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      La résiliation anticipée d’un contrat de microfranchise approuvée par la cour d’appel de Paris - Brève du 27 juin 2023

      Brève
      27 juin 2023

      Un couple ayant signé un contrat de microfranchise de sept ans le résilie en cours de route, invoquant plusieurs manquements graves du franchiseur. La cour d’appel de Paris donne raison aux franchisés.

      Juridique-2La microfranchise est souvent présentée comme une formule un peu idéale alliant les avantages de la franchise classique – notoriété, savoir-faire et assistance – à un droit d’entrée généralement inférieur à 10 000 € et à des charges de responsabilité plus légères pour le franchisé.

      Dans la réalité, le tableau est parfois moins idyllique, comme dans le litige jugé le 10 mai 2023 par la cour d’appel de Paris.

      Dans cette affaire, les engagements sont pris en septembre 2013. Pour un droit d’entrée de 4 000 €, deux franchisés créent leur société et signent ensemble un contrat de microfranchise de sept ans avec une enseigne. Moyennant une redevance d’exploitation de 6 % du chiffre d’affaires hors taxe et une redevance de publicité de 2 %.

      En même temps, ils signent avec une filiale à 100 % du franchiseur une convention de sous-traitance lui confiant l’exécution des prestations qu’ils vont commercialiser et un mandat de gestion. Par ce mandat, les franchisés délèguent à la filiale du franchiseur la gestion de la relation financière avec les clients finaux ainsi qu’avec la tête de réseau.

      Les rôles sont clairement répartis : les franchisés sont en charge de la promotion et de la commercialisation des prestations assurées par la filiale de l’enseigne. Laquelle encaisse le produit de la vente, verse les redevances au franchiseur et la marge qui lui revient au franchisé.

      Chaque partie estime que le contrat de microfranchise doit être résilié aux torts de l’autre

      En juin 2018, alléguant des manquements graves du franchiseur et de sa filiale, la société franchisée prononce la résiliation des contrats conclus en septembre 2013.

      En retour, le franchiseur conteste ces accusations et affirme au contraire que la résiliation doit intervenir aux torts exclusifs du franchisé à qui il reproche le non-respect de plusieurs engagements contractuels liés au fonctionnement du réseau.

      Après avoir échoué à régler le conflit à l’amiable, le franchiseur saisit la justice et réclame un peu plus de 300 000 € d’indemnisation en application des dispositions prévues au contrat en cas de rupture anticipée non justifiée.

      De même, la filiale du franchiseur réclame plus de 50 000 € de manque à gagner, causé selon elle par la résiliation du contrat de sous-traitance.

      Déboutées par le tribunal de commerce de Paris en janvier 2021, les deux sociétés du franchiseur font appel.

      Pour la cour d’appel de Paris, la résiliation du contrat par le franchisé est justifiée

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Paris confirme sur ces questions le jugement de première instance.

      La cour relève d’abord, au vu des pièces fournies aux débats, qu’un nombre important de clients se plaignent » de multiples problèmes concernant les prestations livrées par l’enseigne. Par ailleurs, la société franchisée a dû, à plusieurs reprises, relancer la filiale du franchiseur pour le paiement de ses marges.

      Les magistrats notent aussi que « le tribunal a, dans la décision attaquée, décrit de façon détaillée les témoignages nombreux et concordants de personnes tierces à la relation contractuelle entre les parties qu’il considère comme suffisants pour établir la réalité des manquements justifiant les résiliations aux torts (du franchiseur et de sa filiale). »  Or, ils soulignent que ces éléments ne sont pas contestés par la défense du franchiseur.

      La cour retient encore que les franchisés « démontrent des manquements, précis, graves, et préjudiciables » de la filiale du franchiseur « dans l’exécution de ses obligations contractuelles (…) »

      Quant aux accusations du franchiseur sur les fautes supposées des franchisés en termes de reporting d’activité, d’absence aux sessions de formation et aux réunions de groupe, de refus de recevoir les équipes d’animateurs, elles ne sont, aux yeux de la cour, étayées par aucune pièce.

      Pour les magistrats de Paris, « dès lors que le contrat de franchise imposait au franchisé de sous-traiter l’intégralité (de la réalisation des prestations) à la société désignée par le franchiseur et que (celle-ci) s’est montrée défaillante, la résiliation du contrat de sous-traitance aux torts de cette dernière ne permettait plus le maintien du contrat de franchise. »

      Résultat : « En l’absence de désignation par le franchiseur d’un autre sous-traitant et en l’absence de faute imputable au franchisé, la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur est justifiée ».

      Jugée excessive, la clause de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelle est annulée

      La cour confirme également le jugement de première instance en ce qu’il a annulé la clause de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelle de ce contrat de microfranchise.

      Le contrat interdisait aux franchisés de s’affilier à un réseau concurrent pendant un an sur l’ensemble de la France métropolitaine. Il leur interdisait également sur le même territoire mais cette fois pendant deux ans de créer un réseau concurrent. Enfin, il interdisait aux franchisés pendant un an, sur le territoire qui leur avait été concédé, de poursuivre en solo la même activité que la filiale du franchiseur.

      Certes, la cour reconnaît que la loi Macron de 2016 ne s’applique pas dans ce litige puisque le contrat de microfranchise a été signé avant son entrée en vigueur. Cependant elle affirme une fois de plus que, si ces clauses sont dans une certaine mesure, « inhérentes à la franchise », elles doivent « rester proportionnées aux objectifs qu’elles poursuivent ».

      Or, précisément, la cour juge la clause de ce contrat « disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes du franchiseur » et portant « une restriction excessive à la liberté d’exercice de la profession (des franchisés) ». Aussi bien pour des questions de taille de territoire, de durée et même d’objet (interdiction totale de l’activité).

      Au final, les sociétés du franchiseur sont condamnées solidairement à verser à la société franchisée un peu plus de 68 000 € de marges dues. Plus 5 000 € à la société franchisée et à chacun des deux franchisés « au titre de l’abus (de la part du franchiseur) du droit d’ester en justice ».

      Enfin, elles sont condamnées à verser 20 000 € à chacun des deux franchisés « au titre du préjudice moral subi » (atteinte portée à leur réputation). Un montant certes trois fois moins important qu’espéré mais deux fois plus élevé qu’en première instance.

      >Référence de la décision :

      Cour d’appel de Paris, Pôle 5 chambre 4, 10 mai 2023, n° 21/01738

      >A lire aussi sur le sujet :

      L’analyse de Maître Marie-Pierre Bonnet-Desplan, avocat à la cour, dans la Lettre de la Distribution de juin 2023