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      Une clause de non-concurrence post-contractuelle annulée en appel - Brève du 12 février 2018

      Brève
      12 février 2018

      La cour d’appel de Paris vient d’annuler une clause de non-concurrence post-contractuelle. Les magistrats l’ont jugée disproportionnée à ses objectifs, entre autres parce que le savoir-faire qu’elle était censée protéger a été estimé « de faible technicité ».

      La cour d’appel de Paris vient d’annuler la clause de non-concurrence post-contractuelle d’un contrat de franchise, avec des arguments intéressants à connaître. D’autant que cette clause figure dans tous les contrats du réseau concerné. Et que des clauses du même type peuvent se rencontrer également dans d’autres réseaux.

      Le litige éclate en 2011. Il porte notamment sur la participation du franchiseur au capital de ses franchisés. Participation qu’il souhaite désormais prendre à hauteur de 20 % à l’occasion du renouvellement de leurs contrats. Un projet qui ne convient pas à nombre d’entre eux.

      Problème : il leur est difficile de refuser ces nouvelles conditions puisquune clause de non-concurrence post-contractuelle s’impose à eux. Il leur est ainsi interdit, pendant un an après la fin de leur contrat, d’exercer la même activité sur la zone qui leur a été concédée par l’enseigne.

      Estimant n’avoir donc le choix qu’entre « s’incliner ou disparaître», une partie des franchisés saisit la justice. Avec pour objectif d’obtenir – entre autres – la nullité de cette clause.

      Une clause licite pour le franchiseur et le tribunal de commerce…

      Mais le 31 mai 2013, le tribunal de commerce de Paris déboute les franchisés de leurs demandes.

      Très déçus par cette décision, beaucoup abandonnent la procédure. Sauf quelques-uns, qui font appel.

      Trois d’entre eux y obtiennent gain de cause en s’appuyant sur un avenant à leur contrat, obtenu en 2005, par lequel le franchiseur reconnaissait qu’ils étaient propriétaires de leur clientèle locale. Pour la cour, la clause les empêchant d’exploiter cette clientèle ne peut donc pas leur être opposée.

      Un quatrième franchisé, qui ne bénéficie pas de cet avenant, conteste quant à lui la validité de la clause au regard du droit européen.

      Pour le franchiseur, sa clause de non-concurrence, « contrepartie de l’exclusivité donnée aux franchisés », est  parfaitement licite, « étant limitée dans le temps et dans l’espace et proportionnée (à ses) intérêts légitimes ».

      Cour-Appel

      …Mais pas pour la cour d’appel de Paris, au regard du droit européen

      Ce n’est pas l’avis de la cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 4).

      Dans son arrêt du 13 décembre 2017, la cour estime d’abord, contrairement au franchiseur, qu’il y a bien « lieu d’examiner la validité de la clause au regard du droit européen de la concurrence. »

      Car le réseau international dont le franchiseur est le masterfranchisé pour la France et « qui compte 274 centres dans le monde (…) est présent dans de nombreux États membres ». La pratique du franchiseur est donc « susceptible d’affecter le commerce entre États membres » de l’UE. Et même « sensiblement, dès lors que la clause figure dans tous les contrats couvrant la totalité du territoire national ».

      « Visant à éliminer un potentiel concurrent dans le marché intérieur (cette clause) tend à cloisonner ce marché », note la cour.

      Un savoir-faire « de faible technicité » et déjà suffisamment protégé

      Certes, rappellent les magistrats, « les clauses de non-affiliation ou de non-concurrence peuvent être considérées comme inhérentes à la franchise, dans la mesure où elles permettent d’assurer la protection du savoir-faire transmis qui ne doit profiter qu’aux membres du réseau et de laisser au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d’exclusivité, mais ces clauses doivent cependant rester proportionnées à l’objectif qu’elles poursuivent. »

      Or, dans le litige en question, la clause « n’est pas indispensable à la protection du savoir-faire du franchiseur ». Un savoir-faire qui « consiste en une méthode (…) de faible technicité » Et qui, « mise en œuvre principalement à travers des logiciels en ligne, n’est accessible que par des sites internet spécifiques de sorte qu’il ne peut plus en être fait usage à la cessation du contrat, par un blocage des accès. »

      Une clause « disproportionnée à son objectif »

      Résultat, pour la cour d’appel de Paris, « La clause est (…) disproportionnée à son objectif » Et contraire au code de commerce.

      De plus, dans la mesure où elle n’est pas limitée « aux locaux et terrains » sur lesquels le franchisé exerce son activité (comme le veut le règlement européen sur le sujet), mais s’applique à tout le territoire concédé, elle ne peut bénéficier de l’exemption automatique (de ce règlement).

      La clause est  annulée.

      Les franchisés viennent donc de marquer un point. Quant au franchiseur, il est probable qu’il se pourvoie en cassation. Dans ce cas, la décision de la plus haute juridiction française sera très attendue.

      A lire aussi sur le sujet

      L’analyse détaillée d’Anouk Bories dans La Lettre de la Distribution de Janvier 2018, pages 3 et 4