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      Un franchiseur qui connaît des difficultés est-il responsable de l’échec de ses franchisés ? - Brève du 2 juillet 2021

      Brève
      2 juillet 2021

      Même si un réseau est confronté à des difficultés économiques, le franchiseur n’est pas automatiquement responsable de l’échec de chaque franchisé. C’est ce qui ressort d’un arrêt de la cour d’appel de Toulouse qui refuse à l’un d’eux l’annulation comme la résolution de son contrat.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – France

      La cour d’appel de Toulouse a débouté, le 12 mai 2021, un franchisé reprochant entre autres à son ex-franchiseur d’avoir vicié son consentement et causé son échec.

      Dans ce litige, un premier contrat est conclu en novembre 2012 et suite – côté franchisé – au rachat des parts sociales de l’associé majoritaire par le minoritaire, un second est signé en décembre 2014.

      Connaissant des difficultés la société franchisée est placée en redressement judiciaire en septembre 2015, puis retire l’enseigne du franchiseur de son point de vente en juin 2016 pour en installer une nouvelle de sa création. Mais par un jugement de décembre 2016, la liquidation judiciaire est prononcée.

      Entre-temps, début septembre 2016, le franchisé a assigné son ex-partenaire en justice afin d’obtenir la nullité de son contrat et d’importants dommages et intérêts. Débouté en première instance en novembre 2016, le franchisé – ou plus précisément le liquidateur de sa société – a fait appel.

      De façon assez classique, le plaignant reproche au franchiseur d’avoir délivré au franchisé des documents précontractuels « imprécis ». Ainsi qu’une étude prévisionnelle d’octobre 2012 « particulièrement flatteuse » puisqu’elle prévoyait un chiffre d’affaires de plus de 870 000 € pour le premier exercice, alors qu’il n’a atteint que 14 % de ce niveau en 2013, 45 % en 2014 et 55 % en 2015. L’étude prévoyait aussi des bénéfices en croissance continue, ce qui n’a pas été le cas.

      Les difficultés ayant par la suite touché de nombreux membres du réseau et le franchiseur lui-même, le plaignant estime que la démonstration a été faite de la « non-viabilité du modèle économique proposé » et pour le moins d’une réalité « fort éloignée de la présentation élogieuse » transmise par l’enseigne. Pour le liquidateur, le consentement du franchisé ayant été vicié, le contrat doit être annulé.

      Selon les juges, le consentement du franchisé n’a pas été vicié…

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      Saisie, la cour d’appel de Toulouse contredit cette argumentation. Elle relève d’abord que, lors de la signature du contrat litigieux, c’est-à-dire du contrat de 2014, le franchisé connaissait déjà bien l’enseigne puisqu’il y avait ouvert un autre établissement dans la région depuis 2007. Elle note ensuite qu’il a renouvelé son contrat concernant ce point de vente précisément en mai 2014 pour une nouvelle période de 7 ans. Le franchisé avait donc, estiment les juges, « une expérience suffisante lui permettant d’apprécier la qualité de l’information précontractuelle fournie (en octobre 2014) ».

      Par ailleurs, aux yeux des magistrats, ce DIP contenait les informations prévues par la loi, mais pas de prévisionnel. Ils en déduisent que les chiffres transmis en 2012 « ne peuvent pas être considérés comme étant restés d’actualité ». Ni que le franchiseur se serait pour sa part engagé sur ces prévisions datant de deux ans.

      « Rien ne prouve » non plus pour les juges, que le franchisé s’est lui-même « engagé dans une nouvelle collaboration avec le franchiseur en 2014 au vu de ces éléments datant de 2012, d’autant qu’il disposait (en tant qu’associé minoritaire) des chiffres d’affaires afférents aux deux années d’exploitation et d’un recul suffisant sur l’évolution du CA par rapport à ses attentes. »

      En outre, « rien ne démontre » que l’étude de près de 200 pages réalisée par un cabinet réputé sur les perspectives nationales et locales du secteur – et jointe au DIP de 2014 – « ait été particulièrement flatteuse ». Les juges l’ont trouvée au contraire « nuancée ». A leur avis, le franchisé ne peut donc pas prétendre comme il l’a fait qu’il aurait été trompé par les plaquettes publicitaires de l’enseigne.

      Enfin, l’erreur de consentement n’est « pas prouvée » car « la situation critique d’un grand nombre d’établissements du réseau n’est apparue pour la plupart d’entre eux qu’à une époque postérieure, au cours des années 2015 et 2016. »

      En conclusion, la cour d’appel de Toulouse approuve les premiers juges pour avoir considéré que le franchisé, qui n’était pas novice en matière de franchise, a pu se déterminer en connaissance de cause. La nullité du contrat est refusée.

      …De même, le franchiseur n’a pas commis de fautes graves pendant le contrat

      Le plaignant réclamait par ailleurs la résolution du contrat (qui met un terme à la relation pour inexécution du contrat par l’une des parties et peut par ses effets rétroactifs avoir les mêmes conséquences que la nullité).

      Il reprochait au franchiseur de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles en matière d’assistance pendant le contrat, alors même que les franchisés connaissaient des difficultés. Et en outre d’avoir notamment détourné à son profit l’argent des ristournes de fin d’année accordées au réseau par ses fournisseurs.

      La cour d’appel de Toulouse ne donne pas davantage crédit à ces accusations. Pour les magistrats, si le réseau a connu une baisse globale de ses chiffres d’affaires de 7 % en 2012, près de 11 % en 2013 et près de 15 % en 2014, en raison notamment d’une « crise de la consommation » et d’une « pression exacerbée de la concurrence », le franchiseur a produit des courriels qui prouvent son intervention en décembre 2014 et mars 2016 à propos, entre autres, de campagnes de promotion à mettre en œuvre par le franchisé.

      Les juges notent également que le franchiseur a accordé en décembre 2014 et mai 2015 des dérogations à son partenaire, le dispensant de droit d’entrée en 2014 et réduisant ses redevances d’un demi-point avec un étalement de leur paiement dans le temps.

      Concernant les remises des fournisseurs, qui étaient affectées à hauteur de 1 % du chiffre d’affaires au budget publicité de la chaîne, la cour relève que le franchiseur « a redistribué chaque année aux franchisés les excédents du compte jusqu’en 2013. » Et qu’à partir des difficultés rencontrées en 2014, il a cessé de le faire pour tout investir dans la communication globale du réseau. Pour les juges « il n’est pas démontré que le budget lié aux ristournes de fin d’année, de l’ordre de 2 millions d’euros en 2014, aurait été détourné de son objectif ».

      Le plaignant est également débouté de sa demande de résolution du contrat.

      Référence de la décision :

      Cour d’appel de Toulouse, 12 mai 2021, n° 16/05917

      A lire aussi sur le sujet :

      L’écho de quelques lignes paru sur la Lettre de la Distribution de juin 2021