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      Stéphanie Pizzutti, expert-comptable Fiducial - Interview du 15 février 2024

      Interview
      15 février 2024

      En franchise, la plupart des locataires-gérants deviennent propriétaires d’un fonds de commerce en trois ou cinq ans.

      Stéphanie Pizzutti, expert-comptable, FiducialQuel est, pour un candidat à la franchise, l’intérêt de prendre une location-gérance ? Quels sont les avantages ?

      La location-gérance permet d’accéder au statut de commerçant indépendant avec un apport personnel limité, puisqu’on loue un fonds de commerce au lieu de l’acquérir.  Si l’on n’a pas les capitaux suffisants pour une création, c’est une possibilité intéressante.

      Cela permet aussi de vérifier que le concept peut fonctionner et que l’on est en adéquation avec lui, de se familiariser avec l’exploitation et de se constituer un capital pour, dans un deuxième temps, se porter acquéreur du fonds. Acquisition qui est le but de l’opération dans la majorité des cas. C’est une sorte de test, de période d’essai. Cela peut être proposé par les franchiseurs, mais cela peut aussi résulter d’un choix de la part d’un candidat qui, tout en disposant des fonds nécessaires, ne veut pas forcément s’engager complètement.

      De plus en plus de franchiseurs s’ouvrent à cette formule. Avant, elle était surtout répandue dans la grande distribution, maintenant on voit d’autres réseaux comme les cavistes s’y intéresser.

      Précisément, quels sont les avantages pour les franchiseurs de recourir à la location-gérance ?

      En restant propriétaire du fonds de commerce, le franchiseur garde la maîtrise de son parc et de son développement. En le louant, il en tire des revenus sans devoir assurer tous les risques de la gestion du point de vente. Il peut également espérer voir le locataire-gérant développer et valoriser son fonds, qu’il peut récupérer à la fin du contrat.

      Cela permet aussi aux franchiseurs de s’ouvrir à d’autres profils et d’éviter de perdre des candidats qui ne possèdent pas forcément l’assise financière suffisante mais qui ont des dispositions et la motivation nécessaires pour se lancer.

      Que doit comprendre le fonds de commerce loué au franchisé ?

      Il y a une définition légale du fonds de commerce. Il est constitué d’éléments corporels comme le matériel, l’outillage, l’aménagement du point de vente et d’éléments incorporels comme le droit au bail, le nom commercial, l’enseigne (la licence pour vendre de l’alcool par exemple) et bien sûr la clientèle.

      « Attention au montant cumulé des redevances »

      abstract blur in supermarketSur quelle base le loyer – le montant de la redevance de location-gérance – est-il calculé ?  Est-il plutôt au forfait ou au pourcentage ? Et dans ce cas sur les bénéfices ou sur le chiffre d’affaires ? Qu’est-ce qui est préférable ?

      Il n’y a pas de règle, de méthodologie prédéfinie. Ce montant est fixé tout à fait librement par le loueur. Il dépend de multiples facteurs : la valeur du fonds, la clientèle, le bénéfice dégagé, l’emplacement, les évolutions prévisibles, la rentabilité attendue, des critères en grande partie subjectifs. Une seule chose est sûre : il comprend au moins le montant du local commercial, c’est-à-dire la somme réglée par le franchiseur au propriétaire des murs. Puisque c’est le locataire-gérant qui exploite le point de vente, il est logique qu’il verse au propriétaire du fonds de quoi lui permettre de payer son loyer commercial…

      Maintenant cette redevance doit-elle être fixée au forfait ou au pourcentage ? C’est au choix des parties. Mais le plus souvent, elle s’exprime en pourcentage du chiffre d’affaires, comme les autres redevances du franchisé.

      Mais justement, qu’est-ce qui est acceptable comme montant pour le locataire-gérant/franchisé qui va avoir aussi à payer une redevance de franchise et une redevance de communication etc. ?

      La seule manière d’avoir la réponse, c’est de faire un prévisionnel. C’est ce que nous faisons avec les candidats à la franchise qui nous consultent. Et là tout dépend du modèle économique de l’enseigne concernée. Il faut en effet que le concept permette de dégager suffisamment de chiffre d’affaires pour supporter le poids de toutes les redevances cumulées. Comme dans la franchise pure, sauf que là, il y a la redevance de location-gérance à payer en plus. Mais je ne vais pas vous dire, voilà, il y a un seuil, un pourcentage du chiffre d’affaires valable dans tous les cas de figure, quelle que soit l’activité, quel que soit le réseau, au-delà duquel il ne faudrait pas se lancer. Cela se calcule dans chaque cas.

      Et puis tout dépend aussi des attentes de l’exploitant en matière de rémunération. Est-il prêt à se contenter d’un salaire à hauteur du SMIC ou bien a-t-il besoin de plus pour vivre ? Il faut tout prendre en compte.

      Quelles sont les règles en matière de révision du montant de la redevance de location-gérance ?

      Le contrat de location-gérance est un contrat court. Souvent de trois ans, pas plus. Le but n’est pas de rester locataire-gérant pendant dix ans. Pour ma part, je n’ai pas vu de contrats de location-gérance prévoyant une méthode de révision du montant de la redevance.

      « En tant qu’experts-comptables, nous pouvons évaluer ce que vaudra le fonds de commerce dans trois ans »

      Pendant la durée du contrat de location-gérance, pour assurer le bon fonctionnement du fonds de commerce – mission à laquelle il est tenu – le locataire-gérant/franchisé peut être amené à investir dans du matériel ou du personnel. Peut-il bénéficier d’une contrepartie ?

      A priori non, sauf si le contrat le prévoit. Et c’est un des problèmes que pose la location-gérance pour le franchisé.  Car si le contrat ne prévoit rien, il peut se retrouver à la fin sans que ses efforts soient indemnisés. Mais il y a d’autres avantages à la formule – je les ai cités tout à l’heure – et on ne peut pas gagner sur tous les plans !

      Il faut également comprendre que le franchiseur-loueur prend de son côté un risque, car le locataire-gérant peut, par une mauvaise gestion, faire perdre de la valeur au fonds.

      Certains contrats de location-gérance proposés aux franchisés contiennent des clauses d’option d’achat du fonds de commerce. Comment le futur franchisé peut-il savoir, quand il signe son contrat, ce que vaudra le fonds dans 3 ou 4 ans ?

      Au moment de la signature du contrat, le franchiseur fournit une estimation du fonds, à partir de laquelle il est possible d’établir une projection, d’avancer une hypothèse. Pour notre part, en tant qu’experts-comptables, nous pouvons analyser les comptes et leur évolution depuis le début, depuis la création du fonds. Il nous est donc assez facile de nous projeter sur 3 ans. Il n’y a – heureusement – pas tous les ans une épidémie de Covid qui nous complique l’exercice !

      Les locataires-gérants parviennent-ils dans l’ensemble à accumuler suffisamment de capitaux pour acheter un fonds ou bien cela concerne-t-il seulement une minorité ?

      Oui, la plupart des locataires-gérants accumulent suffisamment de moyens financiers grâce à l’exploitation du fond qu’ils louent. Je le constate assez fréquemment. A part dans certains réseaux un peu particuliers, ils deviennent à leur tour propriétaires d’un fonds de commerce en trois ou cinq ans en moyenne. Ils n’ont pas besoin de garder leur statut pendant dix ans.

      Évidemment, si le modèle économique de départ a déjà une rentabilité faible, il faut faire attention.

      De même, il s’agit bien d’accumuler les bénéfices dégagés par l’activité, c’est-à-dire de les mettre de côté et pas de les dépenser en cours de route. Sinon, cela ne marche pas !

      « Lorsqu’il devient propriétaire du fonds de commerce, le franchisé ne doit pas avoir à acheter le fruit de son travail »

      De plus en plus d’enseignes utilisent la location-gérance et pas seulement dans la grande distribution ou la restauration.Parfois, les contrats de location-gérance sont limités à un an, renouvelable par tacite reconduction… Selon le site du gouvernement, ce serait même la norme en général dans le commerce.

      Un an, c’est court pour se faire la main en franchise. Et à l’évidence pas suffisant pour mettre de l’argent de côté.

      Le franchisé locataire-gérant qui s’est investi dans le développement du fonds de commerce et qui l’a valorisé peut-il bénéficier, au moment de l’achat, d’un abattement sur le prix du fonds ? Et si oui, comment le calculer ?

      On ne peut pas parler d’abattement. Nous rencontrons en revanche deux cas de figure : soit le prix de cession est prévu au contrat dès le départ et il faut vérifier que le franchiseur ne l’a pas surévalué en prenant en compte ce que le franchisé pourrait, selon lui, apporter à la valeur du fonds année après année. Soit le prix n’est pas pré-défini et alors le locataire-gérant doit veiller à terme à ne pas avoir à acheter les fruits de son travail. Dans les deux cas, mieux vaut se faire accompagner par un expert-comptable.

      Dans un aspect très pratique, il est également utile de prévoir à la fin du contrat, afin d’éviter tout risque de contentieux, le devenir des stocks (reprise par le propriétaire du fonds de commerce ou délai supplémentaire laissé au locataire) ainsi que le devenir des outils et du matériel incorporés par le locataire gérant.

      En résumé, la location-gérance constitue selon vous, pour un candidat à la franchise, un tremplin ?

      Absolument. C’est le but initial de la formule. C’est sa fonction. Pour un franchiseur, cela peut être aussi la possibilité de s’ouvrir à de nouveaux profils.

      « Bien évaluer le modèle économique et analyser toutes les clauses du contrat »

      A quoi un franchiseur doit-il faire attention quand il s’ouvre à la location-gérance ?

      Comme en franchise pure, il ne doit pas se tromper sur le recrutement, ce qui peut toujours arriver. Il ne doit pas oublier non plus qu’à la fin du contrat, s’il reprend le fonds de commerce, il devra reprendre aussi tous les contrats de travail. Il ne faudrait pas que le locataire-gérant ait, par exemple, trop augmenté la masse salariale entre-temps…

      Et quels conseils donnez-vous à un futur franchisé qui s’apprête à signer un contrat de location-gérance ?

      Il faut qu’il regarde bien toutes les clauses du contrat. S’il ne comporte pas d’option d’achat par exemple, l’intérêt est mince. Le futur franchisé doit également bien évaluer le modèle économique et s’assurer qu’il permettra d’absorber toutes les redevances. Il a donc tout intérêt à se faire accompagner pour ne pas se tromper.

      La location-gérance représente une bonne solution pour certains profils, les jeunes en particulier. Car quand on a 20 ou 24 ans, on peut tout à fait être mûr pour devenir chef d’entreprise, par contre on ne dispose pas toujours de beaucoup d’économies…

      C’est d’ailleurs pourquoi de plus en plus de réseaux utilisent cette technique pour ne pas perdre les bons profils qui n’ont pas d’emblée l’apport nécessaire pour se lancer en franchise pure.

      *Stéphanie Pizzutti est membre de la direction des relations extérieures de Fiducial et du Collège des experts de la FFF (Fédération française de la franchise)

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