De quoi parle-t-on avec ces nouveaux univers ? Comment sont-ils structurés ? Sur quels moteurs de croissance s’appuient-ils ? Quel est leur potentiel ? Des spécialistes vous éclairent.
Porteur ? Assurément, le secteur du vrac entre dans cet univers envié de la distribution. La preuve par les chiffres : alors qu’il a vu ses ventes, en France, être multipliées par 10 entre 2015 et 2021, passant d’un chiffre d’affaires de 150 millions à 1,4 milliard d’euros, il devrait franchir, à horizon 2025, la barre des 3,2 milliards d’euros réalisés (magasins spécialisés et rayons vrac), selon Réseau Vrac, l’interprofession de la filière, qui regroupe près de 1 900 adhérents.
Vrac : les porteurs de projet se multiplient
Outre les produits en vrac proposés en grande distribution, l’offre en vrac est aujourd’hui répartie sur le territoire dans un réseau de plus de 900 points de vente, toujours selon l’association Réseau Vrac (ils étaient à peine une vingtaine en 2013 lorsque fut créée l’interprofession). Parmi les fleurons de ce commerce organisé, citons Day by Day (plus de 70 boutiques), Mademoiselle Vrac ou encore Mamie Mesure. Et autre preuve de leur succès : « Tous ces réseaux croulent sous les demandes d’adhésion », affirme Célia Rennesson, fondatrice et directrice générale de Réseau Vrac. Avant d’ajouter : « On estime à plus de 900 les porteurs de projet, en France, qui souhaitent se lancer dans le commerce spécialisé du vrac. »
Bannir la surconsommation et le gaspillage
Comment expliquer un tel succès ? « Une prise de conscience a émergé il y a une dizaine d’années visant, à la fois, à lutter contre le gaspillage alimentaire et à mieux recycler ses déchets, explique Célia Rennesson, soit deux thématiques fortes qui structurent le secteur du vrac ». Car, pour rappel, un produit décliné en vrac est un produit non préemballé et sans emballage jetable. Aussi, un troisième facteur de succès du vrac est communément avancé par les spécialistes du secteur : la possibilité offerte au consommateur d’acheter ce dont il a besoin, évitant ainsi toute surconsommation et gaspillage. Dans le détail, quels produits en vrac sont proposés aux consommateurs ? « L’offre ne cesse de s’enrichir », remarque la directrice générale de Réseau Vrac, allant des denrées alimentaires aux produits pour l’entretien de la maison, en passant par ceux nécessaires à l’hygiène, à la beauté corporelle et à la jardinerie. Reste que les aliments demeurent majoritaires dans l’assortiment : respectivement 63 %, 56 % et 37 % des acheteurs de produits en vrac, dans l’Hexagone, se sont portés vers les fruits oléagineux, les fruits secs et les légumineuses (données : décembre 2020, selon Nielsen, rapportées par Réseau Vrac).
La proximité : une terre de conquête
Outre la grande distribution où le vrac est promis à un bel avenir (la loi Climat et Résilience stipule qu’au 1er janvier 2030, les commerces d’au moins 400 m² devront consacrer au vrac et aux produits sans emballage au moins 20 % de leur surface de vente), le commerce spécialisé et de proximité reste, pour le vrac, une terre de conquête privilégiée. « Des 920 magasins spécialisés dans le vrac recensés à ce jour, 60 % d’entre eux sont implantés dans des villes de moins de 20 000 habitants », relève Célia Rennesson. Car la vocation du vrac est double : « être au plus proche des consommateurs et participer à la redynamisation des territoires », ajoute-t-elle. Avant de tabler : « Aucun doute qu’il y a la place, en France, pour développer plus de 8 000 points de vente spécialisés dans le vrac. »
CBD : des magasins toujours plus nombreux
Deuxième secteur porteur identifié dans le cadre de notre panorama : celui du CBD (abréviation de cannabidiol). De quoi parle-t-on ? D’une molécule faisant partie des cannabinoïdes présents dans le chanvre, également appelé cannabis. Cependant, et à l’inverse du THC (delta-9-tétrahydrocannabinol), le CBD n’a pas d’effet stupéfiant. Et cela ne vous aura pas échappé : fleurissent allégrement depuis plusieurs mois, dans le paysage commercial hexagonal, des magasins spécialisés dans ce nouvel ingrédient (la vente de produits contenant du CBD est autorisée sur le territoire depuis l’été 2021, à condition qu’ils contiennent moins de 0,2 % de THC). Et des réseaux développés en franchise, comme Le CBD Français, Le Chanvrier Français ou encore Green Care.
Un marché proche des 300 millions d’euros
Toutefois, « le marché reste encore très marginal, tempère Maître Martin Le Péchon, avocat (Cabinet Le Péchon) spécialisé en droit de la franchise, de la distribution et des réseaux commerciaux. Nous n’en sommes qu’à ses balbutiements. » Que pèse-t-il en France ? Un chiffre émane d’une étude du cabinet Grand Review Research, publié en novembre 2021 dans les colonnes de LSA : 300 millions d’euros, soit l’estimation des ventes réalisées sur le marché français en 2021 (notre pays compterait également 7 millions de consommateurs de CBD, soit 10 % de la population). Et preuve de son potentiel de business à l’échelle mondiale : estimée, en 2021, à 2,8 milliards d’euros, il affiche un taux de croissance annuelle de plus de 21 % jusqu’en 2028. « D’ici trois à quatre ans, le secteur du CBD devrait être mieux structuré en France, poursuit Martin Le Péchon. On ne recense, à l’heure actuelle, que 4 à 5 enseignes solidement ancrées sur le territoire. » Et ce dernier de relever trois facteurs-clés du succès du cannabidiol dans l’Hexagone : « Premièrement, le phénomène de nouveauté qui caractérise ce marché ; deuxièmement, le fait que l’on ait affaire à un produit non pas interdit mais quelque peu subversif, voire décadent, qui alimente un petit côté excitant ; troisièmement, parce que les produits qui le composent ont fait preuve de leur efficacité, notamment pour calmer certaines douleurs. »
Produits haut de gamme
Quelles familles de produits décline le CBD ? On en compte une multitude : vins, chocolats et chewing-gum au cannabidiol ont fait leur apparition dans les rayons des distributeurs et chez les pure players. Cependant, les références les plus répandues sont les résines de fleurs (à ingérer ou liposolubles), les huiles (de massage ou alimentaires), les cosmétiques (crèmes, savons, shampoings…), les e-liquides ou encore les boissons (dont la bière). « Ce sont généralement des produits haut de gamme, qui se vendent cher, constate Martin Le Péchon, car ils sont souvent fabriqués en France ou aux Etats-Unis ». L’Hexagone, avec 20 000 hectares, se place ainsi à la première place des producteurs européens de chanvre. « Est-ce que je conseillerais à un porteur de projet en franchise de se lancer dans le CBD ? Oui !, affirme l’avocat spécialiste de la distribution, car je reste convaincu du fort potentiel de développement de cette offre. Mais à condition de le faire avec une enseigne bien structurée, et bien au fait des produits et de leur légalité. » En effet, un arrêté publié le 31 décembre 2021 a renforcé le cadre réglementaire, interdisant à la vente la fleur de CBD, qui représenterait 50 % du chiffre d’affaires du secteur. Cette interdiction a toutefois été suspendue à titre provisoire par le Conseil d’État le 24 janvier 2022.
Dark kitchen : les concepts de franchise évoluent !
Troisième univers que nous avons identifié comme porteur pour les candidats à la franchise : les dark kitchen. Accessibles aux consommateurs uniquement en ligne via des plateformes de livraison de nourriture sur Internet (Uber Eats et Deliveroo se partageraient respectivement 2/3 et 1/3 du marché français), ces points de restauration (également appelés « cuisines fantômes ») voient, depuis quelques mois, leur concept évoluer. « Nous ne recevons toujours pas de clients dans nos espaces, cependant nous cherchons désormais des emplacements en ville où il y a du passage, indique Christophe Dalibert, directeur développement du réseau Dévor, l’un des mieux structurés du secteur, qui décline près d’une dizaine de marques. Avec l’objectif que le client puisse commander ses repas devant la cuisine, avec l’aide d’une tablette, comme nous venons de l’initier avec nos récentes ouvertures à Lille et au Havre. »
A quand une explosion du marché ?
Ce secteur des dark kitchen serait-il si florissant qu’on le dit ? « Pas pour le moment, tranche Bernard Boutboul, président du cabinet de conseil Gira, spécialisé dans les métiers de la restauration. Il faut attendre encore cinq à sept ans. A cette échéance-là, le marché de la livraison de repas à domicile auquel il appartient se sera démocratisé. Il aura même explosé ». Et ce dernier pèsera alors, selon les prévisions les plus optimistes, entre 30 et 45 % du marché de la restauration commerciale. Selon une étude du cabinet Gira, ce marché de la livraison a réalisé, en 2020, 8,9 % des 37 milliards d’euros ventilés par le secteur de la restauration commerciale.
Un consommateur jeune et urbain
Il n’empêche : encore inexistant il y a peu, l’univers des cuisines fantômes fait des émules, au point de recenser désormais en France « entre 300 et 400 unités plus ou moins sérieuses », énumère Bernard Boutboul. Quant à son chiffre d’affaires, « il se situerait en 2021, selon une étude de Businesscoot, aux alentours de 300 millions d’euros », indique Christophe Dalibert. Et au rang de ses plus fidèles aficionados, on trouve les jeunes générations, et celles surtout vivant dans les grandes agglomérations. Là où le prix de l’immobilier, élevé, ne permet pas de disposer d’un grand espace pour cuisiner. « Pour notre développement en franchise, nous ciblons les villes de plus de 100 000 habitants », complète le directeur développement de l’enseigne Dévor. En sachant que l’investissement de départ pour la rejoindre avoisine les 200 000 euros. « En 2021, nous avons ouvert 5 unités, reprend Christophe Dalibert, à Paris, Courbevoie, Le Havre, Lille et Bordeaux. Et pour 2022, nous tablons sur une vingtaine de nouvelles ouvertures. » Et dernière preuve que les dark kitchen aiguisent les appétits des porteurs de projet : Dévor enregistrerait, chaque semaine, une quinzaine de demande d’adhésion en franchise.