qui doit être préparée en amont avec beaucoup de soin. Les banquiers, s’ils n’ont pas fermé le robinet du crédit, se montrent toutefois nettement plus sélectifs depuis le début de la crise. Il est clair que leurs critères prudentiels sont désormais respectés à la lettre. Quelle que soit la banque sollicitée, le futur franchisé doit prendre en compte deux évolutions engendrées par la crise économique et financière : d’une part, l’apport personnel demandé est plus élevé et son niveau devient difficilement négociable ; d’autre part, le dossier ne doit comporter aucune faille.

      L’avantage indéniable dont va bénéficier le candidat à la franchise, par rapport à un créateur en solo, est que le banquier connaît bien la majorité des enseignes développées sur ce modèle, ce qui va faciliter la relation. Si le financier peut être rassuré par le fait que le porteur de projet va intégrer un réseau structuré et bénéficier de l’antériorité d’un concept et d’une assistance, il va néanmoins se montrer très vigilant sur tous les éléments du dossier ainsi que sur la personnalité de l’entrepreneur. A titre d’exemple, seulement 50 % des demandes présentées à la Caisse d’Epargne sont acceptées. C’est dire si trouver son financement bancaire n’est pas tâche aisée.

      Soulignons que le rôle des banquiers n’est pas de sélectionner le candidat à la franchise. Le recrutement de ce dernier a déjà été opéré par le franchiseur. Leur rôle n’est pas non plus de retravailler un dossier qui présente des carences : c’est là celui du futur franchisé, de son expert-comptable et, éventuellement, de la tête de réseau.

      Il n’y a pas de bons profils dans l’absolu, ni de taux d’apport idéal : ce qui l’emporte est bien la cohérence d’ensemble du projet, insiste Christine Molin, responsable du pôle franchise chez LCL. Nous nous prononçons en fonction du parcours de la personne, de son expérience, du concept et de l’enseigne choisis, du montant de l’apport… Si le porteur de projet a peu de compétences en management, ouvrir une grande surface alimentaire nécessitant beaucoup de salariés va, par exemple, se révéler compliqué.”

      Le candidat doit de son côté bien considérer sa situation de famille, ses besoins de “reste à vivre” pour son foyer, ainsi que le niveau de rémunération qu’il compte s’octroyer, explique Christine Molin. “L’un des premiers éléments que nous analysons est la qualité du concept. Dans le cadre d’une jeune chaîne, nous nous assurons que le franchiseur l’a testé suffisamment longtemps, souligne pour sa part Florent Lamoureux, directeur du marché des professionnels à la Caisse d’Epargne. Nous regardons aussi la pérennité et le turnover des franchisés. Bref, nous nous intéressons à tous les aspects qualitatifs de l’enseigne et à sa rentabilité.”

      Autre aspect déterminant pour emporter la décision du banquier : la qualité de l’emplacement. Celui-ci doit être en phase avec le concept de la chaîne, en particulier si le modèle économique est basé sur un fort passage. “Nous examinons aussi cette question à la lumière des autres implantations du réseau afin de savoir si le dossier qui nous est présenté est cohérent sur ce plan”, poursuit Florent Lamoureux. Ce point sera étudié avec attention par le financier même s’il sait qu’il n’est évidemment pas dans l’intérêt du franchiseur d’installer un de ses franchisés dans un local qui ne soit pas propice à son activité.

      Enfin, pour Florent Lamoureux, il est essentiel que le candidat puisse réaliser lui-même, de façon indépendante, ses études de marché et d’implantation, notamment afin de pouvoir les comparer avec les éléments qui lui sont fournis par la tête de réseau. Le futur partenaire doit ainsi aller voir la mairie, la CCI, l’association des commerçants, les agences immobilières, afin de recueillir toutes les informations utiles.

      L’homme, en l’occurrence le porteur de projet, se trouve bien entendu au cœur des préoccupations du banquier, jusqu’à l’examen de son patrimoine ou encore de sa situation familiale… “Le plus important pour nous est le chef d’entreprise, souligne Florent Lamoureux (photo). Nous allons analyser ses capacités commerciales : si le candidat à la franchise n’a pas la fibre du commerce, il sera difficile pour lui de l’acquérir par la suite. Nous nous assurons aussi que nous sommes face à un gestionnaire, car il s’agit d’un aspect très important.”

      Le franchisé doit être multitâche, explique le banquier : il doit savoir gérer des stocks, du personnel, être chef d’équipe, avoir des connaissances juridiques, en comptabilité, etc. Bref, “il doit surveiller tout ce qui peut mettre en péril son entreprise”.

      Les financiers, tout comme les franchiseurs, ne demandent généralement pas à un candidat à la franchise d’avoir une expérience dans le secteur convoité, mais plutôt de montrer qu’il est déjà un chef d’entreprise dans l’âme et qu’il maîtrise bien son projet. “Le risque en franchise, c’est que les candidats se laissent un peu porter. A titre d’exemple, le futur entrepreneur doit déjà avoir prévu des aléas comme des travaux devant son commerce, qui peuvent générer une baisse de son chiffre d’affaires, et en tenir compte pour définir son besoin en fonds de roulement”, estime Christine Molin.

      “Nous voulons que le franchisé puisse nous commenter son business plan ligne à ligne ainsi que chaque élément de son compte d’exploitation prévisionnel. Cela prouvera qu’il s’est vraiment impliqué dans le projet et qu’il est capable de le défendre, juge Florent Lamoureux. Nous recherchons donc de la part du candidat beaucoup d’autonomie. Il doit nous expliquer clairement pourquoi son business plan va fonctionner de cette manière.”

      L’apport personnel constitue bien évidemment un élément clé du financement. Le niveau demandé par le banquier ne peut être une surprise pour le franchisé potentiel puisque son franchiseur lui a déjà fait part de la même exigence. Dans la grande majorité des cas, le taux d’apport personnel nécessaire est de 30 %. Selon les dossiers, ce taux peut monter jusqu’à 40 %.

      Il faut bien avoir à l’esprit que si l’apport n’est pas suffisant, l’entreprise risque d’être fragilisée par un taux d’endettement très élevé. Tout le monde serait alors perdant. “Pour un concept où il n’y a que des éléments incorporels dans le plan de financement, ce qui signifie que le franchisé ne possède rien de matériel qu’il puisse éventuellement revendre, nous pouvons demander jusqu’à 50 % de taux d’apport. C’est souvent le cas dans les franchises de service”, souligne Christine Molin.

      Le financier va regarder avant tout si l’entreprise peut supporter un niveau d’apport plus faible. Dans le cas de concepts à très forte marge et à très forte rentabilité, et si le “reste à vivre” pour le partenaire est suffisant, un apport personnel moins élevé que la norme pourra éventuellement être accepté.

      Pour beaucoup de banquiers, le niveau d’apport reflète aussi l’implication du porteur de projet. Florent Lamoureux ne dit pas autre chose : “Il nous arrive de ne pas financer le dossier d’un candidat à la franchise qui dispose d’un apport personnel bien supérieur à 40 % lorsqu’il nous semble que nous sommes face à quelqu’un qui n’est pas fait pour être chef d’entreprise. A l’inverse, nous pouvons nous trouver face à un jeune porteur de projet très motivé et dynamique mais un peu juste en apport personnel, nous essayons alors de voir comment l’aider, notamment en augmentant un peu la durée de crédit”.

      Un quart des dossiers de création en franchise financés par la Caisse d’Epargne en 2012, par exemple, ont nécessité moins de 30 000 euros d’apport personnel, un autre quart entre 30 000 et 50 000 euros et, enfin, environ la moitié ont nécessité plus de 50 000 euros.

      “L’idée c’est d’éviter d’accorder au porteur de projet un crédit avec un niveau de remboursement tel qu’il ne pourrait pas s’en sortir en cas de difficulté passagère”, poursuit Florent Lamoureux. Car si le franchisé se trouve confronté à un problème de trésorerie, il devra tout de même rembourser son crédit. Il faut donc que le dossier soit monté avec suffisamment de souplesse en termes de remboursement pour que le chef d’entreprise puisse faire face à un aléa.

      Dans tous les établissements bancaires, la durée du crédit est généralement de 7 ans. Mais en fonction de l’activité, comme la restauration, le financier peut aller un peu au-delà. “Parfois, nous pouvons proposer aussi des modes de financements différents, comme le crédit-bail”, précise Florent Lamoureux. Sur ce plan également, le candidat à la franchise doit déjà se mettre dans les habits du chef d’entreprise qu’il va devenir en réfléchissant, avec son banquier, aux modalités d’un financement qui lui ménage une certaine sécurité.