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      Défaut d’assistance du franchiseur : peut-on en convaincre les juges ?

      Tribune publiée le 6 juin 2018 par Jean-Pierre PAMIER
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      Il est rare qu’un franchisé parvienne à obtenir la résiliation de son contrat aux torts de son franchiseur en invoquant un défaut d’assistance. Comme le mettent en lumière quatre décisions récentes de la cour d’appel de Paris et de la Cour de cassation.

      Quelle assistance les franchisés sont-ils en droit d’attendre de leur franchiseur, en particulier lorsqu’ils connaissent des difficultés ?

      Qu’en dit la justice lorsqu’elle est saisie par des franchisés qui estiment avoir été abandonnés en rase campagne par leur partenaire au moment le plus délicat, celui des premiers mois d’activité ? Voire pendant plusieurs années ?

      A la lumière des dernières décisions connues sur le sujet, les réponses des magistrats laissent très peu de place aux illusions.

      Pas de défaut d’assistance, selon les juges

      Le 20 décembre 2017, la cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 4) déboute un franchisé qui réclamait la résiliation de son contrat pour défaut d’assistance de son franchiseur. Pour la cour il n’y a pas de défaut puisque le courrier du franchisé a été suivi d’une visite un mois plus tard assortie de recommandations. Et que le rapport (du représentant du franchiseur) a mis « en lumière un dysfonctionnement interne » à la société franchisée.

      Cour de cassation juridique franchise

      Le 17 janvier 2018, la Cour de cassation rejette le pourvoi d’un franchisé qui réclamait la résiliation de son contrat pour manque d’assistance. En appel, les magistrats reconnaissent que «le franchiseur n’établit pas la consistance de l’aide personnalisée qu’il aurait apportée » (à son partenaire). Mais les juges estiment que la rupture du contrat par le franchisé ne peut être justifiée par le défaut d’assistance puisque celui-ci n’a été invoqué par lui qu’après cette rupture.  Argument approuvé en cassation.

      Le 24 janvier, la cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 4) écarte à nouveau la résiliation d’un contrat pour manque d’assistance. La cour note qu’« aucune pièce n’est produite illustrant les appels à l’aide » du franchisé. Sauf une demande d’exonération de redevance acceptée par le franchiseur. Par ailleurs, le franchiseur a produit quatre comptes-rendus de visites du point de vente à l’issue desquelles « il a effectué des préconisations ». Il a également « constaté des dysfonctionnements imputables au franchisé ».

      Enfin, le 7 mars, la Cour de cassation rejette le pourvoi d’un franchisé qui accusait son franchiseur d’avoir manqué à ses obligations d’assistance.  Des griefs « infondés » ou pas assez graves pour « justifier la résiliation du contrat aux torts du franchiseur », selon les magistrats. Entre autres parce que le contrat ne prévoyait aucune obligation du franchiseur en matière de visites mais ouvrait au franchisé la possibilité d’en solliciter. Et aussi parce que les comptes-rendus de ces visites versés aux débats (mais non-communiqués au franchisé pendant le contrat) notaient des « carences » récurrentes de l’exploitant.

      Les juges ne se prononcent pas sur la qualité de l’assistance, mais sur les signes de son existence

      Déjà déçus par la non-assistance-à-franchisé-en-danger qu’ils ont ressentie, les plaignants se voient donc fréquemment désarçonnés une seconde fois par la justice.

      L’assistance permanente pendant le contrat est certes une promesse de la franchise en général. Et même l’un de ses piliers. Mais, pour les juges, tout dépend d’abord de ce que prévoit le contrat de franchise précis qui a été signé par les parties en litige.

      S’il ne contient pas d’obligation pour le franchiseur en matière de visites par exemple, le franchisé ne peut pas valablement invoquer de manquement du franchiseur sur ce point.

      Les juges considèrent aussi que, si le dispositif prévu au contrat ne lui suffit pas, c’est au franchisé d’appeler à l’aide, de solliciter l’intervention de l’enseigne. Et c’est à lui de prouver le cas échéant, documents en main, qu’il l’a fait. Et que le franchiseur ne lui a pas répondu.

      Si des visites sont organisées, spontanément ou en réponse à la demande, les juges s’en satisfont.

      Peu importe que les préconisations du franchiseur soient ou non judicieuses. Qu’elles arrivent parfois trop tard, quand la confiance est déjà rompue. Peu importe, si elles se concrétisent, qu’elles ne soient pas suivies d’effet et n’évitent pas l’échec du franchisé. Peu importe même que, par la suite, l’échec, voire la disparition complète du réseau lui-même attestent que le concept et/ou le management du franchiseur n’étaient pas valables. Les juges n’évaluent pas la pertinence de l’assistance et son efficience dans le temps, mais simplement son existence, voire son apparence au moment des faits à l’origine du litige.

      L’assistance du franchiseur, pour les juges : une « obligation de moyens » et non de résultat…

      Il faut le savoir : à partir du moment où le franchiseur a suggéré des solutions, les magistrats considèrent qu’il a respecté ses obligations. Comme le formule expressément la cour d’appel de Paris dans plusieurs de ses arrêts, si le franchiseur est tenu à une assistance technique et commerciale tout au long du contrat, cela constitue pour lui « une obligation de moyens et non de résultat ». « Le franchisé est un commerçant indépendant seul maître de la gestion de son entreprise ».

      Et si, en plus, les rapports de visites des représentants du franchiseur pointent des « dysfonctionnements », comme c’est souvent le cas quand les relations se grippent face à l’adversité, peu importe ce qu’en dit le franchisé, peu importe leur gravité réelle et leur impact sur la mauvaise santé financière de son entreprise, la justice a tendance à en déduire que son échec n’est pas dû, même en partie, à la tête de réseau.

      On l’aura compris, les franchisés en difficulté qui ont le sentiment d’avoir été lâchés par leur franchiseur n’ont que peu d’espoir d’être davantage entendus par les juges. Et encore moins d’être indemnisés à la hauteur de ce qu’ils estiment avoir perdu.

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