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      Jurisprudence franchise 2019 : une justice instructive

      Dernière mise à jour le 28 octobre 2022

      Les arrêts rendus en 2019 par les cours d’appel et la Cour de cassation dans plusieurs dizaines de litiges survenus au sein des réseaux de franchise sont porteurs d’enseignements utiles pour tous les futurs franchisés.

      Quand vous envisagez de signer un contrat de franchise avec un réseau, vous ne pensez pas, a priori, à votre éventuel échec. Pourtant vous le savez, cela fait partie des risques. Certains franchisés n’atteignent pas les résultats espérés, d’autres ayant perdu confiance, préfèrent rompre et sortir en cours de route. Et parfois, les perdants font appel aux tribunaux.

      S’ils ne sont pas nombreux, comparés aux 70 000 entreprises franchisées recensées en France, les litiges qui éclatent n’en sont pas moins révélateurs. Et la manière dont la justice les tranche doit retenir l’attention des candidats à la franchise.

      Ainsi, en 2019, sur une soixantaine de décisions d’appel et de cassation significatives rendues en matière de franchise, une dizaine seulement l’a été aux dépens des têtes de réseau. Tandis que les autres ont vu les franchisés condamnés ou déboutés de leurs demandes. Une tendance qui confirme, en l’amplifiant, celle des années précédentes.

      Cour de cassation juridique franchiseParfois, la faute est manifeste. La Cour de cassation a ainsi rappelé dans un arrêt du 20 février 2019, qu’un franchiseur est en droit d’obtenir des dommages et intérêts si son image de marque a été utilisée frauduleusement après la fin du contrat. Ce qui était le cas en l’occurrence.

      Mais le plus souvent, les franchisés qui ont assigné leur ex-partenaire devant un tribunal ne sont, tout simplement, pas parvenus à prouver aux juges le préjudice dont ils s’estiment victimes.

      Très peu de contrats annulés

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      Le scénario est souvent le même. Les franchisés se sont engagés avec confiance, voire enthousiasme, à partir des discours et d’éléments chiffrés transmis ou simplement évoqués par l’enseigne concernant leurs perspectives de gains.

      Mais quelques temps plus tard et parfois très vite, ils ont déchanté, constatant que l’activité n’était pas au rendez-vous, ou en tout cas pas à la hauteur de ce qui était prévu et nécessaire pour continuer. Avec, à la clé pour eux le redressement, voire la liquidation judiciaire.

      S’estimant trompés dès le départ, avant même la signature de leur contrat, sur la rentabilité du concept, ils invoquent le vice de leur consentement.

      L’absence ou l’insuffisance du DIP (Document d’information précontractuel) prévu par la loi, l’absence ou l’insuffisance de l’état du marché local (et de la concurrence) ou de l’état du réseau et/ou la transmission de prévisionnels irréalistes ont été, selon eux, à l’origine de leur erreur et de leur échec. Dont ils demandent compensation.

      Nullité du contrat : sur 20 franchiseurs concernés, 4 ont été condamnés

      La plupart ont été déçus par les verdicts rendus. En 2019, sur vingt franchiseurs concernés par ce type d’assignation, quatre ont été condamnés. Dans tous les autres cas, les demandes des plaignants ont été écartées.

      Les magistrats ont certes admis les manques signalés (DIP, état du marché local). Mais ils ont estimés que cela ne suffisait pas à établir un « vice du consentement ». Parce que les franchisés concernés étaient des « professionnels avertis du secteur », ou connaissaient bien leur ville, ou bien encore parce qu’ils avaient eu « suffisamment de temps pour se renseigner », ou enfin parce qu’ils ne démontraient pas en quoi précisément les informations qu’ils n’avaient pas reçues les auraient dissuadés de signer leur contrat.

      Attention à la rupture anticipée du contrat

      Ruprure contrat de franchiseLes franchisés étaient pourtant certains d’être dans leur bon droit lorsqu’ils ont rompu leur contrat avant le terme.

      Parce qu’à leur avis, leur franchiseur avait, ici, commis des fautes graves, ailleurs choisi un mauvais emplacement, ailleurs encore imposé une clause d’approvisionnement exclusif selon eux déséquilibrée. Ou encore parce qu’ils étaient plusieurs à multiplier les griefs à l’égard de leur tête de réseau.

      A chaque fois, les cours d’appel sollicitées ont estimé que rien ne justifiait pour autant l’arrêt du contrat par les franchisés.

      Les juges ont même fait preuve d’une grande sévérité à l’égard de l’un d’eux qui, à bout de souffle, avait résilié son contrat (de cinq ans) et fermé son magasin deux mois et demi seulement avant son terme – en prenant soin malgré tout de payer ses redevances comme s’il était allé jusqu’au bout. Ils ont considéré que la clause prévoyant une pénalité devait s’appliquer, sans même que le franchiseur ait à justifier d’un quelconque préjudice.

      Seule, la Cour de cassation a estimé, dans un arrêt du 29 mai, qu’une franchisée n’avait pas à être sanctionnée pour résiliation fautive, car elle avait interrompu son contrat en apprenant que le propriétaire de ses murs ne lui renouvelait pas son bail commercial.

      Le message est clair : sauf exception, ne comptez pas sur les tribunaux pour valider facilement la rupture de votre contrat. Il vous faut souvent prouver qu’il y a eu faute du franchiseur et ce n’est pas gagné !

      Fin du contrat et non-concurrenceFranchise Juridique

      La tendance est claire concernant les litiges survenus après la fin du contrat. Lorsque le franchisé sorti du réseau poursuit son activité sous sa propre enseigne ou rejoint directement une enseigne concurrente, alors qu’il s’était engagé à ne pas le faire.

      Sans considération des raisons qu’ils ont pu invoquer pour se justifier, les franchisés dans ce cas ont tous été condamnés en 2019 à payer des indemnités plus ou moins importantes à leur ex-franchiseur.

      Pour non-respect des clauses de non-concurrence (ou non-réaffiliation). Et/ou pour ne pas avoir respecté la disposition qui accordait à la tête de réseau la priorité en cas de cession de l’entreprise franchisée.

      Et cela, même si, à plusieurs reprises, la cour a condamné conjointement le franchiseur ayant récupéré le franchisé et son point de vente sous son enseigne pour « tierce complicité ».

      Certes, le montant de la pénalité a parfois été nettement revu à la baisse par rapport à ce que le contrat prévoyait. Mais la sanction a tout de même été prononcée. Il en a coûté ainsi 100 000 € au propriétaire franchisé d’un supermarché passé à la concurrence.

      On l’aura compris : il est possible de sortir d’un réseau dont on n’est plus satisfait, mais cela peut coûter cher.

      Faites d’emblée les bons choix

      Conseils-DevenirFranchise-ChoisirSonReseauParmi les autres décisions à retenir de l’année 2019, l’une rappelle qu’un franchiseur est libre d’arrêter la franchise s’il le souhaite et de se séparer de ses franchisés. Une autre précise que, dans certains cas, un franchisé peut être à l’inverse obligé de suivre le repreneur de son franchiseur. Une autre encore juge qu’un franchiseur peut imposer à ses franchisés des contraintes nouvelles liées au développement de son site internet marchand.

      Certes, des franchiseurs se sont vus condamnés, pour ne pas avoir joué leur rôle de centrale d’achats par exemple, ou pour ne pas avoir délivré d’informations sérieuses à leurs futurs franchisés, voire pour les avoir trompés sciemment sur la rentabilité de leur concept et la concurrence locale.

      Mais, on l’a vu, ces décisions sont restées l’exception en 2019. La franchise est une bonne formule, elle doit vous permettre de réussir. Mais, en cas d’accident, la justice ne répare que rarement les dégâts.

      C’est à vous, dès le départ, de faire les bons choix.

      Avant de signer, ne vous contentez donc pas des chiffres que le franchiseur vous transmet. Allez voir des franchisés de l’enseigne et faites-les parler de l’essentiel : la rentabilité et le fonctionnement du réseau.

      Si la chaîne débute, assurez-vous que le franchiseur a réussi avec son concept dans au moins un établissement « pilote » (et pas seulement à Paris ou dans une capitale régionale par exemple). Enfin, faites examiner le DIP et le contrat par un cabinet d’avocats, de préférence spécialisés dans le conseil aux franchisés.