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      Contrat de franchise : attention à la question du renouvellement !

      Dernière mise à jour le 26 octobre 2022

      Le renouvellement d’un contrat de franchise n’est pas automatique. De même, une vraie négociation n’est pas toujours ouverte lors de la signature du second contrat. Certains franchisés peuvent obtenir des améliorations. Mais pas tous. A quoi faut-il s’attendre ? Rappel de la loi et conseils d’experts.

      Contract signatureCe n’est pas une question à laquelle on pense lorsque l’on signe son premier contrat de franchise avec un réseau. Et pourtant, elle est importante : pourra-t-on, lorsqu’il sera parvenu à échéance, le poursuivre pour une nouvelle période et, si oui, à quelles conditions ?

      La loi et la jurisprudence sont très claires : quand un contrat (conclu à durée déterminée) a expiré, nul ne peut en exiger le renouvellement (article 1212 du code civil). Le franchiseur peut donc parfaitement décider de ne pas poursuivre la relation. Et ce, sans avoir à se justifier. Ce qui peut poser un problème on le comprend aisément si, comme souvent, le franchisé a signé un contrat de 5 ans alors que son emprunt court lui sur 7 ans…

      On pourrait penser qu’en pareil cas, il y aurait un abus de la part du franchiseur. Pas du tout. La Cour de cassation l’a encore précisé dans un arrêt Foncia du 7 septembre 2022 : pour que le non-renouvellement du contrat soit considéré comme abusif et sanctionné, le franchiseur doit avoir commis un acte de déloyauté, par exemple avoir laissé croire à son partenaire qu’il allait continuer le partenariat ou qu’il l’ait incité, peu avant la rupture, à s’endetter excessivement. Autant dire que les cas de condamnation sont peu fréquents…

      Bien sûr, le franchisé lui aussi a la possibilité de ne pas renouveler son contrat sans avoir à s’expliquer. Mais le plus souvent il s’est engagé avec l’espoir de rester suffisamment longtemps dans le réseau pour valablement y développer son affaire. Ce pouvoir de non-renouvellement ne l’intéresse que moyennement.

      Le contrat de franchise peut-il être renouvelé et si oui, à quelles conditions ?

      Que peut-il se passer alors à la fin du contrat ? Si rien n’est prévu, la loi a tranché : le contrat à durée déterminée (c’est le cas de presque tous les contrats de franchise) se poursuit à l’identique (quant à son contenu) mais devient à durée indéterminée (articles 1214 et 1215 du code civil). C’est-à-dire qu’il peut être interrompu à tout moment sous réserve d’un préavis raisonnable. Une solution à double tranchant. Car si on peut sortir du réseau, on peut aussi en être sorti plus facilement…

      Autre possibilité : le renouvellement par tacite reconduction. Le contrat continue au-delà de l’échéance sans modification de contenu mais pour une durée fixée à l’avance qui peut être différente de la durée initiale. Aujourd’hui, seuls quelques franchiseurs ont recours à cette technique. Notamment quelques gros réseaux où les investissements sont lourds et méritent deux durées de contrat pour permettre aux franchisés et de les amortir et de bien en vivre.

      Dans la plupart des cas, « à la fin du contrat, on se remet autour d’une table, indique Maître Cécile Peskine (cabinet Linkea). En trois ou cinq ans, beaucoup de choses ont changé dans la relation entre le franchiseur et le franchisé comme dans la vie du réseau. Avec les innovations technologiques, le contrat lui aussi a évolué. » C’est donc l’occasion de remettre les pendules à l’heure. « Attention toutefois, avertit l’avocate qui conseille exclusivement des franchiseurs, il n’y a pas toujours de négociation. Parfois il est simplement demandé au franchisé s’il accepte de signer le contrat alors en vigueur dans le réseau. »

      Olga Zakharova-Renaud, Avocate, cabinet BMGB« Certains franchiseurs en profitent pour diviser par quatre la zone d’exclusivité territoriale concédée ! »

      Maître Olga Renaud, cabinet Bmgb

      Zone d’exclusivité et redevances : ce que les franchiseurs veulent voir évoluer

      « Le franchiseur se saisit aussi de ce moment pour augmenter (et parfois doubler, cela s’est vu !) les redevances, déplore Maître Olga Zakharova-Renaud (cabinet Bmgb), qui conseille uniquement des franchisésCertains dirigeants de réseaux en profitent pour réduire la zone d’exclusivité territoriale concédée. La première était trop généreuse ? Divisée par quatre ! Cela permet d’installer sur le même espace quatre franchisés au lieu d’un… »

      « Rares sont les franchiseurs qui ont ce genre d’idées, tempère Maître Peskine. Ce n’est pas très commercial ! Ce qui se fait en revanche c’est, par exemple, de prévoir une redevance communication alors que ce n’était pas le cas dans le contrat initial. Parce que le réseau a grandi, parce que l’on a maintenant une vraie démarche de communication nationale. »

      « Bien sûr, reconnaît l’experte, le renouvellement peut être l’occasion d’aligner les conditions financières du contrat sur le reste du réseau, mais il est compliqué de faire passer un franchisé, par exemple, de 4 à 6 % de redevances… »

      Quant à modifier la taille de la zone d’exclusivité, c’est possible selon elle, mais « seulement à la marge » et en prévoyant une contrepartie : par exemple accorder un droit de priorité sur une zone limitrophe disponible. Le changement de contrat peut encore être l’occasion, explique-t-elle, de faire adopter « tout l’écosystème digital du concept » aux franchisés historiques auxquels il ne s’imposait pas lorsqu’ils ont signé leur contrat initial et aussi de demander si nécessaire la modernisation du point de vente.

      Durée et autres points : ce que les franchisés peuvent tenter de négocier

      Mais que peuvent espérer, de leur côté, les franchisés ? Que peuvent-ils tenter de modifier dans leurs conditions contractuelles ? Et d’abord peuvent-ils vraiment discuter ?  « Quand un franchisé détient un emplacement que le franchiseur ne veut pas perdre, cela le met en position de force pour négocier. C’est le cas souvent des multifranchisés », constate Cécile Peskine. « Souvent, il n’y a pas de négociation avec un franchisé « casse-pieds », mais quand les relations sont normales, c’est possible, estime pour sa part Olga Renaud. Surtout si vous faites partie d’un réseau récent ou bien qu’il existe une association de franchisés, ou qu’en effet votre profil retient particulièrement l’attention du franchiseur. »

      L’une comme l’autre membre du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise (FFF), les deux spécialistes s’accordent sur les points négociables. Outre un droit de priorité sur les zones limitrophes, le franchisé peut, s’il le souhaite, demander une durée de contrat plus courte (« voire indéterminée » détaille Cécile Peskine). Ou discuter des redevances s’il estime, vu sa réussite, qu’il est hors de question pour lui d’accepter un taux plus élevé que précédemment. « Un multifranchisé peut essayer d’obtenir une grille dégressive en fonction de son nombre d’établissements », précise Olga Renaud. Mais sur ce point les enseignes sont souvent très fermées, reconnaissent les deux avocates.

      cecile-peskine-avocat« S’ils souhaitent renouveler, je conseille aux franchiseurs de se montrer ouverts et de récompenser la fidélité. »

      Cécile Peskine, cabinet Linkea

      Faut-il repayer un droit d’entrée ?

      Autre demande possible pour un multifranchisé : l’alignement des termes de ses contrats.  Afin de faire en sorte que tous puissent se terminer en même temps ou que la fin de l’un entraîne celle des autres. Mais, encore une fois, tout va dépendre de l’intérêt que le franchiseur porte aux emplacements et/ou au profil de son partenaire.

      Olga Renaud ajoute à la liste la question du droit d’entrée à repayer lors de la signature du nouveau contrat, que le franchisé peut chercher à faire diminuer. « Ce n’est pas inscrit dans le marbre. Certains franchiseurs réclament 100 % du montant initial, parce que cet argent rémunère selon eux le droit de faire partie du réseau. Donc, ils le maintiennent. Mais d’autres ne demandent qu’un droit d’entrée réduit, d’autres enfin n’en exigent plus. » « La plupart des franchiseurs ne font pas repayer un droit d’entrée à 100 %, affirme Cécile Peskine, notamment parce qu’il n’y a pas à couvrir à nouveau les frais de la formation initiale. Le droit de renouvellement est en fait un droit d’entrée minoré, souvent à 50 %, parfois avec un accord qui prévoit que l’argent sera réinjecté en dépenses de communication sur le point de vente lors par exemple de la participation de l’enseigne à un événement de type anniversaire. »

      Le franchisé refusé doit-il obtenir une explication, voire une indemnisation ?

      Reste plusieurs interrogations. Le franchiseur qui refuse de renouveler un contrat ne devrait-il pas être tenu de fournir au moins une explication, voire de verser une indemnité au franchisé quand celui-ci n’a pas commis de faute ? « Une explication ? Juridiquement, non. Mais humainement, oui, c’est la plus élémentaire courtoisie, répond Maître Peskine, qui recommande toutefois à ses clients franchiseurs de ne pas procéder par écrit pour ne pas créer de jurisprudence. Une indemnité ? Non. C’est l’essence même du contrat de franchise et ce qui le distingue des contrats d’agents commerciaux. Le franchisé a pu et su créer un fonds de commerce dont on ne le dépossède pas. Il n’y a donc pas lieu de l’indemniser. » « Du point de vue de l’équité, il est certain qu’il faudrait obtenir une explication, approuve Maître Renaud. Mais pour le franchiseur, c’est donner au franchisé un bâton pour se faire battre. Il s’en abstient généralement ! »

      Les franchisés peuvent négocier une durée de contrat plus courte« Les franchisés peuvent négocier une durée de contrat plus courte, un droit d’entrée minoré, un droit de priorité sur des zones limitrophes, etc. »

      Olga Renaud, cabinet Bmgb

      Faut-il lever les clauses de non-concurrence après le contrat en cas de non-renouvellement du fait du franchiseur ?

      Quant aux clauses de non-concurrence post-contractuelles, ne faudrait-il pas les lever quand le non-renouvellement est à l’initiative du franchiseur et que, là encore, le franchisé n’a commis aucune faute ? « Bien sûr, répond Olga Renaud, car la situation est profondément injuste. Le franchiseur dit à son franchisé à la fois « Je ne veux plus de toi » et « Je t’empêche de continuer ton activité » ». Mais les tribunaux ne suivent pas, au nom de la protection du savoir-faire.

      « Cela peut faire l’objet d’une discussion, admet Cécile Peskine, mais seulement si le franchisé s’engage à descendre proprement l’enseigne, à faire en sorte que son point de vente ne ressemble pas à ce qu’il était avant et dès lors qu’il ne rejoint pas un réseau concurrent avant un an dans ses locaux ». « C’est vrai qu’il y a là une contrainte pour le franchisé mais c’est la contrepartie de la transmission d’un savoir-faire », ajoute la spécialiste qui conseille aux franchiseurs de se limiter à une clause de non-affiliation.

      Pour un droit au renouvellement automatique du contrat de franchise ?

      Guide Dalloz de la franchiseCertains avocats, comme Nicolas Dissaux et Charlotte Bellet vont jusqu’à préconiser (dans leur « Guide de la Franchise ») d’instituer un droit acquis au renouvellement du contrat « dès lors que le franchisé a respecté le concept et est à jour de ses obligations. » Le franchisé pourrait ainsi « exiger la poursuite du partenariat pour une nouvelle et unique durée de 5 ans (ou durée initiale) sans avoir à payer un nouveau droit d’entrée. »

      Selon eux, l’importance des investissements financiers et humains des franchisés, leurs engagements de caution des dettes souscrites par leur société vis-à-vis de la banque et du bailleur nécessitent que la durée du partenariat soit suffisamment longue. « La faculté du franchiseur de mettre un terme au contrat à son échéance contredit frontalement l’esprit de la franchise ; elle est incohérente avec l’investissement réalisé par le franchisé ».

      Problème : ce droit au renouvellement automatique généralisé serait « contraire au principe de la liberté contractuelle, qui est une liberté constitutionnelle », regrette Olga Renaud qui rappelle que, dans la pratique, certains gros réseaux où les investissements des franchisés sont lourds prévoient dans leur contrat initial que « s’il n’y a pas eu de faute grave, si le franchisé est à jour de ses paiements, si son personnel a suivi les formations prévues, si les travaux de rénovation des locaux ont été effectués, il y aura un renouvellement automatique du contrat. »

      « En négociation, il peut arriver que l’on accorde individuellement un tel droit de renouvellement dans le cas d’un contrat de masterfranchise par exemple où le niveau de l’investissement est tel qu’il nécessite un développement nettement plus long que la durée du contrat initial, même s’il est de 10 ans, témoigne Cécile Peskine. Bien entendu, il faut que le franchisé ait respecté le concept et toutes ses obligations contractuelles, qu’il soit à jour de tous ses paiements, etc. En revanche, aller jusqu’à inscrire ce droit dans le contrat et faire que cela devienne intangible, non. Cela reste un mariage. Il ne faut pas forcer les parties à rester ensemble. Parfois, on peut avoir un franchisé qui respecte le concept mais avec lequel les relations ne sont pas bonnes parce qu’il n’y a pas d’envie. Il faut conserver pour les deux parties la liberté de ne pas renouveler. »

      Conseils d’expertes

      Pour conclure, la dirigeante du cabinet Linkea liste ses conseils aux franchiseurs : anticiper et adresser des courriers formels. « Prévenir suffisamment à l’avance s’ils savent qu’ils ne vont pas renouveler (18 mois avant l’échéance s’ils veulent être parfaitement à l’abri*) et s’ils renouvellent : être ouvert, faire preuve de nuances et récompenser la fidélité ». Aux franchisés, elle recommande surtout de bien relire leur contrat qu’ils ont en général oublié au moment où il va arriver à son terme.

      Olga Renaud avertit : « Si le contrat initial prévoit que le suivant sera identique à celui en cours dans le réseau au moment du renouvellement, attention, cela veut dire que l’on consent à l’avance à un contrat dont on ignore le contenu. C’est prendre un risque. »

      Elle s’adresse aussi aux franchiseurs qu’elle invite à « discuter » avec leurs franchisés, « lors du recrutement et du renouvellement ». « Afin d’éviter de voir leur contrat qualifié de contrat d’adhésion avec les conséquences que cela peut avoir en termes de déséquilibre significatif. Et il ne suffit pas d’écrire dans le contrat que le franchisé reconnaît avoir pu négocier, il faut que cela soit vrai. Il ne nous sera pas difficile de prouver qu’il n’y avait aucune discussion possible si c’est le cas… Mieux vaut un accord amiable que dix ans de procédures judiciaires ! »

      *Code de commerce, article L 442-1 II : « En cas de litige entre les parties » celle qui a rompu la « relation commerciale établie » doit avoir prévenu l’autre 18 mois à l’avance.