Un franchisé Carrefour estimait devoir recourir à la justice plutôt qu’à la procédure d’arbitrage prévue par ses contrats pour régler les conflits avec son franchiseur. Comme en appel, ses arguments sont écartés par les magistrats de la Cour de cassation.

Dans ce conflit le franchisé, estimant être victime de « pratiques anticoncurrentielles et restrictives de concurrence » de la part de son franchiseur et de ses filiales, les assigne en justice. Sollicité, le tribunal de commerce de Rennes se déclare compétent pour examiner l’affaire dans un jugement du 26 janvier 2021.
Carrefour fait appel de cette décision en s’appuyant notamment sur le contrat du franchisé dont l’article 12 précise que « toutes contestations auxquelles pourront donner lieu la conclusion, l’interprétation et l’exécution du présent accord, seront soumises à trois arbitres ». Selon le groupe, priorité doit donc être donnée à l’arbitrage, le tribunal de commerce ne saurait être compétent.
Saisie, la cour d’appel de Paris donne raison au franchiseur et infirme le jugement de première instance dans un arrêt du 30 juin 2021. Arrêt contre lequel le franchisé se pourvoit en cassation.
Principal argument invoqué par le franchisé : son manque de moyens financiers
Devant la plus haute juridiction française, les avocats du franchisé invoquent d’abord son « impécuniosité ». Pour eux, engager plus de 100 000 € de frais d’arbitrage est impossible à leur client et « conduirait la société franchisée à une situation de cessation des paiements ». Or, à partir d’informations provenant d’un ancien directeur juridique, ils situent les frais d’arbitrage à prévoir « entre 120 et 150 000 euros, hors frais d’avocats » (en rapport avec le montant des sommes en litige).
Invoquant un article de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui garantit à tout justiciable un accès effectif au juge, ils affirment que l’impécuniosité de la société franchisée « suffit à caractériser le caractère inapplicable » de la clause d’arbitrage du contrat de franchise.
La partie plaignante invoque ensuite le « système contractuel » mis en place par Carrefour pour, selon elle, « priver le franchisé de l’accès au juge en raison des coûts importants qu’il engendre ». La société franchisée a ainsi adopté des statuts à objet social exclusif (elle doit obligatoirement exploiter une enseigne du groupe) et six contrats différents (de franchise, d’approvisionnement, etc.) formant un ensemble indivisible, mais contenant chacun une clause d’arbitrage. Résultat : « ces contrats ne peuvent être examinés ensemble (…) ce qui conduit le franchisé à engager autant de procédures d’arbitrage que de contrats contenant (une telle clause) ».
Les avocats du franchisé reprochent à l’arrêt d’appel de ne pas avoir tenu compte de ces éléments. Ils lui reprochent aussi d’avoir affirmé que « l’indivisibilité d’une convention ne peut conduire à écarter la compétence de l’arbitre qui est seul compétent pour juger de sa compétence ».
Pour la justice, dans ce litige, la clause d’arbitrage est valide

Puis, la Cour valide la décision de la cour d’appel de Paris. « La cour d’appel a retenu à bon droit, sans méconnaître le droit d’accès au juge, que l’invocation par les demandeurs de leur impécuniosité n’était pas, en soi, de nature à caractériser l’inapplicabilité manifeste des clauses (d’arbitrage) ». Pourquoi ? Parce qu’il n’est pas prouvé qu’une « tentative préalable d’engagement d’une procédure arbitrale (aurait) échoué, faute de remède apporté aux difficultés financières alléguées (par le franchisé et sa société). »
Le franchisé est ainsi débouté de ses demandes et renvoyé vers l’arbitrage.
