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      Comptoir Del : condamnations confirmées pour le franchiseur, pas pour la banque et le consultant - Brève du 26 novembre 2018

      Brève
      26 novembre 2018

      La cour d’appel d’Aix-en-Provence vient de confirmer l’annulation de quatre contrats du franchiseur de restauration rapide Comptoir Del. Elle dégage en revanche la banque et un cabinet de consultant de toute responsabilité dans l’échec des franchisés.

      Par quatre arrêts du 22 novembre 2018, la cour d’appel d’Aix-en-Provence s’est prononcée sur les  litiges du réseau de restauration rapide Comptoir Del Pasta. Des litiges qui opposent depuis 2013 quatre franchisés à leur franchiseur, à la banque qui les avait financés et au cabinet de consultant conseil du réseau.

      Quatre contrats de franchise Comptoir Del annulés pour tromperie

      Tribunal de commerceLes 21 avril et 26 mai 2015, le tribunal de commerce de Marseille annulait les quatre contrats. Pour les juges, le franchiseur (débutant) avait, de diverses manières, trompé ses partenaires sur la rentabilité réelle de son concept, provoquant ainsi leur échec. Il se voyait condamné, au total, à des remboursements et indemnités de l’ordre de 1,5 million d’euros.

      Mais dans l’un des litiges, le cabinet de consultant devait verser plus de 570 000 € au franchisé tandis que, dans un autre, la banque devait s’acquitter de 300 000 €. Et ce, « en garantie » du franchiseur (ces sommes venant pour lui en déduction de son 1,5 M€).

      Attendue pour la fin 2016, la décision d’appel vient de tomber. La cour confirme les quatre jugements de première instance en ce qu’ils ont annulé les contrats et condamné le franchiseur Comptoir Del. En revanche, elle exonère le consultant et la banque de toute responsabilité dans l’échec des franchisés.

      Le cabinet de consultant a bien joué son rôle de conseil, estime la cour

      Concernant le cabinet de consultant, les franchisés lui reprochaient d’avoir « commis des fautes » dans la rédaction des DIP (Documents d’information précontractuelle) et des « Business Plans » établis pour le compte du franchiseur. Des fautes qui avaient, selon eux, « conduit à vicier leur consentement » en y insérant « des chiffres prévisionnels mensongers, trompeurs et fantaisistes » ainsi que des « renseignements erronés ».

      Pour leur part, les juges de Marseille estimaient, dans l’un des litiges examinés en avril 2015, qu’au vu des échanges de mails entre le franchiseur et son conseil en décembre 2009, celui-ci « connaissait les résultats des restaurants pilotes ». Des résultats qui, pour les premiers mois d’exploitation, n’étaient pas tous bons et que le franchiseur souhaitait en partie dissimuler. Pour les juges, le consultant avait donc, en décembre 2010, rédigé et transmis au franchiseur et à la banque « en toute connaissance de cause » « des (…) prévisionnels, totalement dénués de sérieux et irréalistes au regard des résultats connus». Sa responsabilité dans l’échec du franchisé était, à leurs yeux, établie.

      Les magistrats d’appel sont d’un avis contraire. Ils relèvent d’abord que le business plan en question a été remis deux mois après la signature du contrat et qu’il n’a « donc pas pu vicier le consentement du franchisé ». 

      Par ailleurs, les factures produites par le consultant pour ses travaux de 2008 et 2009 « montrent  qu’il n’est pas intervenu dans la rédaction de chacun des dossiers (des franchisés), mais de manière globale dans (celle) de documents type ». (Qu’il s’agisse du DIP, du business plan, du manuel opératoire ou du contrat de franchise).

      Les juges relèvent encore que le consultant a, dans l’échange de mails de décembre 2009, « averti de manière très claire le franchiseur sur les conséquences d’une omission de l’intégralité des chiffres concernant la succursale de Gap », jouant ainsi son rôle de conseil.

      Il n’a donc, selon eux, pas commis de faute. Le jugement de Marseille qui le condamnait pour cela est infirmé sur ce point.

      La banque « n’avait pas à se prononcer » sur la viabilité du concept

      Quant à la banque, les franchisés affirmaient que, comme partenaire financier du franchiseur, elle « ne pouvait ignorer le manque de rentabilité du réseau Comptoir Del. » Elle avait donc, selon eux, « manqué à son obligation d’information, de conseil et de mise en garde » à leur égard.

      Les juges de Marseille estimaient aussi, dans l’un des quatre litiges examinés en mai 2015, que la banque était en faute. Pour eux, elle avait en l’occurrence, dans son « partenariat tacite » avec le franchiseur, accordé un crédit au franchisé sans s’apercevoir qu’il ne disposait pas, en fait, des moyens de son endettement, « sans avoir analysé les risques de son projet » alors même que, dotée d’un pôle dédié, « elle se présentait comme un partenaire privilégié de la franchise ». Pour le tribunal de commerce de Marseille, la banque avait fait preuve d’une « extrême légèreté blâmable » dès lors que, « sans ses fautes, le franchisé n’aurait pas exploité ce restaurant ».

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLes magistrats d’Aix-en-Provence en jugent tout autrement. Ils estiment d’abord que la banque n’a pas été imposée par le franchiseur, qui en avait indiqué plusieurs (même s’il avait précisé que celle-ci finançait la plupart de ses franchisés). Ils rappellent que « le banquier dispensateur de crédit n’est pas tenu (…) d’une obligation de conseil sur la viabilité de l’opération économique financée ». De plus, « le contrat a été conclu antérieurement à la demande de prêt ». Pour eux, la banque n’avait donc « pas à se prononcer sur la viabilité du concept » Comptoir Del.

      Au vu de ses diplômes et de son expérience, la cour considère aussi que le franchisé était « un emprunteur averti ». La banque n’avait donc à son égard « pas d’obligation de mise en garde », sauf s’il était établi qu’elle « disposait d’éléments (ignorés du franchisé). » Or, notent les magistrats, la plupart des franchisés existants (de ce réseau créé en 2009) s’étaient installés en 2010/2011, « soit peu de temps avant » le plaignant, « ce qui exclut par là-même que la banque ait pu avoir connaissance de l’absence de rentabilité du concept » lorsqu’elle lui a accordé son crédit.

      Le jugement de Marseille est donc infirmé sur ce point. Et la cour d’appel d’Aix-en-Provence condamne le franchisé personne physique à reverser à la banque plus de 100 000 € correspondant à son engagement de caution « qu’elle considère comme non disproportionné au regard de ses facultés contributives et des revenus escomptés de l’opération (…) »

      Des condamnations du franchiseur qui resteront symboliques

      Au final, les quatre contrats de franchise Comptoir Del sont annulés et les condamnations du franchiseur confirmées. Mais son entreprise a été placée dès juillet 2015 en liquidation judiciaire, puis radiée en mars 2016. La condamnation restera donc symbolique.

      Les franchisés ne recevront pas les sommes qui leur sont dues. D’autant que la banque et le cabinet de consultant (lui aussi en liquidation judiciaire depuis le 30 mars 2016), exonérés de toute responsabilité, n’auront rien, non plus, à leur verser.

      Les franchisés peuvent bien sûr se pourvoir en cassation. En auront-ils l’envie et les moyens ? C’est une autre question.