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      Lionel Régis, responsable du Pôle Franchise de la Caisse d’Épargne - Interview du 11 avril 2024

      La franchise participative est une formule intéressante, car elle permet de permet de rassurer le banquier.

      Lionel Régis, responsable du Pôle franchise de la Caisse d’Épargne (groupe BPCE)
      Lionel Régis, responsable du Pôle franchise de la Caisse d’Épargne (Développement Caisse d’Épargne – Marché des Professionnels, Groupe BPCE)

      La franchise participative est-elle selon vous une formule intéressante pour les candidats à la franchise ? Et si oui, pourquoi ?

      Oui, c’est une formule intéressante, car elle permet de rassurer le banquier. Elle montre que le franchiseur souhaite clairement travailler avec le candidat et qu’il valide ses compétences et connaissances, même s’il a un apport un peu faible.

      Elle indique aussi que le franchisé sera a priori plus accompagné encore que dans une franchise classique dans le développement de son affaire au quotidien.

      Quel est l’intérêt de la formule pour les franchiseurs ?

      Cela peut leur permettre de développer plus facilement leur réseau. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui que bien des concepts nécessitent pour le franchisé des montants importants d’apport personnel. Autre avantage pour les franchiseurs : ils peuvent avoir une vision plus rapprochée de l’évolution de leur franchisé.

      Les secteurs les plus concernés sont donc a priori ceux qui nécessitent d’importants investissements comme l’hôtellerie, la restauration ou la distribution alimentaire ?

      Exactement. On n’en rencontre pas dans les services à la personne ou la formation RH par exemple.

      Cette stratégie se répand-t-elle parmi les franchiseurs ?

      Pas à ma connaissance. En tout cas, elle nécessite de bonnes capacités financières de la part du franchiseur qui la pratique.

      « La formule permet de constater que le profil du candidat est bien validé »

      Vous dites que la participation du franchiseur au capital de la société franchisée permet de rassurer le banquier sur la viabilité du projet. En quoi le fait qu’un franchiseur mette quelques milliers d’euros dans le capital d’une SARL par exemple peut-il vous rassurer  ?

      Cela permet d’abord de constater que le profil du candidat est bien validé et qu’il ne s’agit pas juste de la part de l’enseigne d’un développement rapide avec des investisseurs. Si le franchiseur est prêt à s’associer, il le fait forcément avec des personnes qui souhaitent s’investir elles-mêmes dans le projet de franchise.

      Ne faut-il pas que le franchiseur apporte aussi de l’argent en compte courant, bref, qu’il investisse lui aussi vraiment dans l’affaire ?

      Si, bien sûr. S’il se contente de mettre 2 ou 3 000 € pour prendre 25 % des parts par exemple, on n’est pas dans la franchise participative, on est dans l’actionnariat d’entreprise. Il faut que le franchiseur apporte de l’argent, soit en compte courant d’associés, soit sous forme de prêt.

      Est-ce que la formule vous rassure aussi parce que vous vous dites qu’en cas de difficultés de la société franchisée, le franchiseur pourra toujours la racheter et donc honorer le prêt ?

      Oui, on peut se dire en effet que, si le franchiseur prend une participation raisonnable au capital de la société franchisée, il participera s’il y a de la casse.

      « Idéalement, le franchiseur ne doit pas dépasser 30 à 33 % des parts »

      Entraide entre franchisés au sein du réseauA quelle hauteur est-il souhaitable que les franchiseurs montent au capital des sociétés franchisées ? Y-a-t-il un niveau idéal pour vous ?

      D’abord ils doivent rester minoritaires, sinon nous ne serions plus dans la franchise, mais dans le succursalisme. Ensuite idéalement, ils ne doivent pas dépasser 30 à 33 % des parts. Très souvent, dans une SARL par exemple, les franchisés sont déjà deux associés. La part du franchiseur doit rester inférieure à celles des franchisés.

      Le fait pour un franchiseur de prendre une minorité de blocage de 26 % par exemple dans une SARL vous pose-t-il un problème ?

      Cela va dépendre du franchiseur. S’il s’agit de quelqu’un qui passe à la franchise parce qu’il ne parvient plus à trouver de financements pour son développement en succursales, cela nous posera un problème. Il n’est pas souhaitable en effet qu’une tête de réseau utilise ainsi un modèle pour en masquer un autre.

      Si au contraire la minorité de blocage est là, non pas pour empêcher le franchisé de se développer, mais pour lui éviter d’échouer, pas de problème pour nous !

      Si la participation est à hauteur d’une part seulement, comme cela s’est déjà vu, cela vous pose-t-il un problème ?

      Je ne vois pas trop l’intérêt de prendre une participation aussi faible. Il s’agit apparemment en pareil cas de sécuriser uniquement le franchiseur. Or, nous ne sommes pas là pour protéger ses intérêts, mais pour défendre ceux des franchisés à qui nous prêtons de quoi financer leur projet.

      Prévisionnels, entretien avec le conseiller bancaire, garanties et cautions

      Concernant le prévisionnel, vos conseillers bancaires ne doivent-ils pas l’examiner avec davantage de prudence que d’ordinaire, dans la mesure où il peut, plus encore qu’en franchise classique, être établi sous l’influence du franchiseur ?

      Au contraire. A priori, le franchiseur maîtrise bien les ratios de son concept. Il y a moins de risque d’erreur que si le franchisé passe par un expert-comptable qui ne connaît pas la franchise.

      Avant d’accorder leur financement, souvent les banquiers préfèrent que le candidat à la franchise vienne seul à l’entretien pour défendre son projet et fasse la preuve qu’il le connaît, qu’il le fait sien et qu’il va s’y investir.  Comment cela se passe-t-il en cas de franchise participative : c’est le représentant du franchiseur qui va parler,  non ?

      Pas du tout. C’est bien le futur franchisé qui doit s’exprimer. Le franchiseur n’est qu’un accompagnant. Son action est de l’ordre de la participation, pas de la gestion. La gestion du projet, c’est le domaine du franchisé. C’est lui qui doit défendre son dossier. Nous prêtons au franchisé, pas au franchiseur.

      Dans le cas d’une franchise participative, la banque demande-t-elle des garanties au franchiseur ou à sa filiale présente au capital de la société franchisée ?

      Généralement non. Encore une fois la majorité du prêt repose sur le franchisé. Une telle pratique pourrait d’ailleurs nous être reprochée et se voir requalifiée en garantie abusive.

      Le franchiseur pourrait-il être amené à se porter en partie caution du prêt accordé à la société franchisée ?

      Non, nous ne lui demandons pas, pour les mêmes raisons.

      « La participation du franchiseur au capital ne devrait pas dépasser trois ou quatre ans »

      Demandez-vous à ce que le franchiseur reste au capital jusqu’à la fin du remboursement du crédit bancaire contracté par la société franchisée ?

      Non. Il est souhaitable en fait que la durée soit moins longue. En principe, une structure franchisée a franchi le cap des difficultés de démarrage après trois ou quatre ans. Le franchiseur doit être présent lors du lancement et dans la phase de création de l’entreprise franchisée, mais dès que celle-ci est sur de bons rails, dès que la stabilité est atteinte, ce n’est pas forcément bon qu’il reste associé. Sa participation doit rester un gage de sécurité, c’est tout.

      Donc, a fortiori, le franchiseur ne devrait pas rester au-delà du remboursement du crédit et encore moins au-delà du contrat de franchise ?

      Non, en effet. Au-delà du contrat, nous ne serions plus sur le modèle de la franchise ! Le franchisé est un entrepreneur indépendant, il doit pouvoir le rester. Il n’y a pas de logique à ce que le franchiseur reste au capital au-delà du contrat.  

      Certains experts et franchiseurs estiment que la franchise participative risque de démotiver le franchisé, qui aura tendance à se comporter davantage en assisté qu’en chef d’entreprise. N’est-ce pas un risque dont le banquier doit tenir compte ?

      Cela va dépendre du niveau de participation du franchiseur. S’il est trop important, s’il joue un rôle trop grand dans la gestion de la structure, le franchisé peut en effet être amené à se reposer sur les compétences du franchiseur et attendre de lui qu’il vienne régulièrement réparer ses erreurs. Il faut donc être vigilant.

      A 5 ou 10 %, le franchisé peut très bien réaliser qu’il ne dépend pas du franchiseur au jour le jour et doit conduire son affaire par lui-même. Évidemment, à 49 ou 50 %, cela serait différent. En franchise participative comme en franchise classique, c’est le franchisé qui est responsable, c’est lui qui doit rembourser le prêt de la banque. C’est lui qui travaille pour cela !

      «  Il ne faut pas que le franchiseur puisse prendre le contrôle de la société franchisée »

      Fotolia_61530204_M© ty – FotoliaAvant de donner leur feu vert au financement d’un projet de franchise participative, vos conseillers bancaires examinent les statuts de la société franchisée : que doivent-ils selon vous y vérifier ?

      Ils doivent vérifier la clarté de la clause qui lie les associés. Il faut qu’elle soit compréhensible et qu’il n’y ait rien de caché.

      Parmi les points importants bien sûr, les règles de majorité. Il ne faut pas que le franchiseur puisse prendre le contrôle de la société s’il vient par exemple à juger que le franchisé n’est pas à la hauteur.

      Un autre document est également sensible, c’est l’annexe au contrat de franchise. Le franchisé doit bien être indépendant du franchiseur et ne pas se contenter d’exécuter ses directives.

      Même question quant au pacte d’associés : que regardez-vous surtout :  les conditions de sortie pour le franchisé ?

      Oui, bien sûr. Nous regardons également si la structure du franchiseur est solide. Il est vrai que le plus souvent, il prend une participation via une filiale dédiée qui ne garantit pas pour autant la bonne marche de la maison mère. Mais c’est quand même une vérification qu’il faut faire.

      Et puis surtout, nous veillons à ce que la rédaction du contrat de société permette au franchisé de bien rester indépendant. Il faut qu’il puisse sortir après la fin du remboursement de son crédit bancaire, il ne faut pas que des clauses spécifiques lui rendent difficile le rachat des parts de son franchiseur. Il faut éviter tout blocage compliqué.

      Préférez-vous que ces documents soient rédigés par un expert-comptable ou un avocat ?

      Il vaut mieux en effet qu’ils soient rédigés par un spécialiste de la franchise. Mais ce qui est souhaitable surtout, c’est que le franchisé se soit fait conseiller par son propre expert-comptable ou par son propre avocat, et que les textes signés n’aient pas été mis au point à 100 % par le franchiseur et ses experts.

      « Le franchiseur doit faciliter la reprise de ses parts par le franchisé »

      A quoi selon vous le franchiseur qui a recours à cette stratégie de franchise participative doit-il faire attention ?

      Sa participation au capital ne doit pas être trop importante. Il est là pour montrer qu’il croit en la personne du franchisé, pour l’accompagner. Il doit faciliter la reprise de ses parts par le franchisé, afin de faire en sorte que celui-ci devienne totalement indépendant de lui le plus vite possible.

      Même question pour le candidat à la franchise : à quoi doit-il faire attention ?

      -Il doit veiller à ce que la formule qu’on lui propose soit destinée à favoriser le développement de son entreprise et pas de celle du franchiseur. Le but de la franchise pour un franchisé, c’est de pouvoir créer son affaire et s’épanouir dans son entrepreneuriat. Il ne doit pas le perdre de vue.

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