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      Sylvain Bartolomeu, Dirigeant Associé, Franchise Management - Interview du 22 septembre 2021

      Interview
      22 septembre 2021

      Président de Franchise Management, le consultant Sylvain Bartolomeu répond à nos questions sur la situation de la franchise à la veille de Franchise Expo et délivre ses conseils aux futurs franchisés pour le choix de leur réseau.

      Plus que jamais, les candidats à la franchise doivent se montrer vigilants dans le choix de leur réseau.

      Sylvain Bartolomeu, Dirigeant associé de Franchise ManagementAprès dix-huit mois de crise sanitaire avec les conséquences que l’on sait sur les tendances de la consommation, diriez-vous que, globalement, les enseignes de franchise sont revenues à une situation normale en ce mois de septembre 2021 ou bien qu’il y a encore des secteurs difficiles ?

      -Il y a encore des secteurs difficiles. Certaines enseignes ont été très impactées et vont avoir du mal à repartir de l’avant. Elles subissent les effets économiques de la crise, mais c’est dur aussi et peut-être même surtout sur le plan psychologique. Les équipes danimation des réseaux ont été très engagées et certaines sont épuisées actuellement, ce qui gêne le redémarrage. Dans la restauration assise, avec maintenant en prime les questions liées au pass sanitaire, c’est compliqué. Les établissements ne trouvent pas de serveurs, ce qui freine la mécanique, etc.

      « Certaines enseignes vont avoir du mal à repartir de l’avant. L’épuisement des équipes d’animation gêne leur redémarrage. »

      Selon vous, va-t-il y avoir dès ce mois de septembre, au salon Franchise Expo par exemple, un afflux de candidats vers les enseignes de franchise et de commerce organisé ?

      Un afflux de visiteurs sans doute, mais des recrutements en plus grand nombre, pas nécessairement. Le salon Franchise Expo va faire du bien, c’est sûr. Mais il n’est pas certain que la concrétisation par la suite soit supérieure – ni inférieure – à ce qu’elle était avant 2019.

      Alors quel est le bon réseau pour se lancer dans cet environnement incertain ? La rentabilité du concept pour le franchisé n’est-elle pas, plus que jamais, le critère numéro un ?

      Absolument. Le métier « clé en main » que vous achetez avec votre franchise doit vous permettre avant tout de vivre et de bien vivre. C’est le critère numéro un de choix d’un réseau.

      « Même là où l’activité a été la plus impactée par la crise, certains réseaux ont mieux résisté que d’autres. »

      Mais n’est-ce pas précisément plus difficile que jamais de mesurer cette rentabilité future à la lumière de l’année 2020 si atypique où certaines activités ont anormalement souffert quand d’autres ont peut-être profité d’une situation qui ne va pas durer ? Comment faire ?

      Conseils-DevenirFranchise-BusinessPlanIl faut regarder les chiffres sur un temps plus long et prendre du recul sur les performances ou contre-performances liées à la crise sanitaire. Il faut aussi se demander si l’enseigne est dans la moyenne de son secteur, si elle est au-dessus ou au contraire en-dessous. Des données économiques existent pour les grands domaines d’activité. Et avant de choisir, les candidats doivent comparer les enseignes d’un même secteur entre elles. Même là où l’activité a été la plus impactée par la crise, certains réseaux ont mieux résisté que d’autres. Enfin, il faut examiner la solidité du franchiseur, son infrastructure, sa capacité à en tirer de quoi être durablement performant.

      Comment un candidat qui n’est pas du secteur, qui n’est pas déjà franchisé de l’enseigne peut-il mesurer cela ?

      Il faut demander au franchiseur qu’il vous communique ses bilans et des informations complémentaires : quelle est sa situation financière à date. Il y a de quoi se montrer très prudent.

      Peut-on déjà raisonner sur les chiffres du premier semestre 2021 ?

      L’activité commence en effet à se corriger mais pas totalement. Et cela dépend des secteurs. Dans la restauration, il faut regarder les chiffres hors confinement. Dans les salles de sport qui n’ont pratiquement pas pu ouvrir pendant des mois, les chiffres 2021 ne veulent rien dire.

      « Parmi les nouveaux concepts qui arrivent sur le marché de la franchise, plusieurs me laissent dubitatif. »

      Comment fait-on pour les nouvelles enseignes sans historique qui arrivent par dizaines sur le marché ?

      On en revient aux fondamentaux : quelle est la solidité du réseau ? Comment est structuré le franchiseur ? Quelle est son assise en termes d’établissement(s) pilote(s) ? Quels sont leurs résultats ? En quoi ce concept va permettre demain de se relancer ? On sait que l’activité économique va reprendre doucement, mais qui va en profiter ? La tête de réseau aura-t-elle les capacités d’investir ?

      Parmi les nouvelles enseignes de franchise, y a-t-il des concepts, des types d’activité qui vous surprennent, voire qui vous inquiètent ?

      Je me méfie des effets de mode. Où en seront dans 5 ou 10 ans les concepts de cryothérapie ou de cannabis thérapeutique ? Quant à l’électrostimulation, où est le savoir-faire ? Que valent ces activités basées seulement sur un produit ou une technique ? Et que donneront les nouveaux concepts de restauration ? On en a déjà tellement vu apparaître et disparaître deux ans après. Sans parler des franchises de consulting, où le turnover est très fort. Dans tous ces domaines, je suis plutôt dubitatif. Ne jamais oublier qu’en règle générale, il y a beaucoup d’enseignes qui se lancent sur un nouveau marché, mais seuls les 3 ou 4 leaders survivent.

      « La restauration assise en franchise va se relever, car il y a de la casse parmi les indépendants isolés. Il va y avoir beaucoup d’opportunités à saisir. »

      On parle beaucoup de la restauration et de ses difficultés depuis le début de cet entretien, mais c’est précisément le domaine qui est le plus représenté à Franchise Expo avec 88 enseignes sur les 417 exposantes, comment expliquez-vous ce paradoxe ?

      Attention lorsque l'activité du franchisé dépend d'une plate-forme de livraison.C’est vrai que certains concepts un peu classiques ont été bousculés. Mais, dans la restauration rapide, les enseignes ont réalisé de très bons chiffres d’affaires avec la vente à emporter. Quant au segment de la restauration assise, il va se relever parce qu’il y a de la casse dans le secteur, notamment parmi les indépendants traditionnels. Il y a déjà eu des fermetures et il y en aura d’autres pour des raisons économiques et aussi par découragement, faute de pouvoir trouver du personnel par exemple. Il va donc y avoir de nombreuses opportunités pour la franchise. Cela permettra aussi de répondre aux nouvelles attentes du consommateur vers plus d’évasion, plus de circuits courts, etc.

      « Le rôle du candidat, c’est de se renseigner, de chercher à savoir si le franchiseur est sérieux, si les franchisés sont heureux dans son réseau. »

      Pour les études de marché et les prévisionnels, certains avocats de franchisés affirment qu’il vaut mieux éviter de s’adresser aux sociétés et aux experts-comptables conseillés par le franchiseur, qu’en pensez-vous ?

      Ce que je conseille aux candidats à la franchise, c’est d’aller eux-mêmes sur le terrain. L’étude de marché délivrée par une société spécialisée peut donner un éclairage, parfois très fiable. Elle ne remplace pas l’étude que vous devez faire vous-même des flux de clientèle et des concurrents, en se rendant chez eux.

      Quant à l’expert-comptable, tout dépend de l’intention du franchiseur. S’il a de bonnes intentions, il n’y a pas de raisons d’être méfiant. L’expert-comptable qu’il vous recommande connaît forcément bien le réseau. Il va disposer de plus de données réelles que d’autres experts sur le concept. C’est vrai aussi pour les sociétés d’études de marché.

      Comment sait-on que le franchiseur a, ou n’a pas, de bonnes intentions comme vous dites ?

      Le rôle du candidat, c’est de se renseigner, de chercher à savoir si le franchiseur est sérieux, si les franchisés sont heureux dans son réseau. Et il ne faut pas hésiter à poser la question : « combien gagne un franchisé avec votre enseigne ? » Je n’entends presque jamais cette demande. Certes il y a des écarts au sein d’un même réseau, mais en moyenne ?

      Autre interrogation à soulever : quel est le taux de réussite du franchiseur, c’est-à-dire combien de franchisés ont réussi par rapport au nombre de contrats signés ? Certains candidats ont peur de poser ces questions. Mais il ne s’agit pas d’un entretien d’embauche pour un poste de salarié, il s’agit du choix d’un partenaire ! Ce sont des questions bien naturelles pour un candidat à un « poste » de chef d’entreprise ! D’autres craignent de ne pas pouvoir vérifier la validité des réponses données. Mais, déjà, la manière dont on vous répondra ou dont on ne vous répondra pas à ce type de question vous donnera de précieuses indications.

      « On entre dans une phase d’opportunisme complet. Certaines enseignes en difficulté vont faire de gros efforts de séduction. Il va falloir être très attentif. »

      Certains conseillent de choisir un réseau qui a fait la preuve de sa capacité à adapter son concept et à faire évoluer son savoir-faire en permanence. Comment fait-on pour évaluer cela quand on est candidat à la franchise ?

      Il faut regarder quelles sont les ressources au siège – c’est cela qui donne de l’agilité au franchiseur -, se faire communiquer l’organigramme, savoir quelles sont les équipes mises à la disposition des franchisés, combien le réseau compte d’animateurs par rapport au nombre de franchisés. Un pour vingt est une norme générale mais il faut comparer deux ou trois enseignes. Il faut chercher à savoir quel est l’état d’esprit du réseau, quel est le taux de participation aux conventions nationales (si 20 à 30 % des franchisés ne se déplacent pas, cela pose question), quelles sont les instances de dialogue, car plus il y a de dialogue, plus il y a d’innovation et moins il y a de résistance au changement. Enfin, il faut savoir quel est l’investissement de la tête de réseau en recherche et développement, s’il y a des groupes de réflexion en interne pour de nouveaux produits, une nouvelle marque, etc.

      Certaines enseignes ne vont-elles pas être tentées, afin d’accélérer leur recrutement après deux années parfois compliquées, de lever le pied sur la sélection des candidats ?

      On entre en effet dans une phase d’opportunisme complet. Il y a des enseignes sérieuses avec des concepts porteurs, mais il y en a aussi qui connaissent des difficultés économiques et qui cherchent à survivre. Sans oublier certains jeunes franchiseurs avides d’opportunités.  Il va falloir être attentif. D’autant que les franchiseurs font de gros efforts de communication. Ils ont bien compris comment séduire les candidats, bien appris comment « marketer » leur offre. Or, en franchise, il faut, après la signature, que l’on s’occupe de vous durablement et que l’on vous permette d’être meilleur que vos concurrents. Dans la période qui s’ouvre, les candidats à la franchise vont donc devoir se montrer très vigilants.

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