Olivier Carrié, Président de la coopérative Sherpa - Interview du 18 novembre 2025

Environ 10 magasins Sherpa changent de mains chaque année, si bien qu’en une dizaine d’années, nous avons renouvelé 90 % du parc.

Pouvez-vous nous présenter la coopérative Sherpa et les grandes étapes de son développement depuis sa création ?

L’histoire de Sherpa a commencé en 1988 avec 10 magasins regroupés sous forme d’association. C’était vraiment une grande première en montagne, qui permettait, à la demande des épiciers eux-mêmes, d’avoir une organisation, une logistique et un fournisseur compétent. Mais aussi une mutualisation des coûts, afin de faire baisser les prix dans les épiceries de montagne parce que, avant les années 90, c’était vraiment un problème.

Nous avons évolué jusqu’à compter une cinquantaine de magasins au début des années 2000 et nous nous sommes transformés en coopérative, une forme très proche de l’association, mais encore plus participative. Car dans une coopérative, chaque adhérent compte pour une voix, et la majorité des adhérents participent à des commissions décisionnaires. Tandis que notre conseil d’administration, composé de neuf dirigeants de magasin, prend les décisions stratégiques, concernant entre autres le développement de l’enseigne.

Jusqu’en 2009, nous avions pour partenaire historique Promodès, devenu Carrefour. Puis en 2009, la proposition Carrefour ne nous plaisant pas suffisamment, nous avons opté pour la proposition Casino. A cette époque, nous avons perdu certains magasins qui, étant donné leur situation de concurrence ou leurs intérêts particuliers dans leur zone de chalandise, ont préféré rejoindre une autre enseigne.

A partir de 2009, nous n’avons fait que grandir et récupérer un certain nombre de magasins, et nous n’en avons perdu qu’un seul, qui a préféré partir. Car dans notre modèle coopératif, chaque magasin adhère pour une seule année, et est libre de dénoncer son contrat six mois avant son échéance.

Dans la première phase de notre partenariat, qui courait jusqu’en 2016, Casino nous a proposé de rallier certains de ses magasins et ainsi, de contribuer au développement de Sherpa. L’intérêt pour eux étant de développer leur chiffre d’affaires, et de renforcer leur image en stations de sports d’hiver. Ainsi, certains magasins sous franchise Spar ou Casino sont devenus Sherpa.

Combien le réseau compte-t-il de magasins sous enseigne à date, et combien d’adhérents ?

Le réseau sous enseigne Sherpa compte à ce jour 121 magasins, et il a un peu plus de mal qu’auparavant à se développer en numéraire, car le marché des stations de montagne est aujourd’hui à maturité : il y a désormais peu d’opportunités de créations. Il y a tout de même quelques transferts de magasins en provenance de Casino, et nous arrivons de temps en temps à récupérer des magasins de la concurrence, souvent des exploitants déçus d’être franchisés avec une autre enseigne.

La coopérative regroupe une centaine d’adhérents, parce que certains exploitent jusqu’à trois magasins. Nous avons réalisé 139 M€ de chiffre d’affaires sur notre exercice clos au 31 mai 2025. Notre chiffre d’affaires d’hiver est toujours en croissance à magasins constants, même après les fortes périodes d’inflation que nous avons connues, et notre panier moyen (environ 20 €) a lui aussi tendance à augmenter. La période d’été représente aujourd’hui environ 20 % du chiffre d’affaires annuel de l’ensemble du réseau, alors qu’avant le Covid, elle n’avait jamais représenté plus de 15 %. C’est sans doute en partie lié à la transition climatique, qui fait que la clientèle est un peu moins présente sur les débuts et fin d’hiver dans l’ensemble des stations, alors qu’elle est toujours aussi présente l’été.

Environ un tiers du réseau, soit entre 30 et 35 magasins, ouvrent désormais à l’année alors que, si l’on remonte aux années 2010, ils n’étaient qu’une dizaine. La majorité ouvraient hiver comme été, bien sûr, mais il était assez rare qu’ils restent ouverts toutes l’année. Or, en quinze ans, nous avons triplé le nombre de magasins adhérents ouverts à l’année.

Quels sont vos objectifs de développement pour les années qui viennent ?

Il nous reste encore des stations de montagne à couvrir, mais les créations sont devenues complexes parce que les programmes immobiliers nouveaux ne prévoient pas toujours des supérettes et quand c’est le cas, ces emplacements sont très convoités. Heureusement, nos concurrents s’intéressent à de plus grosses unités : nos plus petits magasins génèrent 500 000 € de chiffre d’affaires sur la saison d’hiver, or ces petites unités-là n’intéressent pas vraiment nos concurrents. Nous en avons quelques-uns dans le réseau et ils se plaisent chez nous, à partir du moment où ce sont des couples qui arrivent à trouver une rentabilité dans leur affaire.

Quelles sont les opportunités de reprise de magasins sous enseigne Sherpa ?

Le réseau connaît un important renouvellement : environ 10 magasins changent de mains chaque année et l’on s’aperçoit qu’en une dizaine d’années, nous avons renouvelé 90 % du parc. Parce que l’enseigne existe depuis 1988, mais aussi parce que le métier est de plus en plus difficile, plus fatigant, donc un adhérent ne va plus passer 25 ans dans cette activité, mais seulement 5 ou 10 ans.

Parmi les repreneurs, on trouve des personnes âgées d’une cinquantaine d’années qui cherchent une activité indépendante dans un environnement sympa ; des jeunes qui reprennent après leurs parents, ou alors d’anciens responsables de magasin qui ont l’opportunité de reprendre un point de vente à l’enseigne.

Quels sont les critères pour devenir adhérent Sherpa ?

Nous sommes beaucoup plus ouverts que nos concurrents : à partir du moment où les candidats ont la capacité financière pour reprendre un magasin et une expérience suffisante dans le domaine, nous leur faisons confiance. Nous leurs demandons souvent une garantie bancaire complémentaire afin de pas prendre trop de risques, puisque la coopérative reste ducroire de nos magasins. Ensuite, nous suivons nos adhérents le mieux possible, surtout la première saison : ils sont très souvent accompagnés par d’anciens exploitants sur tout ou partie de leur première saison d’hiver. Puis la coopérative prend le relais pour voir si tout se passe bien au niveau de la gestion du point de vente. Voilà pourquoi, d’une manière générale, on n’a pas besoin d’une longue formation en magasin pour reprendre une unité.

Quel quelle surface faut-il pour ouvrir un magasin Sherpa ? Quels sont les investissements à prévoir ?

Nos magasins font 170 m² en moyenne : de 60 m² pour le plus petit, à 500 m² pour le plus grand. Nous avons la chance d’avoir des adhérents exploitants déjà implantés dans les stations, qui sont souvent très impliqués au niveau de la Mairie, de l’Office du Tourisme. Et qui sont très attentifs à ce qui se passe : quand une opportunité se présente, ils sont en général prioritaires pour se développer sur leur station.

En matière d’investissement, il n’y a pas de règle, toutes les formules existent. Beaucoup d’exploitants finissent par être propriétaires de leurs murs, mais à terme. Mais, dans le cas de jeunes repreneurs, ils ont souvent les moyens d’investir uniquement dans le fonds de commerce, mais très rarement dans les murs. A l’inverse, nos postulants d’une cinquantaine d’années cherchent souvent à faire d’une pierre deux coups.

Où en est le déploiement de votre nouveau concept de point de vente, lancé en 2022 ?

A ce jour, la majorité des magasins Sherpa sont ont adopté le concept extérieur, ainsi que la  charte de communication. En ce qui concerne le concept intérieur, nous n’en sommes qu’à 20 magasins sur 120, parce que c’est beaucoup plus long. De plus, nous avons tenu à faire appel à des acteurs et des artisans locaux, qui ne peuvent mener à bien que cinq à six rénovations par an environ. Pour aider nos adhérents à passer au nouveau concept, la coopérative abonde pour tout ce qui est investissement sur la coque ou l’agencement, c’est-à-dire ce qui reste en dur dans le magasin. Et nous proposons le mobilier Sherpa en location sur cinq ans, sachant qu’au bout de cinq ans, la location n’est plus qu’à l’euro symbolique. En parallèle, nous procédons à des relookings plus rapides chez les adhérents qui avaient un concept récent, et qui n’étaient donc pas prioritaires.