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      Devenir franchiseur : mode d’emploi

      Dernière mise à jour le 7 juin 2021

      Pour démarrer un réseau en franchise qui soit pérenne et rentable, des prérequis sont indispensables : être doté d’une capacité suffisante d’investissement, posséder un point de vente pilote bénéficiaire, être bien accompagné, avoir le bon profil… Conseils d’experts.

      A l’instar du chef de cuisine qui va d’abord trouver de bons ingrédients pour réussir sa recette, le franchiseur potentiel se doit, lui aussi, de réunir un certain nombre d’éléments avant de se lancer dans cette aventure entrepreneuriale. “Il est essentiel, avant tout, de se poser la question : pourquoi devenir franchiseur ? Car il est parfaitement possible d’envisager un développement harmonieux, rentable et pérenne sans recourir à la franchise. Mais on peut se dire aussi qu’en s’appuyant sur des franchisés, on s’offre le moyen d’aller plus vite et de mieux mailler le territoire”, avance Rémi de Balmann, avocat au sein du cabinet D,M&D.

      Une fois cette question initiale réglée, l’aspirant franchiseur va devoir se demander s’il possède une idée qui se distingue. “Car si vous créez un concept qui existe déjà et n’amène pas une valeur ajoutée, l’intérêt reste limité, souligne le consultant Christophe Bellet, fondateur du cabinet Gagner en Franchise. L’aspect différenciant est un élément clé de la réussite. Certes, il est des secteurs où il sera difficile d’innover et d’apporter un plus. Si le degré de différentiation par rapport au marché existant est minime, mon conseil est de réfléchir à deux fois et peut-être même de ne pas se lancer.”

      Le concept doit aussi être reproductible. A titre d’exemple, si un créateur révolutionne la coiffure, mais que le savoir-faire repose d’abord sur sa créativité et son talent personnel, il ne pourra pas être duplicable par d’éventuels franchisés. Le process doit pouvoir être réitéré sans difficulté majeure.

      Autre prérequis indispensable : le franchiseur potentiel doit posséder au moins un point de vente pilote. Sinon, il apparaît pour le moins risqué de se développer en franchise. L’idéal est que ce pilote ait un, voire deux ans d’ancienneté, ce qui permet de bien montrer aux futurs franchisés que le modèle fonctionne. “On ne peut s’instituer franchiseur que si l’on a déjà exploité des unités avec profit, estime Eric Luc, expert-comptable chez Fiducial. Il est difficile de parler d’une expérimentation réussie lorsque l’on n’a ouvert qu’une unité. Quant au nombre souhaitable de pilotes, tout dépend du marché considéré et du concept.”

      Si elle envisage de mailler tout le territoire, la tête de réseau ne doit pas se contenter d’une seule expérimentation sur Paris. Il faut également implanter un pilote en province afin d’en tirer tous les enseignements. Et si les résultats sont peu satisfaisants, il ne faut surtout pas se dire que les franchisés feront mieux. “Les juges sont extrêmement sensibles à cet aspect des choses et sanctionnent tout lancement de réseau qui n’aurait pas été préalablement expérimenté et tout franchiseur qui n’aurait pas fait les preuves de sa capacité à réitérer son succès, souligne Rémi de Balmann. Ils se demanderont si le premier franchisé n’a pas servi lui-même de pilote.”

      “Il faut aussi pouvoir démontrer que le concept est durable et profitable. Si les pilotes ne sont pas bénéficiaires, il vaut mieux attendre quelque temps, car cela démontre qu’il n’est ni rentable, ni duplicable, insiste Eric Luc. On franchise une réussite et non des problèmes. J’ai trop vu de gens se lancer, persuadés de leur réussite, et échouer rapidement.” Pour débuter, estime par ailleurs ce spécialiste, le franchiseur ne doit pas être isolé mais appuyé par une équipe ou, a minima, par un collaborateur.

      Devenir tête de réseau est bien entendu un métier à part entière, avec une composante de management, d’autant plus délicat qu’il est mené à distance. Si le créateur du concept ne possède pas de capacités managériales et de gestion suffisantes, la probabilité de réussite diminue. Il doit donc faire montre de véritables qualités de meneur d’homme.

      On peut  estimer que le franchiseur potentiel devra disposer d’un montant compris entre 70 000 et 150 000 euros au moins. Ces fonds vont couvrir l’élaboration du DIP (Document d’informations précontractuel) et du contrat, les études de marché, la rémunération d’un collaborateur et celle du dirigeant lui-même, l’élaboration du manuel opératoire, les outils de communication et les contrats publicitaires. Ces différents postes comprennent, par définition, les honoraires d’un avocat et d’un expert-comptable ainsi que, le cas échéant, l’accompagnement par un cabinet conseil.

      L’étude de marché national va permettre à la tête de réseau de se rendre compte s’il se trouve sur un créneau suffisamment porteur. Des organismes spécialisés peuvent la réaliser. “Le franchiseur peut aussi mener sa propre étude, mais elle sera alors moins précise, estime Christophe Bellet. Pour l’étude de marché locale, le franchiseur doit apporter une méthodologie au franchisé et à ce dernier, alors, de la réaliser.”

      La communication Web, papier, média et physique (notamment la présence sur des salons) doit être correctement évaluée. Ce n’est certainement pas un poste sur lequel le créateur de réseau pourra escompter faire des économies.

      Les coûts apparaissent donc importants et doivent être appréhendés sur le moyen terme : “L’entrepreneur ne doit pas imaginer qu’il va gagner de l’argent dès la première année en étant franchiseur, estime Christophe Bellet. La logique veut plutôt que la première année il perde de l’argent, qu’il atteigne l’équilibre la deuxième et soit bénéficiaire à partir de la troisième.” Le retour sur investissement serait ainsi de l’ordre de 3 à 4 ans.

      L’élaboration du contrat de franchise va déterminer le fonctionnement même du réseau. Car ce contrat constitue l’ossature de la relation de partenariat entre le franchiseur et les entrepreneurs franchisés. “Il n’existe pas de contrat type car aucun savoir-faire n’est équivalent à un autre, considère Rémi de Balmann. Le contrat est l’outil, le levier par lequel le franchiseur va atteindre ses ambitions. L’avocat doit lui faire comprendre ce que chaque clause implique et ainsi, comment la mécanique se met en place.”

      Ce contrat est le fruit d’une collaboration étroite entre l’homme de droit et le franchiseur, qui doit s’impliquer afin de bien maîtriser ses différentes clauses.

      Un certain nombre d’éléments doivent y être prévus : les modalités de transmission du savoir-faire, les obligations du franchisé et de la tête de réseau, les conditions financières d’accès à l’enseigne, l’activité qui sera l’objet de la relation, la clause d’exclusivité, le choix de l’implantation du local, l’assistance avant et pendant l’ouverture, la formation initiale et permanente… Sans oublier les conditions de renouvellement à l’échéance de la période contractuelle, qui devront, par exemple, tenir compte de l’évolution du savoir-faire pendant la durée du contrat.

      Le contrat doit également prévoir  la possibilité, pour le franchiseur, d’exercer des contrôles sur le respect du concept et le niveau de chiffre d’affaires. “Tout ceci doit être exprimé dans le contrat, mais attention à ne pas tendre vers une sorte de tutelle, prévient Rémi de Balmann. En aucun cas le franchiseur n’est le tuteur du franchisé.” L’avocat souligne que l’équilibre peut être délicat à atteindre, car le franchiseur doit être dans l’assistance, sans pour autant verser dans l’immixtion.

      Le droit d’entrée et les redevances sont des éléments constitutifs du contrat. Il n’y a pas de formule mathématique permettant d’établir leur niveau, qui est fonction des investissements réalisés par la tête de réseau.

      Le droit d’entrée couvre notamment le coût de formation, ou encore l’assistance à l’ouverture. “Il tient compte aussi de la notoriété de l’enseigne et de l’avantage concurrentiel dont va bénéficier le franchisé : plus le concept est abouti, plus on peut solliciter un droit d’entrée significatif”, souligne Rémi de Balmann.

      “Pour la fixation du droit d’entrée, le franchiseur doit bien évaluer les sommes qu’il va devoir investir sur une période de 5 ans, que ce soit la communication, la protection de la marque, etc., détaille Eric Luc. Il doit en parallèle estimer le nombre d’ouvertures sur ces premières années. Mais aussi ajuster ce montant par rapport à ceux pratiqués par la concurrence dans son secteur. Pour le franchiseur, tous les postes doivent être profitables sur le moyen terme, y compris le droit d’entrée et les redevances.”
      La tête de réseau et ses conseils doivent aussi évaluer de façon très fine le niveau des redevances. Lesquelles tiennent compte, en particulier, des frais engagés pour pérenniser le réseau. Pour leur calcul, le franchiseur peut se baser sur un chiffre d’affaires théorique que devraient atteindre les franchisés en phase de démarrage, puis de maturité. Le poste publicité et communication est facturé de façon spécifique par la plupart des enseignes.

      Une fois ces principales étapes passées, le franchiseur devra commencer la phase de recrutement. Elle s’avère décisive puisque, concernant les premiers franchisés intégrés, l’erreur de casting n’est pas permise. En effet, si l’un des premiers partenaires ne se montre pas à la hauteur, cela sera beaucoup plus préjudiciable pour le jeune réseau que s’il s’agissait de son quatre-vingtième franchisé. Les deux parties devront donc parvenir à ce que les Anglo-Saxons nomment un “win-win deal” (“partenariat gagnant-gagnant”), afin d’entamer une relation pérenne et sereine.