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      Contrat déséquilibré ? Franchisé débouté ! - Brève du 13 mars 2020

      Brève
      13 mars 2020

      Un franchisé s’estime victime d’augmentations abusives de prix, de concurrence déloyale au sein du réseau et de déséquilibre significatif dans son contrat. Il assigne son franchiseur en justice. La cour d’appel de Paris écarte un à un tous ses griefs.

      La cour d’appel de Paris a débouté un franchisé qui avançait plusieurs griefs contre son franchiseur.

      Le plaignant estimait d’abord avoir été lié à son ex-partenaire par une clause d’approvisionnement exclusif et dans ce cadre, reprochait à celui-ci d’avoir procédé, en tant que centrale d’achats, à des augmentations de prix « abusives ». Constat d’huissier à l’appui, le franchisé a fourni à la cour des relevés mettant en évidence « des écarts conséquents » entre les prix tels qu’indiqués lors de la signature du contrat et trois ans plus tard dans la réalité des codes-barres. Des hausses allant, à titre d’exemple, de 22 à 92 % selon les cas, sur une dizaine d’articles significatifs. L’exploitant ajoutait que ces modifications de prix s’imposaient à lui « de manière brutale » puisqu’il les découvrait seulement lors du passage en caisse.

      Le franchisé, dont la société a été placée en redressement puis en liquidation judiciaire, accusait ensuite son franchiseur, tickets de caisse à l’appui, d’avoir pratiqué une politique de prix « discriminatoire » entre son point de vente et quatre autres magasins du même groupe et de taille comparable implantés à proximité du sien. Ce qui a constitué selon lui, au sein même du réseau, une « concurrence déloyale », à la source de son échec commercial.

      Enfin, l’exploitant estimait avoir été victime d’un « déséquilibre significatif » dans la mesure où, étant contraint dans les faits d’acheter 80 % de ses marchandises auprès de son franchiseur, il ne bénéficiait pas en contrepartie d’une exclusivité territoriale qui lui aurait pourtant été bien nécessaire pour protéger son activité.

      Le franchisé réclamait donc des dommages et intérêts de plusieurs centaines de milliers d’euros pour compenser à la fois la perte de valeur de son fonds de commerce et son manque à gagner, puisqu’il a été « contraint » de cesser son activité avant la fin de son contrat.

      Ni abus sur les prix, ni pratiques discriminatoires, ni concurrence déloyale, selon les juges

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceSaisie, la cour d’appel de Paris déboute le franchisé sur toute la ligne.

      Sur les écarts de prix des marchandises vendues par le franchiseur, les magistrats relèvent d’abord que « rien ne permet de retenir que les parties au contrat de franchise étaient convenues que les prix n’augmenteraient pas (sur la période) ». Ils considèrent ensuite que la société du franchisé « ne démontre en rien qu’elle a été empêchée d’exercer son activité de manière concurrentielle et rentable par l’effet des augmentations de prix (qu’elle cite) ». En outre ils rappellent que, « par principe, le fournisseur jouit d’une liberté de fixation du prix, de sorte que des augmentations de prix, en soi, ne suffisent pas à caractériser un abus ». Et s’agissant de la « modification brutale » des prix révélée en caisse, ils affirment « qu’aucun élément de preuve n’est produit à cet égard ».

      Concernant ensuite la concurrence déloyale, les juges estiment que les comparaisons effectuées par le franchisé sur les prix de vente pratiqués par les autres magasins du même réseau « ne sont pas établies objectivement », car elles portent sur « trop peu de produits, choisis par le franchisé lui-même ». Par ailleurs, elles « ne peuvent être retenues » parce que « rien ne prouve » que ces points de vente aient eu « le même statut de franchisé » que le plaignant. Plus précisément, sur les quatre magasins considérés, seuls deux étaient « assez proches (de celui du franchisé) pour avoir été susceptibles de lui faire de la concurrence » et justement ces deux-là appartiennent au franchiseur. Ce qui veut dire qu’ils ne lui achètent pas de produits. Leur situation n’est, aux yeux des juges, pas comparable. Enfin, ces deux points de vente existaient déjà lors de la signature du contrat. Le franchisé s’est donc, pour la cour, engagé en connaissance de cause.

      Pas non plus de déséquilibre significatif pour l’absence d’exclusivité territoriale

      Quant au déséquilibre significatif, la cour d’appel de Paris pose d’abord qu’au regard du contrat, il n’y avait pas de clause d’approvisionnement exclusif. En effet, explique-t-elle, le franchisé avait la possibilité expressément mentionnée de s’approvisionner en partie s’il le souhaitait « auprès des autres membres du réseau ». Peu importe que le franchisé ait, pour l’un de ses exercices, effectué dans les faits 78 % de ses achats auprès de son franchiseur. Un niveau qui, pourtant, comme le remarque Sibylle Chauduet, maître de conférences à l’Université de Cergy-Pontoise, dans la « Lettre de la distribution » de février 2020, a déjà été considéré « dans d’autres affaires » comme un niveau de « quasi-exclusivité ».

      En conclusion, pour la cour « rien ne prouve » que le franchiseur aurait imposé à son franchisé des « tarifs déraisonnables » ne lui permettant pas de réussir. Elle en déduit qu’elle ne peut « pas lui reprocher de ne pas avoir prévu au contrat (en contrepartie) une clause d’exclusivité territoriale », disposition qui n’est d’ailleurs pas obligatoire en franchise. Il n’y a donc pas de déséquilibre significatif pour les magistrats.

      Le franchisé se voit débouté de toutes ses demandes. Sa société en liquidation doit inscrire à son passif en faveur du franchiseur 45 000 € de marchandises non payées et 32 000 € de pénalité pour rupture anticipée du contrat. La cour refuse toutefois d’accorder au franchiseur les 260 000 € qu’il réclamait au titre du manque à gagner dû à la perte du point de vente, considérant que cette demande manque « d’éléments de preuve » quant au préjudice subi.

      Référence de la décision :

      Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, 11 décembre 2019, n° 18/28097