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      Litige à propos d’Internet : le franchisé est condamné - Brève du 13 avril 2022

      Brève
      13 avril 2022

      Un franchisé de la restauration ayant rompu son contrat pour plusieurs motifs reprochait entre autres à son ex-franchiseur de lui avoir imposé ses prix et promotions via le site Internet de l’enseigne. Son contrat est résilié à ses torts.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceL’arrêt rendu le 2 février 2022 par la cour d’appel de Paris dans un litige franchiseur/franchisé est intéressant à plusieurs titres. En particulier parce qu’il illustre bien les problèmes que peuvent rencontrer les acteurs de la franchise en matière d’utilisation d’Internet.

      Dans cette affaire, le contrat de franchise est conclu en février 2017 et le restaurant franchisé s’ouvre en mai. Évoquant divers manquements du franchiseur, compromettant selon lui la rentabilité de son établissement, le franchisé cesse de payer une partie de ses factures dès le mois de septembre.

      En juillet 2018, il résilie son contrat et assigne son partenaire en justice. En 2019, la société franchisée est placée en redressement puis en liquidation judiciaire. Le liquidateur poursuit la procédure.

      Devant la cour d’appel, le plaignant demande que le contrat soit résilié aux torts du franchiseur et que diverses sommes lui soient versées, notamment pour absence de liberté tarifaire, gains manqués, trop-perçu de redevances et remises de fin d’année non versées.

      Approuvant le tribunal de commerce de Paris qui s’était prononcé en février 2020, la cour rejette une à une ces demandes.

      Pour le franchisé, le franchiseur imposait ses prix et ses promotions via son site Internet. Pas pour les juges.

      Concernant la liberté tarifaire, le franchisé reprochait au franchiseur de fixer unilatéralement les prix de vente et les promotions des membres du réseau sur le site Internet dont il était le seul à avoir la maîtrise.

      Le franchisé explique qu’il n’a pas pu par exemple, dès les premières semaines d’exercice, fixer librement ses tarifs et se rendre maître de ses marges, notamment pendant une période cruciale de son activité liée à un important festival international organisé sur sa ville.

      Retenant que le franchisé « avait la possibilité de créer son propre site Internet » et qu’à partir de 2018, il « pouvait créer un « mini-site » sur celui de l’enseigne, la cour écarte les arguments du plaignant.

      Quant aux campagnes promotionnelles imposées, la cour note qu’en effet le franchisé s’en est plaint à plusieurs reprises et a réclamé le remboursement des promotions accordées sur sa région sans son autorisation. Mais parce « qu’aucun chiffrage précis » n’a été produit, les juges estiment qu’ils ne peuvent pas se prononcer quant au « caractère excessif » éventuel et à l’impact de ces rabais sur les marges du franchisé.

      Le franchisé demandait à ne pas payer de redevances sur les commissions versées à la société de livraison. La cour d’appel ne le suit pas.

      Pour rebondir, des franchises de restauration à table proposent la livraison.A propos des redevances d’enseigne, le franchisé réclamait qu’elles soient recalculées et ne s’appliquent qu’au chiffre d’affaires réellement réalisé. C’est-à-dire en déduisant les sommes correspondant aux remises, rabais et ristournes accordées aux consommateurs Et en retirant également de leur calcul les commissions payées aux prestataires de services assurant l’intermédiation via Internet et la livraison (type Deliveroo).

      Là encore, parce que la société franchisée « ne donne aucune précision sur le montant des chiffres d’affaires transmis (au franchiseur), et en particulier sur la déduction des remises, rabais et ristournes faits à la clientèle », la demande du plaignant est écartée. Puisque le contrat prévoyait seulement que la redevance à verser était de « 5 % du CA mensuel Hors Taxes » sans plus d’indications.

      Le contrat est résilié aux torts du franchisé

      Les réductions de redevances demandées par ailleurs parce que la société n’avait pas reçu « la moindre visite utile du franchiseur, ni de conseil pratique depuis l’ouverture » sont également refusées. Le franchiseur ayant pu prouver que des visites avaient eu lieu. Et le franchisé n’ayant pas, aux yeux des juges, apporté d’éléments « permettant de démontrer une défaillance dans l’assistance telle que prévue au contrat ».

      Quant aux autres demandes du liquidateur concernant les RFA (remises de fin d’année) non reversées, elles sont également refusées.

      En conclusion, la cour estime que le contrat n’a pas à être résilié aux torts du franchiseur. Il est, à l’inverse, résilié aux torts du franchisé.

      L’indemnité de résiliation de 170 000 € prévue au contrat est ramenée à 26 000 €

      En conséquence, la cour fixe au passif de la société franchisée une somme de 13 000 € au titre des redevances impayées. Elle ajoute 2 000 € d’indemnité (au lieu des 100 000 réclamés par l’enseigne) et 500 € de dommages et intérêts pour avoir conservé quelques semaines la marque et l’enseigne du franchiseur sur son point de vente après la rupture du contrat.

      Enfin, considérant que l’indemnité de résiliation prévue par le contrat de franchise (en l’occurrence plus de 170 000 € ) était « excessive », la cour la réduit à un peu moins de 26 000 €.

      A noter : le manque de transparence du franchiseur sur l’emploi des redevances publicitaires est sanctionné. Il est condamné à reverser à la société franchisée les 4 200 € qu’elle avait cotisés pour la publicité de l’enseigne.

      Références de la décision :

      Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, arrêt du 2 février 2022, n°20/04853

      A Lire aussi sur le sujet :

      L’article de Maître Stéphane Destours, avocat à la cour, dans la Lettre de la Distribution de Mars 2022