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      Un franchisé condamné à plus d’1,7 M € pour avoir vendu son fonds de commerce à la concurrence - Brève du 17 novembre 2021

      Brève
      17 novembre 2021

      S’estimant dans son bon droit, un franchisé vend son fonds de commerce à la concurrence malgré le droit de préférence de son franchiseur. Onze ans et plusieurs décisions d’appel et de cassation plus tard, il est lourdement condamné par la cour d’appel de Paris.

      Reprise-franchise

      Dans cette affaire jugée récemment le premier contrat de franchise est conclu en 1998 et régulièrement renouvelé ensuite. Mais en novembre 2009, tout en observant le préavis prévu, le franchisé le résilie.

      Le 14 mars 2010, il vend son fonds de commerce à la chaîne directement concurrente, attiré entre autres par la proposition qui lui est faite de lui accorder le statut de gérant-mandataire.

      Problème : son contrat prévoyait pour le franchiseur un droit de préférence en cas de cession du fonds par le franchisé. Un droit que la tête de réseau a fait jouer dans les délais avec une offre d’achat de 800 000 €.

      Le droit de préférence veut dire que si le franchiseur formule des conditions d’achat égales à celles annoncées par ailleurs, le franchisé doit lui vendre son bien en priorité. Mais précisément, le franchisé a estimé que l’offre n’était pas égale, puisque son franchiseur ne lui proposait pas le statut de gérant mandataire, contrairement à la concurrence.

      Au terme d’une première procédure, le droit de préférence du franchiseur est définitivement validé en cassation

      Dès le mois d’avril 2010, le franchiseur ouvre une procédure judiciaire qui va durer, avec plusieurs passages en cour d’appel et de cassation jusqu’au 3 mai 2018. Ce jour-là, la chambre commerciale de la plus haute juridiction française rejette le pourvoi du franchisé.

      Elle admet que, dans le cas examiné, le droit de préférence du franchiseur était « compatible avec les règles de droit de la concurrence ».

      Elle considère également avec la cour d’appel de Paris que la clause de gérant mandataire incluse dans le contrat de cession (du fonds franchisé au réseau concurrent) « n’entrait pas dans le périmètre visé par le pacte de préférence ».

      En clair, le franchiseur initial n’avait pas à s’aligner sur ce point sur le réseau concurrent. Le franchisé devait donc accepter de vendre son fonds à son ancien et pas à son futur réseau.

      Le fonds franchisé n’ayant été restitué au franchiseur que 7 ans après sa cession à son concurrent, l’addition est lourde

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceDans ce même litige, une autre procédure a été lancée en décembre 2010 par le franchiseur et par la société (appartenant au même groupe) assurant l’approvisionnement du magasin franchisé. Avec entre autres pour objectifs d’obtenir de récupérer le fonds cédé et des dommages et intérêts.

      Après plusieurs péripéties séparées de longues périodes d’attente, l’affaire est revenue devant la cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 3). Entre-temps, le fonds de commerce cédé a été restitué à son réseau initial par l’ex-franchisé, mais seulement en 2017.

      Dans son arrêt du 22 septembre 2021, la cour confirme son arrêt précédent du 28 octobre 2020 qui établissait les fautes du franchisé.

      En revanche, dans la mesure, explique-t-elle, où il a été mis fin régulièrement au contrat de franchise, en respectant le délai contractuel de préavis, le préjudice subi par le franchiseur en raison du non-respect de son droit de préférence « ne peut être égal au montant des redevances non perçues en exécution du contrat dénoncé jusqu’à sa récupération du fonds ». Mais « seulement à la perte de chance de pouvoir percevoir des redevances ». Une perte de chance dont la réalisation ne peut pas être certaine.

      180 000 € pour les redevances et 1,5 million pour les bénéfices perdus sur les achats

      En prenant comme référence le montant moyen des redevances perçues pendant le dernier contrat, soit 2 380 € par mois, le franchisé aurait dû verser 183 260 € entre la résiliation de 2010 et la restitution de 2017.  La cour fixe la somme des dommages et intérêts à 180 000 € en expliquant que la probabilité pour la société franchiseur de retrouver un franchisé pour la période concernée était très forte. Le préjudice subi est donc élevé.

      Le même raisonnement appliqué – à quelques nuances près – à la société du groupe franchiseur en charge de l’approvisionnement aboutit à un dommage estimé à 1 540 000 €, en compensation des 1 986 215 € de bénéfices bruts non perçus par elle pendant la même période.

      La cour écarte en revanche la condamnation du franchisé, réclamée par le franchiseur et le fournisseur pour « résistance abusive » car, selon elle, il a « pu se méprendre sur la portée de ses droits ».

      L’affaire peut, bien sûr, encore aller en cassation…

      Référence de la décision :

      Cour d’appel de Paris, Pôle 5 chambre 3, 22 septembre 2021, n° 18/23849

      >Lire aussi sur le sujet

      -L’article d’Anouk Bories, maître de conférences à l’université de Montpellier, dans le numéro de novembre de la Lettre de la distribution