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      Assistance en franchise : en quoi doit-elle consister ?

      Dernière mise à jour le 9 décembre 2021

      Services et outils spécifiques, équipes dédiées, visites d’animateurs : indispensable à toute franchise, l’assistance varie d’un réseau à l’autre. A vous de vérifier, avant de signer, qu’elle pourra réellement contribuer à votre réussite.

      Les franchiseurs vous le promettent tous quand ils vous vendent leur concept: ils vous « accompagneront » tout au long de votre contrat. Quand aux experts – et aux juges -, ils vous le confirment : cette assistance du franchiseur constitue, avec l’enseigne et le savoir-faire, l’un des trois piliers de la formule. Sans elle, pas de franchise.

      Mais en quoi consiste-t-elle exactement ?

      Certains franchiseurs vous proposent les services au siège d’équipes nombreuses et multispécialisées. Mobilisant les moyens modernes de gestion et de communication (logiciels, internet), ils mettent à votre disposition des outils parfois très pointus vous permettant de mesurer et comparer vos performances. Objectif : vous aider à identifier vos points faibles et à les corriger. Dispositifs qui peuvent vous procurer un avantage décisif face à vos concurrents.

      D’autres ou les mêmes mettent l’accent sur les visites de leurs visites des animateurs dans votre point de vente. En veillant à leur qualification et à leur disponibilité. Afin qu’ils jouent auprès de vous un rôle d’entraineur et de soutien et pas seulement de contrôleur.

      D’autres en revanche se bornent au minimum, voire aux apparences. En matière d’assistance, les franchiseurs ne sont pas tenus, légalement, à une obligation de résultat, mais seulement à une obligation de moyens.

      Avant de signer votre contrat, à vous donc d’ouvrir l’œil et de bien vous renseigner sur la réalité et l’efficacité de l’assistance proposée par le réseau de franchise qui vous intéresse.

      Des services multiples depuis le siège du franchiseur

      « Trop souvent, l‘assistance se limite à la formation initiale et le franchisé se retrouve livré à lui-même » jusqu’à la fin de son contrat, avertit Maître Charlotte Bellet sur son site « Franchise Équitable ». L’avocate, spécialisée depuis près de vingt ans dans le conseil aux franchisés, estime aussi que les outils mis à leur disposition sont parfois « obsolètes ou déficients » et que les animateurs sont « très souvent jeunes et inexpérimentés ».

      Sans brosser un tableau aussi sombre, sa consœur Nathalie Castagnon, qui conseille franchiseurs et franchisés depuis vingt-cinq ans, admet que, dans l’ensemble, les dirigeants pourraient « mieux faire » en la matière : « Certains réseaux anciens s’endorment sur leurs lauriers. Or, la notoriété n’est pas l’assistance ».

      Laurence-Pottier-Caudron-Temporis-Portrait
      Laurence Pottier-Caudron, Présidente de Temporis

      A l’opposé, d’autres font preuve, sur la question, d’une forte mobilisation. Ainsi, chez Temporis, une chaîne de 150 agences d’intérim en franchise, 40 personnes réparties en 9 services travaillent pour le réseau. Du juridique à l’informatique, du marketing à la finance en passant par l’animation, ces spécialistes sont au quotidien à la disposition des 95 franchisés.

      « Chaque nouvel entrant est visité 12 fois la première année de son contrat par l’un de nos 4 animateurs, qui le rencontre au moins 2 fois par an ensuite »,  explique la présidente Laurence Pottier-Caudron« Nos 6 contrôleurs de gestion rendent chaque mois un rapport à chaque franchisé et nous organisons des e-conférences régulières sur des thèmes Ressources Humaines ou Juridique ».

      « Nous délivrons des tableaux de bord  hebdomadaires où chaque franchisé peut comparer son activité avec celle de sa concurrence locale et des tableaux mensuels où il peut se mesurer aux autres membres du réseau. Nous avons déterminé 6 ratios principaux, comme la marge, sur lesquels il sait s’il est en vert, orange ou rouge. Et nous indiquons pour chaque ratio quelles sont les 3 meilleures performances du mois et les 3 moins bonnes ».

       

      Logiciels et internet : apports et limites de la technologie en franchise

      Chez Temporis, un audit avec 200 points de contrôle est également réalisé (la première année du contrat puis tous les deux ans) par deux personnes qui ne sont pas des animateurs (l’une de compétence plutôt juridique, l’autre gestion-organisation).

      Developpement de la performance
      Un logiciel d’évaluation peut permettre aux franchisés d’un réseau de se situer les uns par rapport aux autres

      Et la dirigeante du réseau a mis au point depuis un an avec ses équipes un logiciel  d’évaluation baptisé « Évaloris » (« évaluer pour créer de la valeur »), qui permet à chaque membre du réseau de corriger lui-même ses points faibles entre deux audits grâce à des fiches type « mode d’emploi ». « Quand un franchisé est en adéquation à 75% du concept, il peut devenir agence de formation pour les nouveaux entrants », souligne Laurence Pottier-Caudron.

      Lors des conventions nationales de Temporis, elle a remplacé les trophées du meilleur chiffre d’affaires par ceux du « meilleur audit », car « quand les franchisés s’aperçoivent que le gagnant est aussi l’auteur de la meilleure réussite financière, ils comprennent très bien l’utilité de l’outil ».

      Évaloris, qu’elle a présenté à ses collègues du Club des franchiseurs de Toulouse, y a d’ailleurs rencontré un franc succès et la dirigeante a décidé désormais de le commercialiser.

      Rien ne remplace les relations humaines entre franchiseur et franchisés

      Attention, cependant : si la technologie fait parfois des merveilles, « elle ne peut pas tout, prévient Maître Nathalie Castagnon. Je pense au franchisé dans sa boutique ou dans son restaurant : je ne suis pas certaine qu’il utilise beaucoup les restitutions, les tableaux de bords, les outils d’analyse et l’intranet mis à sa disposition. Je m’aperçois en pratique que les franchisés ne consultent pas très souvent leurs écrans, accaparés qu’ils sont par leurs ventes, leur management, leur commerce ».

      « Du reste, nombre d’entre eux reprochent à leur enseigne le manque de relations autres que numériques. Or, on ne remplacera jamais l’humain », poursuit la spécialiste. « Même si la technologie permet des échanges de données et d’analyses tout à fait intéressants, le rôle de l’animateur demeure essentiel ».

      Animateurs expérimentés indispensables

      Eric Allouche Directeur exécutif de la franchise Era Immobilier France
      Eric Allouche, Directeur exécutif de la franchise Era Immobilier France

      Un rôle essentiel accordé à l’animateur, c’est aussi l’avis d’Éric Allouche, directeur général d’Era Immobilier, réseau qui fédère 280 franchisés et 380 agences immobilières. « Dans nos métiers de service, l’aspect humain est primordial. Nous utilisons des techniques bien sûr, mais avant tout, nous nous appuyons sur une personne qui va s’occuper d’une autre, qui va faire preuve de bienveillance, qui va avoir la capacité d’inspirer confiance. C’est valable pour le franchisé vis-à-vis de ses clients comme pour le franchiseur vis à vis des franchisés« .

      La chaîne a divisé le territoire en 20 régions où sont organisées 4 réunions par an. 11 animateurs-consultants « assurent le suivi et la formation en permanence ». Ils vivent en région et sont directement joignables par les franchisés. « Chaque agence est rattachée à un consultant dédié ».

      « Grâce à l’informatique, nous disposons de tous les ratios de nos franchisés (avec leur accord). Nous pouvons donc facilement nous rendre compte du travail effectué et des résultats obtenus ». Et des conseils à délivrer.

      Des visites fréquentes d’animateurs de terrain

       » La fréquence de nos visites est, en moyenne, de un mois à un mois et demi. Elle varie en fonction de la taille de l’agence, des besoins et des difficultés éventuelles. Si nécessaire, nous mettons en place une intervention spéciale ».

      Éric Allouche insiste sur un point : la qualification de ses animateurs-formateurs : « Nos consultants ont travaillé longuement en agence avec succès, au minimum en tant que négociateurs mais si possible comme managers, voire comme agent immobilier. Ils ont au moins 7 ans et jusqu’à 20 ans d’expérience. Ils ont entre 30 et 50 ans. Ils doivent aussi développer un savoir-être, se montrer positifs, donner envie et pas seulement maîtriser un savoir-faire lié aux spécificités Era« .

      Enfin, la chaîne a adopté un système de « switch coach » pour briser la monotonie : une fois par an une visite est effectuée par un consultant d’une autre région qui ne connait pas le franchisé. Lequel doit « sentir qu’il n’est pas en contact seulement avec un individu, mais bien avec un réseau, avec une organisation », conclut Éric Allouche.

      « L’assistance doit être continue et personnalisée »

      « L’assistance doit avoir lieu au lancement et de façon continue pendant le contrat. Elle est inhérente à la franchise », rappelle Maître Nathalie Castagnon. « Il n’est même pas nécessaire qu’elle soit détaillée par écrit pour qu’elle s’impose au franchiseur. Ceci étant, si rien n’ est précisé dans le contrat, on peut s’interroger ».

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      Nathalie Castagnon, avocate spécialiste de la franchise.

      Et pour l’expert, si le franchisé doit se sentir appuyé en continu par l’organisation du franchiseur, il est important que le suivi assuré soit personnalisé.

      « Certains franchiseurs estiment qu’avec leur centrale d’achat, leur site internet, leur logiciel métier, leur assistance est complète », regrette Nathalie Castagnon. Or il s’agit là d’une forme d’assistance collective, mais pas individuelle. Ce n’est pas suffisant ». Plus précisément, pour la spécialiste du droit de la franchise, « chaque visite n’a de sens que si elle est assortie d’un compte-rendu adressé au franchisé. Si l’animateur a pointé des anomalies ou des pratiques à corriger, des actions à mener, s’il a délivré des conseils, il doit lui en rendre compte par écrit ».

      « La visite de l’animateur n’a de sens qu’assortie d’un compte-rendu »

      Avocate des franchisés, Maître Charlotte Bellet détaille les apports souhaitables : « Le franchiseur ou son animateur doit être capable de vous prodiguer des conseils adéquats (en cas) de manque de fréquentation du point de vente, de manque de rentabilité, d’une politique publicitaire inadaptée au tissu local,  d’une difficulté quelconque avec un fournisseur, votre bailleur, votre banque, un de vos salariés, un concurrent ou encore une administration ». Selon elle aussi, il est recommandé »d’exiger un compte-rendu écrit et contradictoire signé du franchisé et de l’animateur« .

      Qu’en est-il de la fréquence des visites ? « Juridiquement, il n’est pas obligatoire de la chiffrer, observe Nathalie Castagnon. La jurisprudence se contente de formules du type « le franchiseur ou son représentant se rendra de manière régulière sur le point de vente franchisé« . Cela peut vouloir dire une fois par an. Est-ce suffisant ? C’est à voir ».

      L’avis de l’avocat : « Franchisés : soyez demandeurs ! »

      Avant de signer votre contrat de franchise vous avez tout intérêt à vérifier comment se passe en pratique l’assistance dans le réseau que vous envisagez de rejoindre. « Ne vous en tenez pas au discours du commercial qui vous vend la franchise », conseille Nathalie Castagnon.

      Et que le réseau soit débutant ou confirmé, vérifiez « s’il aura bien les moyens financiers d’une bonne assistance ». Vous pouvez pour cela « faire analyser les comptes du franchiseur, délivrés en annexe du DIP (Document d’information précontractuelle) ».

      « Demandez aussi à consulter l’organigramme précis de l’équipe dédiée au réseau, poursuit la spécialiste. Cela n’est pas exigé par la loi mais c’est une information importante. Nous conseillons en tout cas à nos clients têtes de réseau de la communiquer ».

      Rapprochez-vous de franchisés installés pour vérifier la réalité de l’assistance promise

      « Demandez encore à voir le sommaire du Manuel Opératoire pour juger de la consistance des services annoncés. Et puis bien sûr, rapprochez-vous des franchisés, et pas seulement de ceux que le franchiseur vous recommande et posez-leur toutes vos questions.

      Bref, « soyez demandeurs », une attitude que la Assistance du franchiseurspécialiste vous encourage à conserver pendant toute la durée du contrat en vous recommandant de « ne pas hésiter à réclamer (par écrit) l’aide dont vous avez besoin et sans attendre qu’il soit trop tard ! »

      Un conseil délivré également par d’autres avocats. Entre autres parce qu’en cas de litige, les juges demanderont des preuves, des pièces, des écrits.

      L’obligation d’assistance qui s’impose aux franchiseurs est en effet une obligation de moyens, non de résultat. Ce qui veut dire qu’à partir du moment où le franchiseur aura organisé par exemple des visites et formulé des remarques, les juges considèreront qu’il a fait son travail. Même si ses conseils ne vous ont pas aidé, ne vous ont pas semblé pertinents. Et ce sera à vous de prouver que votre partenaire ne vous a pas délivré l’assistance que vous attendiez. Ce qui est loin d’être évident.

      Avant de choisir votre réseau de franchise, évaluez donc bien, au-delà des apparences, la qualité réelle de l’assistance que le franchiseur apporte à ses franchisés.

      Jean-Pierre Pamier