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      L’étude de marché local délivrée par un franchiseur peut dépasser la zone d’exclusivité accordée - Brève du 24 novembre 2023

      Brève
      24 novembre 2023

      Un franchiseur remet à un futur franchisé une étude de marché local portant sur une zone de chalandise plus vaste que son territoire d’exclusivité. Puis il ouvre un nouveau point de vente dans cette zone. Estimant avoir été trompé, le franchisé attaque en justice… Et perd.

      Franchise-strategie-implantationLa cour d’appel de Versailles a débouté par un arrêt du 12 octobre 2023 un franchisé qui s’estimait trompé par son franchiseur.

      Dans ce litige où s’affrontent les notions de zone d’exclusivité et de zone de chalandise, le contrat de franchise est signé pour 9 ans en juin 2018.

      Le franchisé connaît bien le réseau pour y animer déjà deux points de vente depuis 2016 dans la même région. Il en est donc à sa troisième ouverture, effectuée cette fois par la reprise d’une société existante.

      Le franchisé estime avoir été trompé par l’étude marketing du franchiseur…

      Tout se passe bien sauf qu’en 2019, un nouveau centre à l’enseigne ouvre dans une ville proche de celle où est implanté son magasin.

      Résultat, selon le franchisé, dès juillet 2019, son chiffre d’affaires est en baisse importante et il n’atteint plus le niveau prévu par l’étude marketing remise par son franchiseur.

      Et pour cause, puisque l’étude en question portait sur une zone de chalandise englobant entre autres la commune où vient d’ouvrir le nouveau point de vente.

      Cette même zone étendue sur laquelle – de fait – le franchisé dont il a racheté l’entreprise réalisait le chiffre d’affaires qui a servi de référence à l’étude du franchiseur.

      Le franchisé constate d’ailleurs qu’il faut cumuler les CA des deux points de vente – le sien et celui de son nouveau confrère et néanmoins concurrent – pour atteindre le niveau indiqué par l’étude.

      …car elle portait sur une zone de chalandise plus large que sa zone d’exclusivité

      Il est vrai que la zone d’exclusivité accordée dans le contrat de 2018 n’englobait pas la ville où s’est ouvert le nouveau centre en 2019.

      Mais le franchisé estime qu’en lui transmettant une étude portant sur un territoire plus large que son territoire d’exclusivité, le franchiseur l’a trompé sur le potentiel réel de son projet.

      Il l’assigne en justice pour manœuvre déloyale et réclame des dommages et intérêts en réparation de la marge brute perdue. Débouté par le tribunal de commerce de Nanterre, il fait appel.

      Pour la cour d’appel, il n’y a pas de faute du franchiseur

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Versailles confirme le jugement de première instance. Pour les magistrats, la zone d’exclusivité territoriale accordée par le contrat au plaignant a été respectée. Puisque l’implantation nouvelle est intervenue à l’extérieur de ce territoire protégé.

      Par ailleurs, « l’étude de potentiel d’une implantation existante » remise par le franchiseur concerne en effet un périmètre qui englobe de nombreuses communes dont celle du franchisé plaignant et celle de son nouveau challenger.

      Mais précisément, relèvent les juges de Versailles, « aucune indication, information, graphique ou carte ne peut conduire le lecteur de l’étude à considérer que le chiffre d’affaires potentiel estimé en conclusion ne concerne que la commune d’implantation (du plaignant) ».

      Pour la cour, « le franchisé n’a (donc pas) pu se méprendre » sur le fait que le CA prévu concernait « la zone étendue et non (sa) seule commune ».

      Pour les juges, le marché au sens du code de commerce ne se réduit pas à la zone d’exclusivité du franchisé

      Par ailleurs, le franchisé savait que le franchiseur procédait généralement ainsi. Il avait pu le constater lors de la signature de ses deux premiers contrats.

      En outre, en rachetant la société de son prédécesseur, le franchisé avait pu se rendre compte que l’exclusivité prévue par le contrat de celui-ci ne portait pas sur la totalité de la « zone étendue » objet de l’étude marketing du franchiseur.

      Les magistrats estiment encore que le marché « au sens de l’article R 330-1 du code de commerce »* couvrait bien dans ce litige cette « zone étendue ».

      Par conséquent, « en remettant (au franchisé) une étude d’implantation locale plus large » que la seule zone d’exclusivité territoriale qu’il lui avait accordée, le franchiseur « n’a pas manqué à son obligation d’information loyale ni contrevenu aux dispositions » légales.

      …et « rien ne prouve » que le franchiseur « aurait laissé espérer » au franchisé qu’il disposerait de toute la zone examinée dans l’étude…

      Enfin, contrairement à ce qu’a affirmé le franchisé, « il ne résulte pas de l’examen du DIP ou de l’étude marketing » que le franchiseur lui « aurait laissé espérer », disposer de la zone de chalandise évaluée dans l’étude.

      Conclusion de la cour : « Le franchisé (ne démontre pas) que le franchiseur a manqué à son obligation de loyauté ou à son obligation d’assistance ou encore à son devoir d’information et de conseil ».

      Le jugement de première instance est confirmé. Le franchisé est débouté de ses demandes.

      *L’article R 330-1 du code de commerce dispose que, 20 jours au moins avant la signature du contrat, le franchiseur doit transmettre à son futur partenaire un document d’information précontractuel (DIP) contenant entre autres « une présentation de l’état général et local du marché des produits ou services devant faire l’objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché ».

      >Références de la décision :

      -Cour d’appel de Versailles, 12 octobre 2023, n° 22/02344

      -A Lire aussi sur le sujet :

      -L’article de Nicolas Eréséo, Maître de conférences à l’université de Strasbourg paru dans la Lettre de la Distribution de novembre 2023 sous le titre « Le franchiseur ne manque pas à ses obligations en installant un nouveau point de vente dans la zone de chalandise du franchisé »