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      Un contrat de franchise participative annulé - Brève du 15 mars 2023

      Brève
      15 mars 2023

      Le tribunal de commerce de Caen annule un contrat de franchise participative. Motif : le DIP ne comportait pas d’information concernant la minorité de blocage du franchiseur. Pour les juges, le franchisé a été volontairement trompé.

      Tribunal de commerceLa franchise participative est de nouveau sur la sellette. Cette formule, qui consiste pour le franchiseur à prendre une participation dans le capital de ses franchisés est utilisée parfois pour les empêcher de quitter le réseau. Ce qui génère des litiges comme celui venu récemment devant le tribunal de commerce de Caen.

      Dans cette affaire, le contrat de franchise est signé en 2014 pour 7 ans. La rentabilité est toutefois moins importante qu’espéré, au point que la société franchisée est placée en procédure de sauvegarde en 2020.

      Avec l’accord du juge-commissaire, le franchisé se rapproche alors d’une enseigne concurrente afin de tenter de redresser les comptes de sa société.

      Sans surprise, parvenu au terme de son contrat en 2021, il ne le renouvelle pas.

      Détenant 26 % du capital de la société franchisée, le franchiseur s’oppose à sa sortie du réseau

      Le franchiseur conteste toutes ces décisions et réclame à la justice leur annulation au nom de la violation des statuts de la société franchisée, au capital de laquelle il est présent à hauteur de 26 %.

      Ces statuts sont tels en effet qu’un changement d’enseigne ne peut être décidé qu’à une majorité des trois-quarts (75 %). Avec 74 % seulement, le franchisé ne peut pas l’imposer à son franchiseur.

      Pour les juges, la procédure de sauvegarde de la société franchisée était justifiée

      Dans son jugement du 25 janvier 2023, le tribunal de commerce commence par examiner les raisons des difficultés rencontrées par le franchisé pendant son exploitation.

      Les juges observent, « malgré un chiffre d’affaires respectable et régulier », une « rentabilité plus que médiocre, attestant (…) d’un problème structurel majeur (…). »

      S’appuyant sur les commentaires à leur avis « particulièrement éclairants » du mandataire et de l’administrateur judiciaire, ils retiennent que la gestion du franchisé « était correcte ». Et que seules « les obligations mises à sa charge » par le franchiseur (ses prix d’achat entre autres) étaient responsables des mauvais résultats de sa société.

      Ils en tirent l’affirmation selon laquelle la procédure de sauvegarde contestée par le franchiseur était bel et bien « justifiée ». Car le franchisé était « dans l’impossibilité manifeste de récolter les fruits de (son) travail et au pire de vivre de celui-ci ».

      Sans information sur la minorité de blocage du franchiseur, le DIP est défaillant selon le tribunal

      Le tribunal s’intéresse ensuite au contenu du DIP (Document d’information précontractuel) remis par le franchiseur avant la signature du contrat.

      Les juges reprochent au document transmis de n’avoir pas fait état de « l’obligation ultérieure de souscription à des statuts-type incluant un objet social exclusif » (c’est-à-dire l’adhésion à une seule enseigne). Ni d’avoir comporté la moindre indication sur « les limitations des pouvoirs du gérant ».

      Ils ajoutent que l’information, contenue dans le DIP, selon laquelle le franchisé avait la possibilité de dénoncer le contrat de franchise à sa première échéance de sept ans était en fait fausse. Puisque selon eux, « (cette) dénonciation était impossible à mettre en œuvre (…) du fait de la signature a posteriori des statuts-type ».

      Or, pour les juges, cette information sur les statuts de la société franchisée et la minorité de blocage du franchiseur était « d’une importance déterminante » pour le franchisé. « Car il est plus que probable qu’(il) n’aurait pas contracté (s’il) en avait eu connaissance (…) »

      Les juges invoquent « l’intention de tromper » du franchiseur et annulent le contrat

      Table ronde d'experts Franchiseurs : qui est le meilleur ? DIP

      Pour le tribunal, le franchiseur n’a donc pas respecté son obligation d’information précontractuelle.  Les juges vont même plus loin. Pour eux, « l’intention de tromper est amplement prouvée ».

      Conséquence : le consentement du franchisé a été vicié par dol. Le contrat de franchise est annulé.

      Les juges en déduisent qu’ils n’ont pas à se prononcer sur la « prétendue nullité de la dénonciation (du contrat) ». Pas plus que sur celle du changement d’enseigne.

      Le franchiseur est condamné à verser 50 000 € à son ex-franchisé pour cause de procédure abusive

      Le tribunal examine également la demande de dommages et intérêts du franchisé pour « procédure abusive » du franchiseur à son encontre.

      Les juges constatent que le franchiseur « a cru bon d’engager (…) une dizaine d’actions en justice dans la présente affaire. » Ils parlent même de « combat de tranchées » « destiné à créer un exemple ».

      Pour eux le franchiseur « ne se contente donc pas de faire respecter ses droits, mais démontre un acharnement fautif causant un préjudice notamment financier et particulièrement grave à son co-contractant, surtout eu égard à sa structure et à ses revenus modestes ».

      En conséquence, le tribunal accorde au franchisé l’intégralité des dommages et intérêts qu’il réclamait, à savoir 50 000 €. Il prononce également l’exécution provisoire du jugement.

      L’affaire est cependant loin d’être terminée. Il est en effet plus que probable que le franchiseur fasse appel. Comme il l’a fait dans plusieurs procédures de ce dossier pour lesquelles il a perdu en première instance.

      >Référence de la décision :

      -Tribunal de commerce de Caen, 3e chambre, jugement du 25 janvier 2023, n° 2021 002666

      >A lire aussi sur le sujet :

      -L’article de Nicolas Eréséo, Maître de conférences à l’université de Strasbourg dans la Lettre de la Distribution de Février 2023 pour qui, si la nullité du contrat est justifiée, l’enseigne est « étripée (dans ce jugement) avec des termes d’une sévérité sidérante ».