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      Implantation aux Antilles : le franchiseur français aurait dû mieux faire - Brève du 7 juin 2022

      Un franchisé implanté en Martinique refusait de payer ses redevances invoquant un dol et des manquements du franchiseur à ses obligations contractuelles. Il est débouté. Mais les carences de la tête de réseau sont reconnues en partie et sanctionnées par des dommages et intérêts en faveur du plaignant.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Fort de France vient de se prononcer dans un litige opposant un franchisé implanté en Martinique à son franchiseur de métropole. Elle partage presque à égalité les torts et les sanctions entre les deux parties.

      Dans cette affaire, le contrat de franchise est signé en octobre 2013, mais en septembre 2015, le franchiseur fait appel à la justice pour obtenir le paiement de 58 000 euros de redevances impayées.

      Le franchisé estime qu’il a été victime de manœuvres dolosives de la part du franchiseur lors de la signature de son contrat et demande que celui-ci soit annulé. Plus précisément, le franchiseur aurait, selon le plaignant, prétendu être le leader de son marché alors qu’il n’était pas encore implanté aux Antilles. Ce que le franchisé n’aurait découvert qu’après coup.

      La preuve d’un dol n’étant pas établie, la nullité du contrat de franchise est refusée

      Saisie, la cour d’appel écarte ces accusations. D’abord parce que, dans le texte même du contrat signé par le franchisé, il est précisé que celui-ci reconnaît avoir eu à sa disposition la liste des agences du réseau, la possibilité de les interroger et le temps de se faire conseiller avant de signer.

      Toujours dans le contrat, le franchiseur ne se présente pas comme leader sur les DOM-TOM, notent les juges, mais au contraire reconnaît que sa notoriété est encore limitée. « La simple vérification sur le site Internet de la liste des franchisés permettait (au candidat à la franchise) de constater qu’aucune agence ne se trouvait dans les DOM-TOM ».

      De même l’étude du DIP qui lui a été remis permettait de mesurer l’absence d’implantation de la marque aux Antilles. « La présentation publicitaire comme leader ne pouvait valoir qu’en métropole » estime la cour.

      Le franchisé « n’apportant pas la preuve de manœuvres frauduleuses» l’ayant déterminé à signer son contrat, sa demande d’annulation de celui-ci est refusée.

      Problèmes de communication et de décalage horaire…

      A défaut de nullité, le franchisé demandait la résolution du contrat pour manquement du franchiseur à ses obligations essentielles. C’est-à-dire, rappelle la cour, la mise à disposition d’une enseigne, d’un savoir-faire et d’une assistance pendant le contrat.

      Selon le plaignant, non seulement l’enseigne du franchiseur n’était pas connue en Martinique, mais le numéro vert de la marque utilisable par la clientèle ne tenait pas compte du décalage horaire avec la métropole tandis que le service de télégestion, élément essentiel selon lui du savoir-faire promis, manquait à l’appel.

      Autres reproches du franchisé : l’absence, constatée par huissier le 4 mars 2015, de la Martinique sur la carte représentant les implantations du franchiseur consultable sur son site Internet.

      Pas de résolution du contrat, mais la cour constate des manquements du franchiseur

      Franchise JuridiqueLà encore, la cour d’appel déboute le franchisé et refuse de prononcer la résolution du contrat. Elle constate d’abord que le franchisé ne s’est « jamais plaint » auprès du franchiseur avant son courrier du 11 mars 2015. Courrier postérieur à la mise en demeure lui réclamant ses redevances.

      Concernant l’absence de notoriété, comme déjà indiqué, la cour estime que le franchisé « ne pouvait pas l’ignorer » lorsqu’il s’est engagé. De même, dans la mesure où avant le 11 mars 2015 il ne s’est pas plaint du dysfonctionnement du service de télégestion, la faute du franchiseur « n’est pas établie. »

      En revanche, les juges admettent que le fait de ne pas avoir mentionné sur le site Internet du franchiseur l’existence du point de vente de la Martinique a privé le franchisé d’une publicité liée à la notoriété de l’enseigne.

      De même, le fait que le numéro vert de la marque n’ait été disponible à la clientèle qu’aux horaires de métropole constitue une carence de la tête de réseau, puisque le contrat prévoyait la mise en place d’un numéro d’appel national, les prospects étant affectés ensuite au franchisé en fonction de l’origine de l’appel et du choix du client.

      Mais la cour estime que ces deux manquements avérés ne portent pas sur des obligations essentielles du contrat de franchise. Et ne justifient pas une demande de résolution du contrat.

      Si le franchisé devra s’acquitter de 58 000 € de redevances impayées, il recevra 25 000 € de dommages et intérêts

      Conséquence : le jugement de première instance est confirmé. Faute d’annulation ou de résolution du contrat, le franchisé est condamné à verser au franchiseur les 58 000 € de redevances que celui-ci lui réclame.

      Cependant, les juges d’appel estiment que « ces manquements sont constitutifs d’une mauvaise exécution du contrat de franchise qui n’a pas répondu à toutes les attentes du franchisé ». Lequel « n’a notamment bénéficié que partiellement de l’assistance à laquelle il pouvait prétendre en vertu du contrat, (le franchiseur) ignorant manifestement les spécificités locales quant à la convention collective applicable et ne tenant pas compte du décalage horaire avec la métropole ».

      Pour la cour « Il convient de réparer ce préjudice par l’octroi de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 25 000 € ».

      Référence de la décision :

      Cour d’appel de Fort de France, chambre civile, arrêt du 22 mars 2022, n° 20/00147