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      Deux franchisées mécontentes échouent à obtenir la nullité de leur contrat - Brève du 16 janvier 2019

      Brève
      16 janvier 2019

      Les deux premières franchisées d’un réseau estimaient que le savoir-faire de leur franchiseur débutant n’avait pas été à la hauteur. Pas plus que ses prévisions de rentabilité. Considérées comme des « professionnelles averties » du secteur, elles ne parviennent pas à convaincre les juges.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Paris vient, dans un arrêt très motivé du 9 janvier 2019*, de refuser la nullité de  leurs contrats à deux franchisées en litige avec leur franchiseur.

      Dans ce conflit, les contrats sont signés en juillet 2011 et janvier 2012 avec un créateur de réseau qui s’est lancé en décembre 2010. Il s’agit donc des premières franchisées de l’enseigne. Les deux parties sont des professionnels du même secteur.

      Au terme de son contrat de 36 mois, la première franchisée ne le renouvelle pas. Tandis que la deuxième, également déçue et mécontente, cesse assez rapidement de régler ses redevances et voit son contrat résilié pour ce motif par le franchiseur au bout de 17 mois.

      Assignant en justice leur franchiseur, les deux franchisées lui réclament la nullité du contrat pour absence de cause (absence d’établissement pilote et d’un réel savoir-faire) mais aussi pour vice du consentement (absence d’état du marché local dans le DIP et tromperie sur les prévisionnels).  Les franchisées estiment avoir été induites en erreur sur la rentabilité réelle du concept, comme plusieurs autres franchisés ayant quitté le réseau.

      Saisie, la cour d’appel de Paris les déboute.

      Un savoir-faire « original et éprouvé », selon la cour

      Pour les franchisées, le concept n’a pas été testé dans de véritables unités pilotes exploitées dans les conditions imposées aux franchisés, puisque « les sociétés du franchiseur ne versaient ni droit d’entrée ni redevances. »

      De même, et surtout, les méthodes commerciales décrites dans les manuels ne présentaient « pas de caractère spécifique », « ne faisant que traduire les règles de l’art du métier ». Quant aux formations elles n’étaient ni nombreuses ni de qualité.

      Les magistrats du Pôle 5, chambre 4 estiment, au contraire, « qu’un réel savoir-faire est décrit » dans les documents fournis. Et par savoir-faire, la cour entend « un ensemble finalisé de connaissances pratiques, transmissibles, non immédiatement accessibles, non brevetées, résultant de l’expérience du franchiseur, testées par lui et conférant à celui qui le maîtrise un avantage concurrentiel ».

      En l’occurrence, le concept proposait des « actions de dynamique commerciale (conseils en politique des prix, vitrines, événements, etc.), des actions de « merchandising, de formation et de management » (que l’arrêt détaille). Il apportait des solutions « dans des domaines où (les  professionnels concernés) n’avaient pas été formés ».

      Par ailleurs, les franchisées « disposaient d’une expérience significative » dans l’activité et étaient donc en mesure « d’appréhender la réalité et la consistance du savoir-faire ». Or, observe la cour, elles n’ont formulé aucun grief sur ce point avant leurs ruptures avec l’enseigne.

      Le franchiseur a « expérimenté le concept », estiment les juges

      En outre, il « importe peu », aux yeux des magistrats, que les sociétés du franchiseur n’aient pas elles-mêmes exploité le savoir-faire en franchise, car « l’exploitation en propre d’un site pilote au début puis tout au long de l’existence d’un réseau ne constitue ni une obligation légale, ni, en l’occurrence, une obligation contractuelle. La seule obligation pesant sur le franchiseur étant d’avoir éprouvé et expérimenté son savoir-faire avec succès. » Ce qu’il a fait, selon la cour, dans trois sociétés créées en 2008 et 2009. De plus, les franchisées ont été « informées du caractère récent du réseau ».

      Enfin, concernant la formation, le franchiseur a pu démontrer qu’il avait organisé, pendant leurs contrats, plusieurs sessions où les franchisées n’étaient pas venues.

      Pour les juges, « l’existence d’un savoir-faire original et éprouvé est (donc) avérée », de même que sa transmission. Il n’y a pas lieu d’annuler le contrat pour absence de cause.

      Les prévisionnels n’étaient « pas irréalistes », indique l’arrêt

      Concernant l’information précontractuelle, les franchisées accusent le franchiseur d’avoir « vicié leur consentement ». En ne leur délivrant pas d’état du marché local et en leur transmettant des prévisionnels « complètement irréalistes ». Les performances des deux sociétés (chiffre d’affaires et résultats) s’étant révélées très inférieures aux prévisions (entre trois et dix fois selon les cas).

      La cour relève cependant que l’une des sociétés franchisées est parvenue à atteindre, la première année, le chiffre d’affaires prévu. Même si son résultat a été pour sa part dix fois inférieur au niveau attendu, cela démontre aux yeux des juges que la franchisée a pu « réitérer le concept » et qu’elle n’a donc pas été trompée sur le potentiel de rentabilité.  En outre, les experts-comptables de plusieurs autres membres du réseau ont pu fournir des chiffres montrant que leurs clients avaient atteint, avec le même concept, des niveaux d’activité « conséquents ».

      Par ailleurs, les franchisées ne parviennent pas à prouver aux juges que le franchiseur leur a remis effectivement des comptes prévisionnels, ni que ces documents ont été portés à leur connaissance  avant la signature de leur contrat.

      L’absence d’un état du marché local n’entraîne pas automatiquement le vice du consentement

      Devenir-Franchise-Etude-Marche-Previsionnels

      Concernant l’état local du marché, les magistrats en constatent en effet l’absence dans le DIP remis, mais ajoutent que (d’une façon générale) cette absence « ne caractérise pas en soi » une faute du franchiseur. Encore faut-il que le franchisé indique précisément l’omission qui a provoqué chez lui une erreur déterminante quant à son consentement. Or, en l’occurrence, les juges ne sont convaincus ni de l’existence (avant la signature des contrats) des concurrents cités par les franchisées, ni du fait qu’ils auraient proposé les mêmes prestations à des prix inférieurs à ceux du franchiseur.

      Pour la cour, le « vice du consentement » n’est donc pas démontré et la nullité du contrat à nouveau rejetée.

      Prix imposés et non-concurrence après le contrat : des clauses illicites

      La cour d’appel de Paris écarte également la résolution des contrats, réclamée à défaut par les franchisées, entre autres pour abus de dépendance économique. Une dépendance et un abus qui selon eux ne sont « pas démontrés ».

      Même si les magistrats conviennent  du caractère « illicite » d’une clause autorisant de fait le franchiseur à imposer les prix de vente de ses franchisés, ils estiment que cette disposition n’est pas « d’une gravité suffisante » pour justifier une résolution des contrats.

      En revanche, la cour annule la clause de non-concurrence post-contractuelle qui, si elle était limitée dans le temps, ne l’était pas dans l’espace. Et déboute le franchiseur de sa demande de dommages et intérêts liée au non-respect de cette clause (selon lui).

      Les contrats de franchise ne sont pas annulés

      Aux termes de cet arrêt, dont la cour s’empare pour rappeler plusieurs de ses positions de principe, le jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 octobre 2016 est « confirmé dans toutes ses dispositions ». Les franchisées sont déboutées de leurs demandes d’annulation ou de résolution de leurs contrats. Elles ne récupèrent donc aucune somme d’argent et l’une d’elle est condamnée à rembourser au franchiseur plus de 10 000 euros de redevances impayées.

      *Référence de la décision :

      Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 4, 9 janvier 2019, n° 16/21425