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      Reprise de l’entreprise franchisée : quand le franchiseur peut-il refuser son agrément ? - Brève du 23 mai 2025

      Trois ans après la signature de son contrat, un franchisé trouve un repreneur pour son affaire. Mais le prix convenu et le profil financier de ce successeur potentiel ne conviennent pas au franchiseur, qui refuse d’accorder son agrément à l’opération. Le franchisé attaque en justice s’estimant pénalisé. Il est débouté.

      Reprise-franchiseLa cour d’appel de Montpellier s’est prononcée le 6 mai 2025 dans un litige opposant un ex-franchisé à son ancien franchiseur à propos de la reprise de son entreprise.

      Dans cette affaire, le contrat de franchise est signé en mai 2014. En novembre 2017, le franchisé informe son franchiseur qu’il a vendu son entreprise à un particulier, sauf si, comme le prévoit le contrat, l’enseigne souhaite exercer son droit de préemption.

      Un mois plus tard, après avoir rencontré le repreneur, le franchiseur informe son franchisé qu’il refuse de donner son agrément à cette personne et donc à l’opération, au vu du prix de cession, pas cohérent selon lui avec le chiffre d’affaires et le résultat réalisés par la société franchisée.

      En retour, le franchisé informe la tête de réseau qu’il mettra un terme à leurs relations à compter du 1er mai 2020.

      Pour le franchisé, le refus d’agrément du repreneur par le franchiseur est « abusif »

      L’affaire se complique quand, en juillet 2020, après la fin du contrat donc, le franchiseur se rapproche de la justice invoquant le non-respect par son ancien franchisé de sa clause de non-concurrence post-contractuelle. Une démarche en référé qui n’aboutit pas.

      Finalement, en décembre 2021, les deux parties saisissent le tribunal de commerce :

      -le franchiseur pour obtenir la fin d’activité de son ancien franchisé et le paiement de diverses sommes en raison de son « parasitisme et du préjudice d’image (subi) »,

      -le franchisé, afin d’obtenir des dommages et intérêts de 200 000 € pour sa société et de 64 000 € pour lui-même à cause de l’abus commis selon lui par le franchiseur avec son refus d’agrément.

      En septembre 2023, le tribunal de commerce de Montpellier rejette les demandes des deux parties.

      Le franchisé fait appel.

      Les juges valident la clause d’agrément du contrat de franchise…

      Devant la cour d’appel de Montpellier, le franchisé estime que la clause d’agrément du contrat de franchise, invoquée par le franchiseur, doit être annulée.

      Ou, au moins, que le franchiseur doit être sanctionné pour en avoir abusé, puisqu’il s’en est servi pour l’empêcher de vendre son fonds de commerce avec la franchise, lui faisant ainsi perdre beaucoup d’argent.

      Il réitère en conséquence ses demandes de dommages et intérêts.

      La cour confirme au contraire le jugement de première instance « en toutes ses dispositions ».

      Elle observe d’abord que la clause d’agrément en question était « conclue en considération de la personne » du franchisé (intuitu personae). Et qu’elle prévoyait entre autres que « toute vente de parts ou d’actions de la société franchisée exploitant le magasin objet du contrat (…) devait, (pour être effective) recevoir l’agrément écrit préalable du franchiseur, lequel devra justifier sa décision en cas de refus. »

      Le texte précisait encore que le franchisé devait demander, « au plus tard 45 jours avant la réalisation de la transaction » l’accord du franchiseur à l’opération « et le cas échéant (son agrément à l’égard) du repreneur-acquéreur », avec « indication du montant et du financement de la transaction », mais aussi « de la moralité et de la surface financière » de la personne concernée.

      Les juges valident cette clause, somme toute assez classique. Pour eux, « il est tout à fait normal pour un franchiseur de s’assurer de la possibilité pour un candidat-repreneur de fournir une prestation au moins équivalente à celle fournie par le franchisé sortant, ceci afin de pérenniser son réseau. »

      …De même, pour les magistrats, le franchiseur n’a pas abusé de son droit d’agrément

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLes magistrats examinent ensuite si, comme le franchisé l’affirme, le franchiseur aurait abusé de ce droit d’agrément.

      Ils relèvent que, dans sa lettre explicitant son refus, le franchiseur  a avancé deux arguments :

      -1/ « le prix de cession ne tient pas compte du montant minimum de 150.000 € nécessaire à la mise au concept du magasin »,

      -2/ « les autres éléments d’information transmis par le cédant (franchisé), à savoir notamment une rémunération du dirigeant de 150.000 € par an, ne sont pas réalistes au regard de l’emprunt à contracter pour le financement de l’acquisition des droits sociaux et des travaux de rénovation. »

      « Au regard de ces éléments », écrivent les juges dans leur arrêt, le franchiseur « a motivé sans abus le refus d’agrément signifié (au franchisé) ». Il a en effet justifié ses craintes quant à la « capacité du candidat-repreneur à exécuter ses obligations au sein du réseau »

      La cour ajoute, s’agissant du préjudice financier invoqué par le franchisé qu’« aucun mécanisme de cession automatique du contrat de franchise avec le fonds de commerce n’est institué par la loi (…) le contrat de franchise n’étant pas un élément du fonds de commerce, au contraire du bail commercial. »  Il n’y a donc pas lieu de verser au franchisé des dommages et intérêts.

      Le franchisé est débouté de ses demandes d’indemnité et condamné à payer des redevances

      La cour d’appel de Montpellier confirme par ailleurs la validation de la clause de non-concurrence post-contractuelle prévue au contrat.

      En conséquence, la société franchisée est condamnée à verser à la société franchiseur de l’ordre de 33 000 € correspondant aux redevances dont elle aurait dû s’acquitter au titre de l’année 2020.

      Comme les premiers juges, la cour déboute en revanche le franchiseur concernant ses demandes d’arrêt de l’activité de son ancien partenaire et d’indemnités pour parasitisme.

      Pour les magistrats, l’utilisation par l’ancien franchisé sur son point de vente « de coloris couramment utilisés par plusieurs autres enseignes » et même de mobilier et étiquettes sensés appartenir au concept « n’ont (pas) pu lui causer un quelconque préjudice d’image ou une atteinte à ses investissements et à sa réputation ».

      La cour rejette par conséquent les demandes d’indemnité du franchiseur sur ce point.

      >Références de la décision :

      -Cour d’appel de Montpellier, chambre commerciale, 6 mai 2025, n° 23/05066