Fermer
Secteurs / Activités

      Franchisée ou gérante de succursale, où passe la limite ? - Brève du 9 mars 2021

      Une ex-franchisée estimait qu’elle était en fait une salariée du franchiseur, son indépendance étant trop limitée. Elle réclamait la requalification de son contrat de franchise en contrat de travail. La cour d’appel d’Aix-en-Provence ne la suit pas.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel d’Aix-en-Provence vient de trancher un litige entre un franchiseur et une ex-franchisée qui estimait son indépendance trop limitée.

      Dans ce conflit, le contrat est signé en mars 2010, mais un an plus tard, la franchisée écrit à son franchiseur dans des termes que celui-ci juge « désobligeants ». Les relations se détériorent, la justice est saisie et en mars 2012, le tribunal de commerce résilie le contrat aux torts exclusifs de la franchisée pour « inexécution de ses obligations contractuelles », la condamnant à régler environ 20 000 € d’impayés.

      Estimant qu’elle n’était pas vraiment franchisée mais en fait employée du franchiseur et victime d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle saisit le tribunal des Prud’hommes qui la déboute en 2014.

      Devant la cour d’appel, elle réclame à nouveau que les magistrats lui reconnaissent le statut de gérante de succursale et lui accordent en conséquence rappels de salaires et de congés pour plus de 40 000 € ainsi que 30 000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

      La franchisée estime avoir été, en fait, gérante de succursale

      La franchisée fait valoir que l’activité essentielle de son entreprise (80 % de son chiffre d’affaires) était la vente de marchandises fournies exclusivement par son franchiseur.

      Elle ajoute que celui-ci lui a vendu un fonds de commerce et qu’elle n’a donc eu aucune liberté quant au choix de son local, dans lequel elle devait en outre se conformer à une demande d’agrément très strict concernant le matériel et le mobilier.

      Elle était tenue également d’arborer l’enseigne fournie, de suivre la formation, l’adaptation à la vente et d’avoir recours à une assistance informatique obligatoire via un logiciel choisi par le franchiseur.

      Le contrat prévoyait par ailleurs un contrôle de conformité, le respect des normes du concept et de la zone d’exclusivité accordée, une obligation de non-concurrence et de confidentialité, le respect de la marque et de l’image du réseau, ainsi qu’une obligation d’approvisionnement minimum.

      Enfin, les conditions de prix étaient selon elle imposées. Pour l’ex-franchisée, c’est évident, elle était en fait salariée du franchiseur.

      Contrat de franchise ou contrat de travail, comment s’y retrouver ?

      Les magistrats d’Aix-en-Provence ne partagent pas cette analyse. Ils rappellent que, pour cela, il faudrait remplir les conditions de l’article 7321-2,2e du code du travail ce qui, selon eux, n’est pas le cas ici.

      L’article du code précise notamment qu’est gérant de succursale « toute personne (…) dont la profession consiste essentiellement (…) à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise (…) »

      La franchisée s’est, bien sûr, référée à ce texte, mais selon la cour toutes les conditions ne sont pas réellement réunies pour requalifier le contrat de franchise en contrat de travail.

      Selon les juges, le contrat de la franchisée la laissait suffisamment libre

      Les juges reconnaissent que l’activité de la franchisée se déroulait dans un local fourni par le franchiseur. Mais, concernant l’enseigne et la formation imposées, les normes et la zone d’exclusivité à respecter, les obligations de non-concurrence, de confidentialité et d’approvisionnement minimum, le respect de la marque et de l’image du réseau, ils expliquent que ces « obligations relèvent (précisément) d’un contrat de franchise. »

      Quant à la vente de marchandises, le contrat imposait à la franchisée de commercialiser les produits du franchiseur à hauteur de 80 %. Elle était donc libre, selon eux, pour les 20 % restants, d’en vendre d’autres, à l’exclusion des produits directement concurrents.

      Enfin, si les prix d’achats des produits par les franchisés étaient fixés par le franchiseur, les prix de vente n’étaient pas imposés, mais simplement conseillés, estime la cour au vu du document d’information précontractuelle versé aux débats…

      En outre, la franchisée était, relève l’arrêt, « libre de recruter son personnel, d’organiser le travail de celui-ci et de fixer les horaires d’ouverture et de fermeture de son magasin ».

      Pour les magistrats, elle n’avait pas le statut de gérante de succursale. Ils la déboutent donc de ses demandes.

      Référence de la décision :

      Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 22 janvier 2021, n°17/23103