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      Maître Florian de Saint-Pol, Cordouan Avocats - Interview du 28 mars 2023

      En cas de redressement ou liquidation judiciaire concernant la société du franchiseur, les franchisés peuvent faire une offre de rachat, même partielle.

      Maître Florian de Saint-Pol, Cordouan AvocatsQuand l’entreprise du franchiseur est placée en redressement judiciaire, que se passe-t-il pour le franchisé ? Est-ce que son contrat de franchise continue ?

      Lorsque la société du franchiseur est placée en redressement judiciaire, c’est l’administrateur ou le mandataire judiciaire qui prend la main. Il peut décider de résilier les contrats ou de les poursuivre. Selon la règle, pour être poursuivis, les contrats doivent être nécessaires à l’activité de la société en difficulté. Si, comme c’est le plus souvent le cas, la société du franchiseur a pour seule activité de gérer des contrats de franchise, il est évident que ceux-ci seront maintenus. A condition toutefois que la direction du réseau soit en mesure de servir les prestations prévues au contrat. Car s’il est poursuivi, un contrat doit l’être à l’identique. Le dirigeant du réseau y est contraint et c’est ce qui se passe en pratique la plupart du temps.

      Le franchisé doit-il alors rester dans le réseau en attendant que la société du franchiseur se redresse ou qu’elle soit rachetée ou bien peut-il sortir, continuer sous sa propre enseigne, en rejoindre une autre ou encore vendre son affaire ?

      Non. Le franchisé ne peut pas partir. Le tribunal a le pouvoir d’ordonner la poursuite du contrat. Cela a été jugé des dizaines de fois. Bien sûr, on peut comprendre le franchisé qui fait face à des services dégradés et qui peut avoir envie de tenter sa chance ailleurs, mais tant qu’il n’y a pas de mauvaise exécution du contrat, il ne peut pas invoquer le redressement judiciaire du franchiseur pour sortir du réseau. La décision du tribunal s’impose d’ailleurs aux deux parties. Vous pouvez trouver dans certains contrats des clauses indiquant que, en cas de procédure collective, le franchiseur se réserve le droit de résilier le contrat : cela n’a aucune valeur.

      Si un « plan de redressement » se met en place, le franchiseur va être amené peut-être à vendre des succursales et/ou à réduire ses effectifs, en tout cas à diminuer la puissance du réseau, l’animation, etc. Donc à ne plus forcément respecter ses obligations contractuelles. Le franchisé n’est-il pas alors en situation de pouvoir partir ?

      Un franchiseur en redressement judiciaire peut être amené en effet dans le cadre d’un plan de redressement à réduire la voilure, par exemple le nombre d’animateurs. Mais là encore, on reste dans le droit commun : si le franchiseur exécute quand même le contrat correctement, il n’y a rien à faire. Dans le cas contraire, le franchisé peut faire valoir son droit à sa résiliation. Il faut toutefois que les manquements du franchiseur dans l’exécution soient suffisamment graves pour justifier cette décision. Comme en temps normal. Ni plus, ni moins.

      La franchise est la réitération d’une réussite : si la réussite n’est plus au rendez-vous du franchiseur y a-t-il encore franchise ? Le franchisé n’est-il pas en droit d’invoquer les difficultés de la société franchiseur pour quitter le réseau ?

      Non. Il y a deux problèmes différents. Les difficultés financières d’une société franchiseur dont la seule activité consiste à porter les contrats de franchise n’impliquent pas la non-viabilité du concept pour les franchisés. La justice ne demande pas forcément au franchiseur de réussir, mais de permettre la réussite de ses franchisés. J’ai en exemple une décision récente dans un litige où le franchiseur n’avait pas de pilote. Les juges ont estimé qu’il n’y avait pas de problème puisque la viabilité du concept était démontrée par la bonne santé des unités franchisées

      Rupture contrat de franchiseDans certains cas récents, on a assisté à la mise en redressement judiciaire de réseaux anciens qui ont changé de mains déjà plusieurs fois et connaissent des difficultés depuis des années. Ces concepts semblent désormais sans avenir, les marques sont abîmées. Seuls les emplacements des magasins peuvent encore éventuellement intéresser un repreneur. Les franchisés ne sont-ils pas en droit de reprendre leur liberté ?

      Vous soulevez là un vrai problème. Nous sommes là dans le cadre d’un « plan de cession ». Et sur ce point, la jurisprudence est très fluctuante. Il y a des décisions très contradictoires là-dessus. Les tribunaux sont en droit d’imposer la poursuite des contrats. Le franchisé peut se voir imposer un nouveau franchiseur à partir du moment où les contrats de franchise sont nécessaires à la poursuite de l’activité de la société franchiseur. Cela c’est la théorie. Dans la pratique, cette option est rare. Il y a certes des tribunaux qui imposent la poursuite des contrats. C’est la décision qui est conforme aux dispositions du Code de commerce. Mais il y en a d’autres qui permettent aux franchisés de résilier. D’autres encore qui laissent le choix aux franchisés. Il y a un peu de tout. En tout cas, il faut que le contrat soit poursuivi aux mêmes conditions. C’est cela la règle. Si le repreneur supprime des services, s’il change la marque, la résiliation est possible.

      En cas de procédure collective du franchiseur, si le franchisé sort du réseau, doit-il respecter la clause de non-concurrence ou de non-affiliation post-contractuelle ?

      De fait, oui. Maintenant, qui viendra lui reprocher de poursuivre l’activité alors même que le franchiseur, lui, a déposé le bilan ? On peut comprendre que le franchisé veuille s’en aller. Dans ce cas de figure, les juges se montrent parfois plus libéraux avec les franchisés.

      Si le repreneur veut modifier le contrat, est-il obligé d’obtenir l’accord de chaque franchisé ?

      Oui. S’il a précisé qu’il reprenait les contrats, il doit les reprendre à l’identique. S’il veut les changer, il doit obtenir l’accord de chaque franchisé.

      Si la société du franchiseur est rachetée par un repreneur qui veut ajouter cette enseigne à la sienne ou aux siennes, le franchisé est-il obligé de le suivre, même si ce repreneur ne lui convient pas ?

      Il peut sortir, mais à ses risques et périls.

      Dans le cas où le repreneur est un franchiseur concurrent et déclare d’emblée qu’il ne conservera pas l’enseigne rachetée mais qu’il faudra adopter la sienne, est-il possible au franchisé de dire non ?

      Le franchisé peut parfaitement refuser de suivre. Lorsque le groupe Carrefour a racheté l’enseigne Champion, les tribunaux ont précisé que le groupe devait garder la marque et poursuivre jusqu’à leur terme en les respectant scrupuleusement les contrats des franchisés Champion qui ne voulaient pas passer sous enseigne Carrefour. Dans ce cas, les repreneurs usent souvent de la carotte et du bâton pour rallier les franchisés « rachetés ». De leur côté, les franchisés comprennent vite que leur réseau va être abandonné et qu’ils ont intérêt à se rallier. A condition toutefois de négocier les conditions de dépose de leur enseigne, c’est-à-dire en cherchant à obtenir de la part de leur nouveau franchiseur qu’il prenne en charge au minimum une partie des frais (d’agencement et autres) nécessités par le changement d’enseigne.

      Franchise JuridiqueSi la procédure de redressement judiciaire débouche sur une liquidation judiciaire de la société franchiseur, il n’y a donc plus de contrat, plus d’activité : le point de vente doit-il pour autant fermer ? Ou bien le franchisé peut-il rejoindre une enseigne concurrente ? Continuer seul ? Tenter de vendre son droit au bail ?

      Si la liquidation judiciaire est prononcée, c’est terminé : les contrats sont résiliés de fait. Le franchisé peut faire ce qu’il veut, à partir du moment où il tombe l’enseigne. Car il n’a plus le droit de l’utiliser. Techniquement, le franchiseur est en droit de faire jouer sa clause de non-concurrence après le contrat mais il serait mal venu de le faire, ce serait loufoque ! Dans la pratique, cela n’arrive pas.

      Si la société du franchiseur est placée en liquidation judiciaire, l’enseigne peut-elle encore être rachetée et éventuellement relancée ? Par les franchisés par exemple ?

      Dès lors qu’il y a procédure collective, tout le monde peut présenter une offre de rachat, y compris quand la société du franchiseur fait simplement l’objet d’une procédure de sauvegarde. C’est vrai aussi bien sûr quand elle est placée en redressement ou en liquidation judiciaire.

      Et c’est ce que peuvent faire les franchisés en se groupant, d’autant qu’ils connaissent déjà le savoir-faire… On a vu des salariés reprendre collectivement leur entreprise en difficulté. La même procédure peut avoir lieu avec des franchisés qui rachètent leur réseau. Je n’ai pas d’exemple récent à citer, mais cela s’est déjà vu. Il est même possible de présenter une offre de rachat partiel concernant par exemple la marque ou des éléments du savoir-faire.

      Pour que la proposition soit acceptée par le tribunal, il faut d’abord qu’elle apparaisse comme devant sauver des emplois, puis protéger les créanciers c’est-à-dire les salariés, l’URSSAF, les banques, les bailleurs, tous ceux envers qui l’entreprise a des dettes.

      Ce n’est pas une mauvaise idée de racheter ainsi la marque à la barre du tribunal – il suffit parfois d’un euro symbolique -, car cela permet aux franchisés de continuer leur activité en n’étant pas obligés de déposer l’enseigne. Sauf évidemment si son image est trop dégradée, cela peut leur être utile !

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