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      Devenir franchiseur : les erreurs à éviter

      Dernière mise à jour le 3 février 2023

      Développer un réseau de franchise avec succès n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Beaucoup se lancent. Peu réussissent.

       

      Bien sûr, quand on croit détenir une idée, on veut aller vite. Vite pour imaginer le concept, vite pour ouvrir les premières unités, vite pour recruter les premiers franchisés.

      C’est tentant car la concurrence est là et on ne veut pas se laisser distancer. Mais c’est un piège.

      Trop de candidats franchiseurs se lancent sans avoir suffisamment testé leur concept, en se disant qu’ils corrigeront en marchant. Erreur.

      Trop d’apprentis franchiseurs commencent à recruter des franchisés avant même d’avoir vraiment validé leur modèle économique. Erreur encore.

      Trop de jeunes franchiseurs pensent pouvoir se passer des experts que ce soit pour déterminer leurs ressources futures (droits d’entrée, redevances) ou pour rédiger leur contrat. Erreurs toujours.

      Si vous voulez vraiment bâtir un réseau de franchise  pérenne et pas seulement rafler quelques droits d’entrée avant de disparaître, lisez notre dossier. Les deux spécialistes que nous avons interrogés ont, dans le domaine, une expérience tout à fait éclairante.

      Ne vous lancez pas sans avoir prouvé la rentabilité de votre concept

      Avant tout, vous devez avoir vérifié et démontré la rentabilité de votre concept. « La franchise, c’est la réitération d’une réussite. Il faut donc que cette réussite soit déjà constatée. Or, beaucoup de candidats franchiseurs se lancent avant même d’avoir testé leur idée et demandent aux premiers franchisés d’essuyer les plâtres. C’est une hérésie ! » déplore Maître Florian de Saint-Pol, avocat à Bordeaux. Le spécialiste, qui a déjà conseillé « plusieurs dizaines » de jeunes franchiseurs et défendu aussi de nombreux franchisés, sait de quoi il parle.

      Consultant à Nantes et à Paris et lui-même ancien développeur de réseau, Franck Berthouloux confirme : « Les jeunes créateurs de concepts ont tendance à basculer très vite en franchise avec de moins en moins d’expérience en propre ». Or, « il faut avoir exploité son concept pendant quelques années, avec succès, si possible sur plusieurs sites – plus il y en a, mieux c’est ».

      Pour sa part, l’avocat fixe la durée de cette expérimentation à « 3 ou 4 ans, parce que c’est le temps nécessaire pour savoir si une société fonctionne ». « Il faut en outre, ajoute Florian de Saint-Pol,  que l’activité reste rentable pour le franchisé après qu’il ait payé ses redevances. Ce que n’ont pas à faire les unités en propre qui servent de référence ». Un point que certains franchiseurs oublient, alors même que les diverses redevances (d’enseigne, de publicité) peuvent représenter jusqu’à 10% et plus du chiffre d’affaires.

      Vérifiez votre profil et évaluez votre potentiel

      Il est vrai qu’on ne nait pas franchiseur, on le devient. C’est un métier à part entière. Encore faut-il  en avoir le profil. C’est à dire « avoir toujours un temps d’avance sur son marché, être déjà dans le projet suivant, être un visionnaire ; mais aussi avoir la capacité de fédérer, le goût de transmettre et l’envie d’accompagner d’autres entrepreneurs », détaille Franck Berthouloux (TGS France Consultants).

      Il faut aussi que votre concept soit franchisable. « Un artiste peintre, un chef étoilé, un avocat par exemple ne peuvent pas franchiser », illustre Maître Florian de Saint-Pol. De même « si votre succès tient beaucoup à votre personne, ce qui peut être le cas en matière de services (coaching en entreprise, etc.) »

      Si ces indicateurs sont au vert, vous pouvez passer aux phases suivantes : étude de marché (par une société spécialisée), évaluation de votre potentiel (en nombre d’établissements à ouvrir). L’avocat est formel : mieux vaut dès lors travailler avec un consultant qui va « décortiquer votre concept et voir comment l’optimiser ou s’il faut l’adapter », par exemple aux villes moyennes alors qu’il visait au départ plutôt les capitales régionales, ou encore à d’autres emplacements que les centre-villes ou les centres commerciaux.

      « Attention, aucun diplôme n’est requis pour s’intituler consultant », prévient toutefois l’avocat. « Certains sont de bons professionnels, d’autres se montrent surtout compétents… en facturation ». Choisissez donc bien votre interlocuteur !

      Votre concept de franchise doit être facile à reproduire

      Le consultant va jouer un rôle important à vos côtés car il va vous aider, entre autres, à rédiger votre manuel opératoire.

      Pour réussir en franchise, votre concept doit être duplicable, c’est à dire facile à reproduire par quelqu’un qui découvre l’activité. Ce qui sera, a priori, le cas de vos futurs franchisés. Vous devrez donc exposer par écrit et en détail votre méthode.

      Ce document, indispensable à tout réseau de franchise, « le franchiseur manque de recul pour le rédiger seul », note Franck Berthouloux. « Souvent son savoir-faire n’est pas seulement technique, mais comportemental et il aura tendance à faire l’impasse sur cet aspect. Parce qu’il ne connait – a priori – pas l’activité, le consultant posera les questions naïves qui permettront de faire émerger la vraie spécificité du concept ».

      « Souvent, le savoir-faire des candidats franchiseurs n’est pas suffisamment détaillé, pas assez identifié, accessible, digeste », insiste l’expert. Or, c’est une des conditions premières du succès.

      Le consultant vous aidera aussi à définir tous les services que vous mettrez à disposition de vos futurs franchisés. Ce n’est pas seulement une obligation légale. Pour réussir, un franchiseur a besoin de mettre à la disposition de ses franchisés  non seulement une enseigne mais aussi un savoir-faire et une assistance pendant toute la durée du contrat.

      Ne copiez pas votre contrat de franchise sur Internet !

      Un contrat que vous aurez intérêt à faire rédiger par un avocat spécialisé. Bien sûr, on en trouve des modèles sur Internet. « Le problème, c’est qu’il s’agit précisément de modèles et qu’il faut les adapter, car chaque cas est particulier », expose Maître Florian de Saint-Pol. Et surtout, c’est risqué. « Car s’il y a une erreur, si le contrat est annulable par un juge, c’est tout le réseau qui peut sauter, puisque tous les contrats sont bâtis sur la même trame ».

      Il faut aussi choisir sa formule de développement. Inutile de prétendre à la franchise si vous n’avez pas de savoir-faire à transmettre. Ou, à l’inverse, de vous afficher en licence de marque pour séduire les candidats si vous êtes, en fait, en franchise. « Votre contrat doit correspondre à la réalité », insiste l’avocat.

      Important : le contrat devra lister les services fournis aux franchisés et leur coût. D’où l’intérêt de le rédiger après l’intervention du consultant.

      Mêmes remarques pour le DIP, (Document d’information précontractuel). Imposé par la loi,  il doit être remis au futur franchisé 20 jours au moins avant toute signature de contrat ou tout versement d’argent, pour une réservation de zone par exemple. « Il peut être rédigé en partie par le consultant, indique Florian de Saint-Pol. La présentation du marché, celle du franchiseur par exemple ne sont pas du ressort du juriste. Mais il ne s’agit pas d’un document commercial et il doit être relu par un avocat spécialisé, car il va, au moins en partie, déterminer le consentement du franchisé. S’il est mal rédigé, le franchiseur risque, là encore, l’annulation ». N’oubliez pas, enfin, de protéger votre marque.

      Prévoyez 100 à 300 000 euros pour commencer

      Toute cette préparation nécessite évidemment un budget. Selon Maître Florian de Saint-Pol, le recours aux experts vous reviendra « une centaine de milliers d’euros au minimum ». Le consultant « coûtant le plus cher » puisqu’il doit « travailler plus de 6 mois » sur le sujet.

      Mais, outre pour financer l’étude de marché, de nombreux investissements sont à prévoir, en tout cas si vous devez créer votre structure et ne disposez pas déjà de centrale d’achats, de logistique ni de services marketing, développement et animation, etc.

      Devenir-franchiseur-investissementA titre indicatif, « un poste de développeur-animateur sera sur une ligne de 100 000 € (salaires + charges) », estime Franck Berthouloux (TGS France Consultants). « Un plan communication  pour le recrutement des franchisés commencera à 20 000 € pour le salon annuel de la franchise à Paris plus 10 000 par support Internet ou magazine spécialisé. Et mieux vaut en utiliser 2 ou 3 pour pouvoir croiser les candidatures de franchisés ». Donc, 30 à 50 000 € pour la première année.

      « Pour la partie structuration du savoir-faire et mise au point  des modules de formation, il faut compter entre 20 et 50 000 euros. Sans oublier le juridique : rédaction du DIP et du contrat, protection de la propriété intellectuelle – la marque – : entre 15 et 20 000. Soit, au total, de 100 à 300 000 euros ».

      Et il faudra anticiper les investissements à suivre  pour accompagner la croissance du réseau  car « ce n’est pas au développement de financer le développement ».

      Ne recrutez pas de franchisés avant d’être fin prêt

      Si vos documents sont au point (manuel opératoire, contrat, DIP), vous pouvez commencer à recruter des franchisés.

      A condition d’être « capable de les accueillir dans de bonnes conditions », avertit Franck Berthouloux. C’est à dire de disposer au moins d’un module de formation initiale et « d’un parcours d’intégration bien fléché ».

      Il faut aussi que « les services promis dans le contrat puissent être fournis immédiatement. Vous devez donc disposer du personnel nécessaire », complète Florian de Saint-Pol. De même, l’avocat vous aura préparé les outils « qui vous permettront de gérer efficacement le réseau. Comme des trames de compte-rendus de visite contractuelle ».

      Avant de vous lancer dans la recherche de franchisés, il vous faudra encore définir avec soin leur profil. Et cerner les qualités humaines – et pas seulement financières ou techniques – qui vous semblent indispensables pour votre activité.

      Des experts en analyse de profils, comme François Peltier (TGS France Consultants) pourront vous y aider.

      Limitez au maximum vos erreurs de casting

      L’erreur à éviter à ce stade est bien connue : vouloir aller trop vite. « Très souvent, le franchiseur n’est pas assez rigoureux dans la sélection des candidats, parce qu’il veut un retour rapide sur ses investissements », analyse Maître Florian de Saint-Pol. « Or, l’expérience démontre que 70% des problèmes liés à la franchise ont pour origine des questions de personne, des erreurs de casting ».

      Franck Berthouloux confirme : « Quand le franchiseur rencontre un candidat qui a de l’argent, mais pas les qualités humaines, il peut être malgré tout tenté de signer ».

      De même, « les jeunes franchiseurs ne sont pas assez directifs sur la validation des emplacements. Certains apprennent même qu’ils ont le pouvoir de dire non ! »

      Autres erreurs fréquentes : « l’attribution de zones d’exclusivité trop importantes », note l’avocat spécialisé.  D’où la nécessité d’effectuer  au préalable le découpage du territoire. « Il est facile de savoir quelle zone (surface, nombre d’habitants) est nécessaire  pour permettre aux franchisés d’atteindre la rentabilité », glisse l’expert.

      Attention encore à « la tendance naturelle à embellir la mariée en faisant miroiter aux franchisés des chiffres qui ne correspondent pas à la réalité », ajoute l’avocat. Ce qui peut entraîner des litiges.

      Se tromper dans le recrutement des franchisés est donc facile. Surtout au début. Or, c’est précisément à ce moment de son histoire qu’un réseau est le plus fragile. Et ne peut guère se permettre de voir ses franchisés dévier du concept ou vouloir le refaire à leur manière…

      Déléguer ou non le recrutement des premiers franchisés ?

      Si les deux experts s’accordent sur le diagnostic, ils divergent en revanche quant aux remèdes. Pour Maître Florian de Saint-Pol, ce n’est pas aux franchiseurs débutants de se charger du recrutement des franchisés. « Ce n’est pas leur métier. Ils ne savent pas faire. Mieux vaut qu’ils s’adressent à un spécialiste, par exemple le consultant qui a travaillé sur la création du réseau ». Même si, par la suite, ayant atteint une certaine taille, ils pourront intégrer la fonction. Mais au départ, cela leur « coûterait trop cher ».

      Devenir-franchiseur-deleguer-recrutementL’avocat enfonce le clou : « le franchiseur a déjà deux métiers. Son activité d’origine et son nouveau métier de franchiseur. Mieux vaut qu’il s’arrête là. Et qu’il se concentre sur l’évolution de son concept, l’optimisation de son savoir-faire, la gestion du réseau existant, la veille concurrentielle, l’assistance aux franchisés, les services toujours plus performants qu’il pourra apporter au réseau. Le recrutement est un métier à part ».

      Un avis que ne partage pas du tout Franck Berthouloux. Pour le consultant, membre du collège des experts de la FFF, « c’est au franchiseur d’assumer le recrutement de ses franchisés. Il connait son concept et sa marque. S’il n’est pas capable de sélectionner lui-même les membres de son réseau, il n’est pas franchiseur ».

      « Qu’il se fasse conseiller sur le profil à rechercher, qu’il se procure des outils d’aide à la décision : oui. Mais qu’un consultant recrute à sa place, non. Il faut cesser de faire croire que la franchise est une formule magique où les franchiseurs n’auront rien à faire et où l’on s’occupera de tout à leur place. Ce n’est pas un service à leur rendre ».

       

      Ne cherchez pas à démarrer trop vite le développement

      A quelle vitesse peut-on ou faut-il se développer ?  « Le nombre de franchisés à recruter et le rythme devront être en phase avec un prévisionnel chiffré, de façon à ce que le franchiseur ait le maximum de visibilité sur ses sources de revenus futurs », indique Franck Berthouloux (TGS France Consultants).

      NetzMais surtout, le rythme se déterminera « en fonction de l’enveloppe de départ » et des moyens mis en œuvre. L’important étant de pouvoir « bien intégrer les premiers franchisés ».

      « Pour certains, ce sera une cadence de 5 à 6 recrutements dans l’année, avec une ouverture tous les deux mois, pour d’autres seulement 1 ou 2 par an », indique l’expert. « Aujourd’hui, des réseaux matures arrivent à recruter annuellement 20 à 25 nouveaux franchisés, mais ils sont largement pourvus en équipes pour les accompagner ! »

      Rien ne sert de vouloir brûler les étapes. Parmi les erreurs de jeunesse des franchiseurs, le consultant pointe ainsi le « manque de structuration de la tête de réseau ». « Certains créateurs de chaînes, déjà lancés, avec des ouvertures, continuent à donner l’impression à leurs franchisés qu’ils ne sont pas organisés, pas professionnels »...

      « Certains franchiseurs veulent se développer beaucoup trop vite, alors qu’ils n’ont pas les moyens de le faire », confirme Maître Florian de Saint-Pol.  D’autres, trop nombreux selon lui, « ne voient dans la franchise que le moyen de prélever des redevances » rapidement. Sans forcément apporter les contreparties nécessaires. « Ce ne sont pas de vrais franchiseurs et c’est souvent pour cela qu’ils échouent », tance l’avocat.

      Réussir les étapes suivantes

      D’autres étapes attendent encore le créateur de réseau avant d’accélérer puis d’atteindre la maturité. Ainsi, il  devra renforcer les équipes du siège, le marketing, recruter des formateurs, des animateurs, etc.

      Devenir-franchiseur-perenniseTous les candidats franchiseurs ne réussiront pas. « Certains sont trop vite séduits par la franchise sans mesurer tout ce que cela comporte. Ils ne sont d’ailleurs pas forcément faits pour ce métier », avertit Franck Berthouloux (TGS France Consultants).

      Pour développer et pérenniser son réseau, le franchiseur devra « se montrer toujours attentif aux évolutions des consommateurs, vérifier qu’il reste bien différenciant », conseille le consultant.  « Et garder l’œil rivé sur l’expérience franchisés, veiller à leur sentiment d’appartenance ».

      Maître Florian de Saint-Pol confirme : « il faut donner envie aux franchisés de rester. C’est le nerf de la guerre. Pour cela, le franchiseur devra se renouveler constamment, s’adapter à la concurrence et au marché, renégocier les contrats avec les fournisseurs, proposer de nouveaux services, de nouveaux outils toujours plus performants, bref faire en sorte que le concept soit optimisé et affiné en permanence ».

      Vous voilà prévenus.  Pour réussir en tant que franchiseur, vous devrez veiller à ce que, avec votre concept, les franchisés – et les consommateurs – soient eux-aussi gagnants.