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      Bien choisir sa région pour réussir

      Dernière mise à jour le 7 juin 2021

      Entre les priorités des réseaux et les souhaits des candidats, le choix de la région d’implantation doit reposer sur une stratégie réfléchie et tenir compte des spécificités locales. A ces conditions, bouger peut s’avérer payant.

      Rejoindre une franchise est une opportunité pour les créateurs d’entreprise qui souhaitent changer de vie, devenir leur propre patron. Cela suppose bien souvent de changer d’activité, se reconvertir grâce au savoir-faire du franchiseur. Mais cela implique aussi, parfois, de changer de région, avec toutes les contraintes que cela entraîne, en plus de celles liées à la création d’entreprise proprement dite.

      S’agit-il vraiment d’une bonne idée ? A quelles conditions un tel projet peut-il réussir ? Cécile Peskine, avocate au cabinet Linkea, se montre prudente : “Avec le recul du contentieux, ce n’est pas toujours une bonne idée si l’étude de marché n’est pas faite avec sérieux mais aussi si le candidat à la franchise n’a pas au préalable expérimenté le terrain et tissé un réseau local”.

      Pour cette spécialiste, le projet comporte donc des risques, même avec une bonne étude de marché, notamment si le futur franchisé ne connaît pas suffisamment la région visée : “En franchise, l’implication du chef d’entreprise repose beaucoup sur son réseau local, ses connaissances, ses relations, c’est une différence importante avec le succursalisme. Et, le franchiseur voit souvent sa responsabilité mise en cause quand il accepte un projet d’ouverture qui ne concerne pas la région d’origine du candidat”.

      Ce risque peut être minimisé si le franchisé revient dans sa région d’origine, quittée pour des raisons professionnelles : “S’il y a encore des attaches et un réseau qu’il peut à nouveau nourrir, cela peut être une bonne idée”, reconnaît l’avocate.

      L’implication de la famille du candidat à la franchise dans un projet de création, essentielle dans tous les cas, est particulièrement importante dans le cas d’un changement de région, souligne Cécile Peskine : “On voit parfois des dossiers où toute la famille était contente d’aller au soleil puis finalement l’épouse a le mal du pays, les enfants ne sont pas contents de déménager, de changer d’école, etc. Donc, c’est vraiment un projet familial qui doit tenir compte des besoins de chacun et dans lequel il ne faut pas se lancer à la légère : il faut aller plus loin qu’une envie de soleil et une étude de marché !”

      L’avocate connaît tout de même des exemples de réussite avec des franchisés “parachutés” dans une région différente : “Parce que c’est une stratégie du franchiseur de s’y implanter, qu’il a étudié au préalable la région et l’emplacement pour s’assurer que le concept peut y réussir”, explique-t-elle.

      Des exemples de réussite que Christian Lepicier, expert-comptable pour In Extenso, préfère retenir : “Il y a quand même beaucoup d’enseignes dont le succès repose justement sur le recrutement de franchisés qui s’implantent dans une région dont ils n’étaient pas natifs, à laquelle ils n’étaient pas attachés, parce que cela leur donne un esprit de conquête, de dynamisme !”

      “Si l’enseigne est récente, recruter une personne nouvelle dans la région ne présente pas de difficulté, surtout si elle bénéficie d’un véritable accompagnement, poursuit l’expert. A la limite, il serait presque plus efficace d’arriver dans un milieu nouveau où l’on va se constituer un vrai cercle relationnel plus proche de ce dont la franchise a besoin. Cela ne veut pas dire que changer de région n’est pas risqué, mais ce risque peut être beaucoup plus payant que de recruter quelqu’un d’installé.”


      Quelle doit être la stratégie d’implantation du franchiseur ? Et comment le candidat doit-il se positionner ? Pascal Madry, directeur de Procos, réalise des études d’implantation pour les têtes de réseaux, en succursale ou en franchise. “Ce que l’on voit, dans le cas d’échecs des franchiseurs, c’est que c’est toujours la même histoire, constate-t-il. Ces échecs sont dus à des développements trop rapides, à une croissance extensive brève qui se voit très bien d’un point de vue géographique. L’enseigne part toujours d’un foyer régional, puis elle franchit des seuils de 5, 20, 50 unités installées. Si ces étapes sont réalisées trop vite, quelques années après, la chaîne rencontre généralement des difficultés”. Entre autres des problèmes logistiques dans les réseaux de distribution si les implantations en franchise sont très éloignées de la base régionale. “Cela dépasse la question de l’étude de marché, souligne le directeur de Procos. Ce n’est pas qu’une question de potentiel local : si l’architecture du réseau ne tient pas, tout risque de s’écrouler un jour.”

      Dans sa stratégie de couverture géographique du territoire, le principal écueil qu’un franchiseur doit éviter, “c’est une croissance non maîtrisée parce qu’il doit tout de suite rechercher des volumes et que les franchisés sont là pour supporter le risque de cette croissance. Malheureusement, ce n’est pas une stratégie payante, résume Pascal Madry. Le candidat à la franchise doit donc, de son côté, vérifier que le maillage du réseau qu’il envisage de rejoindre s’est fait de manière cohérente et progressive dans le temps”.

      Et le directeur de Procos livre quelques conseils pour effectuer cette vérification : “Le préalable, c’est évidemment le concept, le type de produit que l’on veut commercialiser, la concurrence, le plan de marque. Si l’on regarde l’histoire des réseaux, on est toujours sur un schéma radioconcentrique : la distance, les territoires jouent systématiquement. En règle générale, la sanction arrive à partir du 50e magasin. Si ce développement radioconcentrique est trop rapide, cela génère un endettement excessif, la logistique ne fonctionne pas et les difficultés apparaissent”.

      Du point de vue du candidat cette fois, quels sont les points à surveiller si l’on souhaite s’implanter loin des bases de la tête de réseau, ou loin des autres franchisés déjà installés ? “Même si la France n’est pas un immense pays, remarque Cécile Peskine, si vous êtes assez isolé du reste du réseau, il faut savoir si l’équipe de développement – et surtout d’animation – sera à même de venir aussi souvent chez vous que chez vos confrères et si l’approvisionnement va suivre aussi efficacement”.

      Dans la restauration, par exemple, lorsque l’on travaille des produits très frais, le point de vente doit parfois disposer d’un laboratoire à proximité. Dans le cas d’une implantation isolée, “est-ce que le labo du franchiseur ou du franchisé le plus proche ne sera pas trop éloigné ?” s’interroge l’avocate.

      Autre question à soulever : “Est-ce que la notoriété de l’enseigne a été développée ou est-ce que vous êtes le pionnier dans votre région ? poursuit Cécile Peskine. Et dans le dernier cas, est-ce que le franchiseur va consacrer le budget pub à une communication vraiment nationale ou limitée aux régions où les autres membres du réseau sont implantés ? Et dans ce cas, est-ce vous pouvez vous-même consacrer votre budget à votre région sans passer par le franchiseur ?”

      Plus généralement, le candidat doit-il choisir d’abord la région où il souhaite s’installer, puis l’enseigne ? Ou, au contraire, choisir d’abord le réseau qu’il souhaite rejoindre, puis étudier les régions encore disponibles ? “J’aurais tendance à penser que la région passe en premier, parce que tout le reste vient avec: le secteur d’activité et ensuite la chaîne, répond Cécile Peskine. Mais en général, le candidat a un coup de cœur pour l’enseigne qui lui dit ensuite quelles régions sont disponibles.”

      “Le candidat choisit d’abord un métier, puis il va vers le réseau, estime pour sa part Christian Lepicier. Et ce n’est pas idiot parce qu’il va quand même travailler avec. S’il n’aime pas le concept, s’il n’y croit pas, la relation avec le franchiseur ne va pas bien se passer…”

      Le choix de la région arriverait donc dans un deuxième temps, d’un commun accord entre franchisé et franchiseur. “Il y a peu d’enseignes très matures qui sont en mesure d’imposer une région sans autre recours, mais il y en a quand même”, précise l’expert-comptable.

      Quelles régions faut-il privilégier pour s’y implanter en franchise, celles qui font preuve d’un dynamisme favorable à l’activité d’un commerce en réseau ? “Sur la dynamique des régions, on est dans des phénomènes de long terme, que l’on constate depuis de nombreuses années et qui sont tout simplement liés à la démographie, expose Pascal Madry. Les territoires porteurs sont ceux qui ont encore une démographie très soutenue, ce sont en fait les régions littorales pour la plupart : Paca évidemment, le Sud-Est, Midi-Pyrénées, l’Aquitaine, les Pays de Loire et la Bretagne, un peu plus en retrait mais qui fait partie désormais des endroits attractifs.”

      La Région parisienne est, elle aussi, très attractive, pour d’autres raisons, complète le directeur de Procos : “20 % de la population française s’y concentre, c’est le bassin le plus important, le plus concentré et par ailleurs le plus riche. En revanche, c’est un marché aujourd’hui relativement saturé, beaucoup plus cher en termes de loyers que les autres régions. Elle exerce donc un attrait mécanique, mais avec des conditions de marché qui ne sont sûrement pas comparables avec celles d’autres régions”.

      “En fonction des concepts et des secteurs d’activité, Paris n’est pas forcément intéressant, observe Cécile Peskine. Nos clients franchiseurs et têtes de réseaux souhaitent tous avoir des implantations dans la Région parisienne ou à Paris, mais le prix de l’immobilier est tel que c’est très rarement avec des franchisés ou des affiliés.”

      Enfin, toutes les régions qui n’ont pas été citées plus haut ont aujourd’hui perdu leur dynamisme en termes démographiques : “Ce sont la région Centre, tout le Nord-Est, en gros tous les territoires autrefois industriels qui aujourd’hui patinent un peu sur la croissance économique”, conclut Pascal Madry.Julie Lafon, Responsable développement et formation au Jardin des Fleurs :

      « Avoir un ancrage local est toujours mieux, c’est toujours plus facile pour développer son réseau commercial, mais nous avons beaucoup d’exemples de franchisés qui n’étaient pas originaires de la ville et qui se sont bien développés.
      « Dans notre cursus de formation au développement commercial, nous donnons une méthodologie pour se faire connaître auprès des élus, associations de commerçants, comités d’entreprise, associations sportives etc.
      « Dans nos premiers échanges avec un futur franchisé, la mobilité est une des premières questions que nous lui posons.
      « S’il est mobile, cela lui donne plus d’opportunités, notamment pour la reprise de magasins.
      « S’il n’est pas mobile, nous devons vérifier que la ville où il réside est disponible, qu’elle est dynamique et qu’il n’y pas trop de concurrence locale.
      « En revanche, s’il vise une ville déjà pourvue, tout dépend de la taille de la ville : s’il n’y a pas de marché pour un nouveau point de vente, ce ne sera pas possible.
      « Mais si la taille de la ville permet l’implantation d’une boutique de plus, nous pouvons étudier le projet car la zone de chalandise de nos magasins ne couvre pas une ville entière : à Bordeaux, nous avons 12 unités.
      « Le franchisé local est prioritaire pour une nouvelle implantation, mais s’il n’est pas intéressé, c’est possible avec un nouveau candidat. »