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      Alexandra Bouthelier, Déléguée générale de la Fédération du commerce coopératif et associé (FCA) - Interview du 22 février 2021

      Interview
      22 février 2021

      La crise sanitaire a été un accélérateur pour nous, surtout pour certains de nos adhérents qui réfléchissaient encore à faire des ventes en digital.

      Alexandra Bouthelier, Déléguée générale de la Fédération du commerce coopératif et associé (FCA)Quel est a été l’impact de la crise sanitaire sur l’activité du commerce coopératif et associé au cours de l’année 2020 ?

      Cette crise a évidemment eu un impact négatif, à nuancer toutefois selon les secteurs : sur la trentaine représentée au sein de la Fédération du commerce coopératif et associé, le bricolage n’est pas impacté de la même façon que l’hôtellerie ou les agences de voyage. Globalement, dans les secteurs qui n’ont pas été fermés ou véritablement sinistrés, la reprise de la consommation a été bonne et la fin d’année n’a pas été catastrophique. Certaines enseignes de bricolage ont terminé l’année à zéro ; dans le sport ou le jouet, les résultats ont été négatifs mais pas catastrophiques, compris entre zéro et -10 %.

      L’activité a été marquée par les mesures sanitaires : quand le premier confinement nous est tombé sur la tête, cela a été l’effroi total pendant une à deux semaines. Puis, les entreprises ont mis en place de nouvelles façons de faire donc, au deuxième confinement, nos adhérents étaient totalement prêts. Les réflexions étaient vraiment activées, donc les groupements étaient prêts : le click & collect était par exemple beaucoup plus répandu et plus efficace. Même s’il ne permet pas d’atteindre le même niveau d’activité qu’en temps normal, quand les points de vente sont ouverts.

      A chaque déconfinement, l’activité a très bien repris, grâce à un calendrier positif : la Fête des Mères fin mai pour les parfumeries et les bijouteries ou Noël pour les enseignes de jouets comme JouéClub, dont le site internet a très bien fonctionné. On aurait pu craindre que les consommateurs se disent que les produits allaient manquer, anticipent leurs achats sur les sites marchands des pure players très en amont, mais ça n’a pas été le cas.

      Il faut dire aussi que le parc de points de vente de nos enseignes adhérentes n’est pas très parisien, mais au contraire très implanté en Province, et bénéficie donc de la tendance des consommateurs à aller dans des magasins plus petits et plus proches de chez eux. Cette clientèle a en outre moins tendance à reporte ses achats sur le web, car elle a moins de défiance envers le petit commerce de proximité.

      Comment votre fédération s’est-elle organisée pour accompagner ses adhérents dans ce contexte ?

      Nous avons repensé nos échanges et nos commissions ont eu lieu en visio, avec des formats différents. Nous avons également mis en place une cellule de crise pour recevoir en « live » les mesures et les informations du gouvernement, et les redistribuer à nos adhérents sur un groupe WhatsApp très actif. Soit pour eux-mêmes, soit pour accompagner leurs adhérents sur l’obtention des Prêts garantis par l’Etat (PGE), la mise en place du chômage partiel etc. Les administrateurs des groupements se sont répartis les adhérents : chaque adhérent a été appelé au moins une fois.

      Nous avons mené beaucoup d’actions sur le sujet des loyers commerciaux et, à l’approche des premières dates d’échéances de remboursement des PGE, nous avons demandé une année blanche, afin que les remboursements n’aient lieu qu’en 2022.

      Le gouvernement a été très réactif sur le premier confinement avec des réponses adaptées. On n’a pas toujours besoin d’être soutenus, mais nous n’avons pas demandé à être fermés donc, il était nécessaire d’avoir une meilleure répartition des charges : les bailleurs ne pouvaient pas demander leur loyer comme si de rien n’était. Spontanément, beaucoup de nos adhérents ont, de leur côté, supprimé les cotisations de leurs adhérents pendant les périodes de fermeture.

      Vos adhérents ont-ils été amenés faire évoluer leur savoir-faire pour s’adapter à la situation ?

      E-commerceLa crise sanitaire a été un accélérateur pour nous, surtout pour certains de nos adhérents qui réfléchissaient encore à faire des ventes en digital. Le point positif, c’est que nous avons dû trouver des solutions qui ont bien fonctionné. Sur le digital, on a avancé beaucoup plus vite et les résultats sont arrivés immédiatement, ce qui a permis de convaincre les plus réticents.

      La crise a aussi révélé un esprit de solidarité au sein des groupements : paradoxalement, on ne pouvait plus se rencontrer mais les gens ont mieux compris l’intérêt d’appartenir à un réseau. Car tous les réseaux en ont fait plus que d’habitude : en accompagnant leurs adhérents sur les PGE, le chômage partiel etc. Il en restera quelque chose : tous nos adhérents disent qu’ils ont recréé du lien du fait de la crise.

      Est-ce que le contexte a modifié la stratégie de développement des enseignes du commerce associé ?

      Leur stratégie n’a pas évolué, mais leur développement a été freiné car il y a eu moins de candidats. Et aussi car il était compliqué d’ouvrir un magasin en période d’insécurité aussi importante. Je pense toutefois qu’il y aura peu de défaillances, en dehors des secteurs les plus sinistrés. A fin 2020, il n’y a pas eu de défaillance de groupement, et il n’y a pas eu plus de défaillances de points de vente que d’habitude. Il faut dire qu’il n’y a pas du tout d’enseignes textiles chez nous. Mais une chaîne comme Camara dans la photo, qui est un secteur compliqué, n’a pas du tout accusé de problème, car les boutiques et le groupement sont bien gérés.

      A noter : tous les groupements ont eu pour politique de payer leurs fournisseurs immédiatement, car ce sont aussi des partenaires et que nous sommes tous concernés. Il y a eu beaucoup de problèmes de délais de paiement en général en France, mais tous nos adhérents ont payé sans retard.

      Selon, vous quels sont les atouts du commerce coopératif et associé dans le contexte sanitaire actuel ?

      Nos atouts sont la proximité de nos chefs d’entreprise avec les consommateurs : chacun a su s’adapter en fonction de son magasin, de sa taille, de la zone où il se trouve et des clients qu’il peut avoir. Il n’y a pas eu de réponse unique pour tous les points de vente : notre agilité, notre flexibilité reposent sur les décisions prises au niveau de chaque magasin. De plus, même avec leurs salariés au chômage partiel, l’implication des chefs d’entreprise propriétaires de leur point de vente leur a permis d’assurer la continuité de leur entreprise.

      Selon vous, quelles seront les conséquences de la crise du Covid sur le commerce coopératif et associé ?

      La crise a renforcé notre modèle : elle lui a donné tout sa légitimité. Les entrepreneurs ont souvent la fibre un peu indépendante mais aujourd’hui, si vous les interrogez, ils vous diront qu’appartenir à un réseau n’a pas seulement une dimension économique, mais aussi une dimension psychologique qui a pris toute sa valeur.

      Les réseaux sont aujourd’hui très soudés, ce qui leur permet de faire beaucoup plus de choses, plus facilement, comme par exemple le click & collect. Sans l’accompagnement et tout le back office mis en place par leur groupement, les commerçants ne l’auraient pas fait aussi vite et aussi bien, de même pour les PGE ou le chômage partiel.