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      Supermarché en franchise : 100 000 € pour passer à la concurrence - Brève du 27 mai 2019

      Un franchisé exploitant un supermarché résilie son contrat avant son terme et passe à la concurrence. La cour d’appel de Paris le condamne pour résiliation fautive mais limite la sanction à 100 000 €, au lieu des 850 000 réclamés par le franchiseur.

      abstract blur in supermarketLa cour d’appel de Paris a tranché, le 15 mai 2019, un litige entre un franchiseur de la grande distribution et un de ses franchisés passé à la concurrence.

      Dans ce conflit, le franchisé détient deux sociétés : une SCI, propriétaire d’un local commercial et une SARL qui en est locataire. En septembre 2012, la SARL signe, avec l’une des enseignes d’un grand groupe de distribution alimentaire, un contrat de franchise de 10 ans. Mais après 3 ans, le franchisé vend son local (via sa SCI) à la filiale d’un autre grand groupe, directement concurrent du premier. Et lorsqu’il demande (via sa SARL) au nouveau propriétaire le renouvellement de son bail arrivé à échéance, celui-ci, logiquement lui refuse (il ne va pas louer ce qui est devenu son local à l’exploitant d’une enseigne concurrente !)

      S’appuyant sur cet état de fait, le franchisé informe en février 2016 son franchiseur que, privé de bail, il ne peut pas poursuivre le contrat de franchise et cesse toute activité sur ce point de vente. Le franchiseur demande alors à son ex-franchisé des compensations financières comme le prévoit le contrat en cas de résiliation anticipée non justifiée. Le franchisé refuse, estimant que ses deux contrats (de bail et de franchise) sont indissociables, que la fin du premier entraîne automatiquement celle du second et qu’il n’est donc pas responsable de la rupture.

      Un contrat « rompu volontairement » pour sortir « sans frais » du réseau

      Saisie, la cour d’appel de Paris condamne le franchisé pour résiliation fautive. Les magistrats constatent, d’abord, qu’« aucune stipulation contractuelle ne lie expressément les deux contrats ». Ils notent par ailleurs que « l’exécution du contrat de franchise était possible dans un autre local, comme (celle) du bail l’était sans l’existence (de cette) franchise ». De plus, « les deux contrats n’ont pas été conclus entre les mêmes (sociétés…) et l’ont été à des dates différentes pour des durées distinctes. ». La cour fait donc sienne le jugement de première instance selon lequel « le contrat de franchise a bien été rompu volontairement et unilatéralement par (la SARL du franchisé) aux fins de se libérer sans frais d’un accord qui ne lui convenait plus. »

      La cour en déduit que le franchisé doit s’acquitter, conformément à ce qui était prévu au contrat, d’une pénalité pour résiliation anticipée (puisqu’il « ne justifie pas de circonstance de force majeure »). Il devra également régler les redevances dues jusqu’à la fin du contrat et rembourser le « budget d’enseigne » (somme consacrée par le franchiseur pour aider à la mise en place du concept) « au prorata temporis de la durée d‘exécution du contrat ». Ni l’une ni l’autre de ces deux dispositions contractuelles ne créant, selon la cour, de « déséquilibre significatif » entre les parties.

      Une sanction financière limitée par la cour d’appel

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 4) limite toutefois fortement les sommes d’argent dues par le franchisé.

      Pour l’indemnité de résiliation, si elle reconnaît au franchiseur un « manque à gagner subi », elle l’évalue à 20 000 € (et non 70 000 comme en première instance) au lieu des… 627 358 € qu’il réclamait. Un montant correspondant selon l’enseigne à la part de marge brute perdue (calculée sur le montant moyen des commandes passées depuis le début du contrat). Cette somme est apparue « sans justification » à la cour.

      Concernant les redevances dues, la cour les limite de même, mais sans s’en expliquer, à 20 000 € au lieu des 141 616,80 € calculés par le franchiseur.

      En revanche, pour le « budget d’enseigne », elle accorde au franchiseur le remboursement de 70 % des 95 000 € alloués au point de vente franchisé, ce qui est prévu, en application du contrat, lorsque la rupture intervient avant l’expiration de la quatrième année. Soit, en l’occurrence, un montant de 66 500 €.

      Pas de déloyauté du franchisé, estime la cour

      Le franchiseur réclamait par ailleurs 50 000 € de dommages et intérêts pour sanctionner la déloyauté de son ex-franchisé. Contrairement au tribunal de commerce qui lui avait accordé 10 000 €, la cour d’appel les lui refuse. Notamment parce que le franchisé « n’a pas conclu de contrat de franchise avec un concurrent pendant l‘exécution de son contrat » (mais dix jours après sa résiliation), respectant ainsi « formellement » ses engagements contractuels.

      Au total, le franchisé se voit donc condamné à 106 500 € de remboursement et pénalité pour avoir changé d’enseigne et être passé à la concurrence en cours de contrat.

      L’affaire peut, bien sûr, aller en cassation. Il sera intéressant alors de voir si la plus haute juridiction française confirme ou non cette décision de la cour d’appel de Paris.

      Référence de la décision : CA Paris 15 mai 2019, n° 17/20051