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      Maître Olga Renaud, Avocate, Cabinet BMGB - Interview du 23 novembre 2022

      Interview
      23 novembre 2022

      Conseil exclusif des franchisés, Olga Renaud les alerte sur les mauvaises pratiques de certains franchiseurs lors du renouvellement du contrat. Elle indique aussi les terrains sur lesquels la négociation lui semble possible.

      Lors du renouvellement du contrat, le franchisé peut négocier. Dans certains cas et au moins sur certains points.

      Olga Zakharova-Renaud, Avocat, cabinet BMGBQuelle est actuellement la pratique la plus répandue pour le renouvellement du contrat de franchise : la tacite reconduction ou la négociation d’un nouveau contrat une fois le premier arrivé à échéance ?

      Le contrat de franchise prévoit parfois explicitement qu’il sera, à son terme, renouvelé à l’identique, avec la même durée ou avec une durée différente, cela dépend. Mais cette pratique – la tacite reconduction – est devenue marginale.

      Les franchiseurs préfèrent s’ouvrir la possibilité de faire évoluer leurs contrats en fonction de la croissance de leur réseau et de vendre, à l’occasion des renouvellements, de nouveaux services à leurs franchisés. Souvent le contrat initial prévoit les conditions de signature du suivant ou la possibilité de conclure à d’autres conditions, notamment financières.

      Certains franchiseurs profitent aussi du renouvellement du contrat pour réduire la zone d’exclusivité territoriale accordée au franchisé. La première était trop généreuse ? Divisée par quatre ! Cela permet d’installer sur le même espace quatre franchisés au lieu d’un…

      Quels sont les franchiseurs qui pratiquent encore la tacite reconduction ?

      Certains gros réseaux prévoient qu’à l’arrivée du terme, si certaines conditions sont remplies, s’il n’y a pas eu de faute grave, si le franchisé est à jour de ses paiements, si son personnel a suivi les formations prévues, si les travaux de rénovation des locaux ont été effectués, il y aura un renouvellement automatique du contrat. C’est vrai surtout pour des concepts qui nécessitent de gros investissements. C’est une question d’équilibre économique pour le franchisé qui doit les amortir sur le premier contrat pour pouvoir bien en vivre sur le second. Cela s’accompagne souvent en contrepartie d’une obligation de mise à jour du concept dans les points de vente lors du renouvellement. A noter : la durée du contrat renouvelé peut-être plus courte si le franchisé le souhaite.

      « En cas de non-renouvellement d’une relation établie, le préavis doit être de dix-huit mois »

      Franchiseurs et franchisés ont-ils des règles à respecter pour négocier le renouvellement du contrat ?

      Contract signatureGénéralement, le contrat initial fixe un cadre de déroulement de la négociation : six mois avant le terme, les parties doivent entrer en discussion et le nouveau contrat doit être signé dans les trois mois ou au plus tard à une date qui est indiquée à l’avance.

      Attention : si au terme du contrat les relations se poursuivent sans qu’il y ait eu de négociation, le code civil indique (articles 1214 et 1215) que l’on est en présence d’un renouvellement tacite et que le contrat, au contenu identique, est devenu à durée indéterminée. Ce qui signifie que chaque partie peut le rompre à tout moment sous réserve d’un préavis raisonnable. A ce sujet, souvent les franchisés font l’erreur de penser qu’il n’y a plus de contrat alors que c’est le même qui se poursuit…

      Quelles sont les règles en matière de préavis si le franchiseur ne renouvelle pas le contrat du franchisé ?

      Avant, les tribunaux considéraient qu’il fallait respecter un préavis d’un mois par année d’ancienneté de la relation, ce qui pouvait aller en franchise de 6 à 24 mois, rarement plus. Mais depuis sa dernière rédaction, le code de commerce fixe dans son article L 442-1 que le préavis doit être de 18 mois quelle que soit la durée du contrat (dans le cas d’une relation dite « établie »). Si cette durée n’est pas respectée, le fautif tombe sous le coup de la rupture brutale des relations commerciales et il doit payer des indemnités calculées en fonction de la marge brute potentielle perdue.

      Cette règle de l’ancienneté de la relation est-elle toujours valable, côté franchisé, quand le réseau de franchise change de mains ?

      Oui. Un exemple : le repreneur d’un réseau voulait résilier tous les contrats de franchise. Nous avons eu une négociation sur la base du délai de préavis. Il voulait récupérer rapidement les territoires concédés, il a payé.

      Et si c’est l’entreprise du franchisé qui change de mains ?

      Si le franchisé vend les parts de sa société, le contrat de franchise se poursuit avec la même personne morale, par conséquent l’ancienneté s’accumule. S’il vend son fonds de commerce, c’est différent, il y a alors rupture de la relation commerciale. L’ancienneté continue pour le contrat de bail, mais pas pour le contrat de franchise car il a été signé intuitu personae, or la personne du franchisé change.

      « Le franchiseur peut vouloir multiplier sa redevance d’enseigne par deux, cela s’est vu ! »

      Quand la relation de franchise n’est pas bonne, la décision de ne pas renouveler le contrat est-elle forcément la seule ou la meilleure à prendre pour un franchisé ?

      Quand ça ne va pas, le franchisé essaie de sortir, de vendre ou de partir ailleurs. Le problème des négociations, c’est que l’on ne sait pas si l’on a intérêt à un nouveau contrat court ou long…

      Si un multifranchisé ne renouvelle pas l’un de ses contrats, il s’expose à des problèmes sur ses autres points de vente, c’est délicat comme décision ?

      Devenir multifranchisé : comment réussirLa situation est compliquée quand les contrats ne sont pas alignés. Il faut négocier ce point et à chaque nouveau contrat, aligner la durée des précédents sur le dernier conclu de façon à ce que tous les contrats se terminent à la même date. C’est ce qui se passe dans plusieurs réseaux qui favorisent la multifranchise pour leur développement.

      Vous dites qu’il faut négocier. Mais les franchisés peuvent-ils réellement renégocier leur contrat ? Ne doivent-ils pas le plus souvent s’aligner purement et simplement sur le contrat en cours dans le réseau au moment du renouvellement ?

      Souvent, il n’y a pas de négociation avec un franchisé « casse-pieds », mais quand les relations sont normales, c’est possible. Les conditions financières sont toutefois le plus souvent à prendre ou à laisser. La redevance d’enseigne peut être multipliée par deux, cela s’est vu !

      Et il est vrai que quand le contrat est terminé, comme le franchisé n’a pas de droit au renouvellement (article 1212 du Code civil), il n’a souvent pas d’autre choix que de signer le nouveau contrat s’il veut continuer.

      « On peut négocier une durée de contrat plus courte, un droit d’entrée réduit, des redevances dégressives en cas de multifranchise »

      Sur quels points un franchisé peut-il, malgré tout, essayer de négocier ?

      Les franchisés peuvent négocier une durée de contrat plus courteOutre l’alignement des termes des contrats, on peut négocier une durée différente (plus courte), un droit d’entrée réduit. En matière de redevances, un multifranchisé par exemple peut négocier une grille dégressive (en fonction de son nombre de points de vente). Le droit de priorité sur des zones d’exclusivité limitrophes peut aussi parfois être obtenu.

      En termes de durée de la négociation, y a-t-il des règles ?

      Elles sont en général précisées dans le contrat initial. Après, même si ce n’est pas terminé le jour où le contrat vient à échéance, les parties peuvent prolonger la discussion et signer avec un effet rétroactif…

      Pourquoi le franchisé qui renouvelle son contrat doit-il payer un droit d’entrée ?

      Ce n’est pas écrit dans le marbre. Certains franchiseurs demandent 100 % du droit d’entrée initial. Parce que cela rémunère le droit de faire partie du réseau. Donc, c’est maintenu. D’autres ne demandent qu’un droit d’entrée réduit, d’autres enfin n’en demandent plus. Je ne dispose pas de statistiques mais il me semble que les trois formules coexistent à parts égales.

      « Du point de vue de l’équité, il faudrait obtenir une explication en cas de non-renouvellement du contrat »

      Le franchiseur qui refuse le renouvellement à un franchisé ne devrait-il pas être tenu de fournir au moins une explication à cette décision qui peut être lourde de conséquences ?

      Juridiquement, non. Et généralement il ne le fait pas. S’il le fait et que son explication n’est qu’un prétexte, il s’expose à un procès et à être condamné pour non-renouvellement abusif. Le code civil dit qu’aucune partie ne doit s’expliquer. On se sépare, c’est tout. Du point de vue de l’équité, il est certain qu’il faudrait obtenir cette explication. Mais pour le franchiseur, c’est donner au franchisé un bâton pour se faire battre.

      En cas de non-renouvellement du contrat du fait du franchiseur alors que le franchisé n’a commis aucune faute, ne devrait-il pas lever la clause de non-concurrence post-contractuelle qui « bloque » le franchisé ? On l’a vu dans le conflit Foncia, c’est une solution qu’avaient adoptée les juges du tribunal de commerce de Nanterre, mais qui n’a pas été confirmée par la suite.

      C’est vrai que la situation est parfaitement injuste. Le franchiseur dit au franchisé à la fois : « je ne te renouvelle pas le contrat » et « je t’empêche de travailler », « tu n’as qu’à fermer ton entreprise ». Malheureusement, les juges ne suivent pas la demande des franchisés. Au nom du savoir-faire à protéger, ils valident les clauses de non-concurrence post-contractuelles à partir du moment où elles sont limitées à un an et aux locaux du franchisé. On a même vu récemment la cour d’appel de Paris considérer comme valable une clause portant sur un périmètre important dans la capitale, assortie d’une pénalité d’un million d’euros en cas de non-respect par le franchisé !

      « L’essentiel des litiges concerne les clauses de non-concurrence après le contrat. Les franchisés doivent les relire attentivement. »

      Faut-il ouvrir un droit au renouvellement du contrat à condition que le franchisé ait respecté le concept et ses obligations contractuelles ?

      C’est contraire au principe de la liberté contractuelle, qui est une liberté constitutionnelle.

      Cette question du renouvellement est-elle une source de litige importante ?

      Devenir-Franchise-Loi-DoubinIl y a des litiges, oui, souvent par négligence. Les franchisés n’ont pas lu le contrat. Ils se trouvent piégés par la technique contractuelle prévue pour le renouvellement. Une partie des contentieux porte sur des non-renouvellements abusifs. Mais qui sont difficiles à prouver : pour que l’abus soit reconnu, il faut vraiment qu’il soit flagrant. Et encore, rien n’est garanti, comme on l’a vu dans l’affaire Foncia. L’essentiel des conflits concerne les clauses de non-concurrence.

      Quels conseils donnez-vous aux franchisés en matière de renouvellement de leur contrat ?

      Cela dépend s’ils sont en position de négocier. C’est le cas s’ils sont membres d’un réseau récent, ou s’il y a une association de franchisés ou bien encore si le franchiseur est très intéressé par leur profil et veut vraiment les avoir dans son réseau. Dans ce cas, ils peuvent essayer d’améliorer le contrat mais cela n’exclut pas que leur taux de redevances puisse augmenter.

      Il faut par ailleurs faire attention à un point : quand le contrat initial prévoit à l’avance que le futur contrat sera identique à celui en cours dans le réseau au moment du renouvellement, cela veut dire, si l’on signe, que l’on donne son consentement par avance sur un contrat dont on ignore le contenu. C’est prendre un risque.

      Et quels conseils donnez-vous aux franchiseurs ?

      Je leur conseille de discuter avec leurs franchisés. Cela leur évitera de voir leur contrat qualifié de contrat d’adhésion avec les conséquences que cela peut avoir en termes de déséquilibre significatif. Mieux vaut qu’ils signent vraiment des contrats de gré à gré. Et attention, il ne suffit pas d’écrire dans le contrat que le franchisé a été informé et reconnaît qu’on lui a donné la possibilité de négocier. Il faut que cela corresponde à la réalité. Sinon, il ne nous sera pas difficile de produire en justice une dizaine d’autres contrats identiques signés dans le réseau pour démontrer qu’en réalité rien n’était négociable !

      Donc je leur conseille de discuter. Pas seulement quand ils recrutent, mais aussi à la fin du contrat. Mieux vaut un accord amiable que dix ans de procédures judiciaires !

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